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Hommage à l’ancien ministre du Travail Jacques Barrot

Par - Le 04 décembre 2014.

Ministre du Travail et des Affaires sociales entre 1995 et 1997, ancien conseiller général et député de la Haute-Loire, ex vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot est mort mercredi 3 décembre des suites d’un arrêt cardiaque, survenu à Neuilly-sur-Seine. Il était alors membre du Conseil constitutionnel, dernier mandat d’une vie politique longue de près d’un demi-siècle. Nous publions à nouveau un entretien qu’il nous avait accordé, à l’occasion des 40 ans de la loi de 1971 sur la formation professionnelle (L’Inffo formation n° 800, 15 novembre 2011, p. 13).

“Nous voulions créer un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie”

Quelle a été votre principale réforme ?

J’ai fusionné la Délégation à l’emploi (DE) et la Délégation à la formation professionnelle (DFP). Celle-ci était assez faible. En la fusionnant avec celle chargée du travail, on lui donnait la possibilité d’être plus structurée et plus efficace. Ce qui était aussi une manière d’orienter la formation professionnelle vers la reprise d’emploi et la pratique de nouveaux métiers.

Quels principes ont guidé votre action ?

Nous voulions créer un “droit à la formation professionnelle tout au long de la vie”. L’idée étant de donner une deuxième chance à ceux qui ont envie de progresser. La formation professionnelle est à la fois un droit individuel et une chance formidable pour la nation. Elle permet, dans une période de mutation, de passer d’une entreprise à une autre. C’est une opération gagnant-gagnant, à la fois pour l’individu et la collectivité.

Quels sont les freins au développement de la formation professionnelle tout au long de la vie ?

J’ai considéré que les fameux Opca étaient parfois un peu corporatistes, et qu’il fallait introduire un droit individuel à la formation. Elle était peu accessible à la plupart des demandeurs. Trop souvent, la formation a malheureusement pu être confisquée par les formateurs et les organismes de formation.

Quels dossiers auriez-vous aimé concrétiser ?

J’ai soutenu la validation des acquis de l’expérience. Mais la classe politique dans son ensemble, moi compris, a été trop timorée. Il faut dire que les corporations se sont liguées contre la VAE, qui reste encore aujourd’hui un parcours du combattant. C’est dommage, mais que voulez-vous, ce pays a la “diplômite”. Pourtant, des salariés ayant commencé à travailler sans diplôme secondaire méritent tout autant que les diplômés de connaître une ascension sociale. Lorsque j’étais député d’opposition, j’ai coopéré tout aussi bien avec Nicole Péry[ 1 ]Secrétaire d’État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle de 1998 à 2002, elle a mis en place la VAE, inscrite dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. qu’avec Vincent Merle[ 2 ]Alors conseiller de Nicole Péry, en particulier sur les questions de VAE. .

On pourrait dire la même chose de l’alternance : cela fait trente ans qu’il aurait fallu mettre l’accent sur l’alternance, comme le fait l’actuel gouvernement, mais les organismes chargés de l’orientation ne dirigent pas vers l’alternance. Autant elle a été développée dans l’artisanat, autant cela n’a pas été suffisamment le cas dans l’industrie, où les besoins sont pourtant considérables. Ce secteur va manquer de techniciens et, plus généralement, de salariés qualifiés. Valéry Giscard d’Estaing[ 3 ]Président de la République de 1974 à 1981. m’avait demandé : “Que faut-il mettre en œuvre pour réduire le chômage ?” Je lui avais répondu : “L’alternance industrielle.” J’ai lancé des programmes d’alternance avec Jean Gandois, alors président du Centre national du patronat français (CNPF). Le patronat s’engageait à offrir des stages de cinq à six mois à des jeunes en BTS, mais la FSU[ 4 ]Fédération syndicale unitaire. a sabordé cette affaire.

Notes   [ + ]

1. Secrétaire d’État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle de 1998 à 2002, elle a mis en place la VAE, inscrite dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
2. Alors conseiller de Nicole Péry, en particulier sur les questions de VAE.
3. Président de la République de 1974 à 1981.
4. Fédération syndicale unitaire.