“Une déferlante de la labellisation dans le domaine de l'orientation et de la formation"

Par - Le 16 décembre 2009.

Pour Jean-Marie Luttringer, directeur général de Circé consultants (Amnyos), la “déferlante" de la labellisation dans le domaine de la formation et l'orientation professionnelle ne doit pas faire perdre de vue le respect des principes de concurrence, de transparence et de non-discrimination entre “labellisateurs", financeurs et prestataires.

S'exprimant le 26 novembre lors du colloque “Labellisation et démarches qualité des prestataires de formation et d'orientation : enjeux et questions juridiques", il a interrogé, provocateur : “Qu'y a-t-il de commun entre un poulet de Loué, Doc Gynéco et les pistes cyclables en Alsace ?" Le label, bien sûr ! Rouge pour le premier, de société de production pour le deuxième, lié à la loi sur le tourisme pour les troisièmes. “Sous le terme de labellisation, Google renvoie à plus de 73 000 documents."

Aujourd'hui, a fait remarquer Jean-Marie Luttringer, Maisons de l'emploi, Écoles de la deuxième chance ou centres de bilan de compétences sont labellisés. Plusieurs Conseils régionaux, notamment Paca, Poitou-Charentes, Limousin et Picardie, ont instauré des procédures de labellisation des offreurs de formation. D'ailleurs, “la procédure de la Région Picardie a fait l'objet d'un recours devant le Conseil de la concurrence et devant la Cour d'appel de Paris pour distorsion de concurrence".

Tout au long des travaux préparatoires à la réforme de la formation professionnelle, la question de la qualité sans cesse été présente. Ainsi, par exemple, le rapport Duda de décembre 2008, consacré à la qualité de l'offre et de l'achat de formation, a abordé la question de la certification qualité (Afnor, OPQF, norme Iso, etc.) des formations. Et l'Ani de janvier 2009 rappelle (article 53) que “les Opca, sans se substituer à l'entreprise dans le choix de l'organisme de formation, pourront veiller au respect des critères de qualité et notamment la labellisation de cet organisme". Même si elle ne reprend pas la terminologie de “labellisation", comme initialement préconisé dans le projet de loi, la loi du 24 novembre 2009 “confie au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ainsi qu'au délégué interministériel à l'orientation, la mission de promouvoir des normes de qualité dans leurs champs respectifs de compétences", a noté l'expert.

“Productivité" et “qualité"
Selon Jean-Marie Luttringer, cette “vague de fond de labellisation" constatée aujourd'hui, notamment dans le champ de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle, “est pour partie le fait d'agents économiques désireux de promouvoir leurs produits et services, mais également des pouvoirs publics qui s'inscrivent dans ce mouvement, réputé augmenter la productivité des services publics et la qualité des services rendus aux usagers". Il est clair, a-t-il insisté, que “les usagers (salariés, ménages et entreprises) des prestations délivrées ne peuvent que tirer bénéfice de l'aide au choix que l'existence de prestations et prestataires labellisés leur propose face à une offre foisonnante. En il en va de même pour les financeurs, tiers payants ou ménages, soucieux de l'efficience des ressources allouées en contrepartie de services de qualité".

Certes, la mise en place de procédures de labellisation, qui a pour effet de “mieux garantir le bon usage des ressources", est de loin “préférable à l'encadrement administratif de l'activité économique de formation et des prestations associées". Pour le directeur général de Circé consultants, “la généralisation de ces procédures ne doit, cependant, pas avoir pour effet d'exclure du marché des prestataires qui n'auraient pas engagé cette démarche (volontaire) ou auxquels le label aurait été retiré". S'il reconnaît que “les bénéfices attendus [des procédures de labellisation] sont incontestables", il estime qu'il reste au plan juridique à “clarifier de nombreuses et cruciales questions que fait apparaître la rencontre entre le droit de la concurrence, dont la labellisation n'est qu'une expression procédurale, et l'univers de l'orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie, trop habitué au confort de la réglementation administrative par voie de circulaire". Enfin, “et si, comme tout l'indique, un nouveau marché de la labellisation se crée, il faudra veiller au respect des principes de la concurrence, transparence, non-discrimination entre labellisateurs, financeurs et prestataires de services", a préconisé l'expert, selon qui, “la déferlante annoncée de la labellisation n'a donc pas fini de produire ses ondes de choc !"