Demain, une monétarisation pour le compte personnel de formation ?

Par - Le 11 décembre 2017.

“Monétarisation" ! Avec “désintermédiation", c'est le mot le plus souvent prononcé à l'aube de la prochaine réforme. D'aucuns jugent que c'est la clé d'une individualisation et d'une responsabilisation réussies. D'autres s'inquiètent et y voient un ferment de désagrégation du système actuel. Les experts de Centre Inffo ont posé le débat lors du 1er RDV de veille "Dessine-moi la réforme".

La réforme de la formation professionnelle engagée par le gouvernement se veut systémique et suscite de nombreuses interrogations chez tous les professionnels. Le 25 octobre dernier, Centre Inffo inaugurait, avec la thématique de la monétisation, une série de trois sessions consacrées aux sujets clés annoncés pour la réforme.

Les experts juridiques de Centre Inffo et le consultant Jean-Pierre Willems apportent leur éclairage et des clés de compréhension sur les conséquences d'un CPF monétisé.

En préambule, ils évoquent une éventuelle “dissolution" du congé individuel de formation (Cif) dans le CPF. “Dans une logique simplement comptable, la convergence financière est possible, mais elle implique une refonte complète du paysage des 39 organismes paritaires agréés par l'État", explique Fouzi Fethi, juriste-consultant à Centre Inffo.

Autre enjeu d'une éventuelle fusion du Cif et du CPF, les logiques des deux dispositifs ne sont pas les mêmes. Pour ce dernier, on parle d'“éligibilité" et de formations courtes. Pour le Cif, il est question de “priorités" et de formations longues, destinées en général à des reconversions professionnelles. Même si,
ajoute Jean-Pierre Willems, “le CPF peut être un levier et un déclencheur de financement. Les abondements existent et permettent de construire des parcours partagés".

Coût de la formation

Aujourd'hui, le CPF, géré par la Caisse des dépôts et consignations, est alimenté en heures. “La monétisation existe déjà. Elle repose sur des plafonds horaires ou un forfait horaire", rappelle Fouzi Fethi. Pour les salariés, ces plafonds fixés par les Opca sont variables selon les branches et le type de formation.
Selon le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), le plafond moyen de la VAE (validation des acquis de l'expérience) correspond à une fourchette horaire moyenne de 65 euros et celui du certificat CléA de 38 euros par heure. En fonction des Opca, les coûts horaires varient de 50 euros à 100 euros.
Pour les demandeurs d'emploi, le FPSPP rembourse Pôle emploi ou la Région à raison d'un forfait horaire de 9 euros. “Se pose alors la question du coût de la formation dans un modèle où la personne est à l'initiative de son achat", soulève Jean-Pierre Willems.

De fait, la logique du CPF vers une plus grande autonomie et responsabilisation des personnes nourrit les pistes d'une nouvelle régulation financière qui fera l'objet des prochaines négociations interprofessionnelles.

Valeur des points

Dans l'hypothèse d'un CPF crédité en euros, la régulation de la valeur des points s'inscrirait dans un cadre national et interprofessionnel piloté par l'État. Avec le risque d'une baisse du taux horaire, comme on a pu le vivre avec celui du droit individuel à la formation(Dif) fixé à 9,15 euros, notent les experts de Centre Inffo.

Autre enjeu, le passage dans ce scénario du paiement d'une durée au paiement d'une prestation. “Cela correspond davantage à la vérité économique, mais cela complique l'approche de co-construction d'un parcours", pointe Jean-Pierre Willems.

Vers une logique de désintermédiation ?

Par ailleurs, cette hypothèse impliquerait un choix entre deux logiques. La première option consisterait à fixer une même valeur financière du point, à laquelle s'ajouteraient des abondements correctifs relevant de la régulation paritaire, selon le niveau de qualification ou des objectifs de la formation. La seconde s'orienterait vers une valeur fixée en fonction de la rémunération du salarié ou de l'indemnisation du demandeur d'emploi, avec un abondement du titulaire du compte. “Cette dernière option entrerait
dans une logique de désintermédiation
", observe Fouzi Fethi.

Les modalités de la monétisation du CPF rénové auront toute leur place dans les négociations interprofessionnelles sur la réforme de la formation professionnelle. “Mais il ne faut pas oublier que
l'approche des réformes est systémique
", souligne Jean-Philippe Cépède, directeur du pôle juridique de Centre Inffo : "On ne peut donc pas les isoler les unes des autres."

Article écrit par Catherine Trocquemé

Inffo formation n°933, 1er-14 décembre 2017