L'employabilité au cœur de la responsabilité sociale des entreprises

Par - Le 16 décembre 2011.

RSE (responsabilité sociale des entreprises) et formation… Vaste question que s'est proposé de traiter notre confrère Éducation permanente dans son dernier hors-série réalisé en partenariat avec l'Afpa et le Cnam. L'occasion aussi pour les professionnels de la formation d'échanger et de débattre, lors d'une matinée de réflexion organisée à Paris le 22 novembre dernier.

Pour Vincent Merle, professeur au Cnam, la loi de 1971, à l'origine, souhaitait changer les mentalités et faire comprendre, précisément, que la qualification de main-d'œuvre ne devait pas uniquement répondre aux besoins des entreprises, mais qu'elle pouvait aussi bénéficier aux salariés soucieux de leur développement professionnel, et même personnel. “La préoccupation d'employabilité et de développement des salariés est au cœur de la responsabilité sociale des entreprises", a-t-il fait valoir. Toutefois, seulement une entreprise sur deux répondrait aujourd'hui aux exigences des critères des “agences de notation sociales". “Les entretiens individuels, les plans de formation ne sont pas toujours parfaitement adaptés aux salariés. Disons que la RSE a développé quelques pratiques, mais qui sont encore au stade du décor", a observé Vincent Merle.

Comment s'en étonner, alors que la formation professionnelle est absente des critères d'appréciation de ces agences de notations ? Contrairement par exemple, au développement durable, surreprésenté. Ce qui amène la question des indicateurs, sur la façon dont les entreprises s'emparent de la formation. Le professeur est pessimiste – ou réaliste ? – quand il se demande “quel est le rapport avec la responsabilité sociale des entreprises dans une formation aux emplois verts ?" Et Vincent Merle de conclure : “Si nous voulons prendre au sérieux la RSE et la formation, il faut éviter les discours inutiles. Si la RSE est une notion positive, il ne pas perdre de vue le sens critique et son but : l'employabilité des salariés et leur développement cognitif."

[(LES “AGENCES DE NOTATION SOCIALES"

Une agence de notation financière est chargée d'évaluer la solvabilité d'un organisme emprunteur (entreprise ou autre). Une “agence de notation sociale" travaille sur des critères parmi lesquels les ressources humaines, les relations avec les clients et fournisseurs, ou encore l'environnement. Elle réalise des audits sociaux. )]

RSE et formation : comment lier les deux ?

Le concept doit devenir réalité. Telle est la conviction de Sophie Thiery, directrice de l'agence Vigeo. “Pour être performant de façon durable, il faut faire attention aux parties prenantes. Ne pas les entendre, c'est s'exposer à des risques", a-t-elle déclaré. En tant qu'experte, elle a reconnue que les investisseurs et les donneurs d'ordre étaient très attachés aux critères sociaux et environnementaux.

([VIGEO

Fondée en 2002 par Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT), l'agence Vigeo est un spécialiste européen de l'analyse, de la notation et de l'audit-conseil des organisations, s'agissant de leurs démarches, pratiques et résultats liés aux enjeux sociaux et de gouvernance.
)]C'est alors que les agences de notation doivent avoir un rôle d'éclaireurs dans les décisions des entreprises et des investisseurs. Les “critères d'exhaustivité" (RH, droits humains, harcèlement, environnement) et de “lien sociétal" (gouvernance, relations avec les clients, les fournisseurs, les sous-traitants) devraient et pourraient donc prendre en compte la formation.

Reste qu'il existe plusieurs manières de conjuguer RSE et formation. Et cela ne passe pas nécessairement par des dépenses importantes, a expliqué Josiane Vero, chargée d'études au Céreq. “Une politique socialement responsable consiste à mettre les salariés en situation de se réaliser, d'expliquer leur point de vue, de proposer ou de contester les formations, tout simplement d'être acteurs de leur parcours professionnel." Des dispositifs individuels leur donnant une certaine latitude, tels que le Dif, se sont développés, et les placent davantage en situation de responsabilité par rapport à leur parcours. Pour Josiane Vero, si le Dif doit évoluer, il faut mettre l'accent sur les “capacités à se former" par le biais, notamment, d'espaces de débats.

Intervenant, Élisabeth Jaskulke, directrice du développement durable chez Sofiprotéol (acteur de la filière française des huiles végétales, 6 400 salariés), a indiqué qu'elle aimait remplacer le mot responsabilité par celui de liability, qui “représente parfaitement le lien social".

Anousheh Karvar, secrétaire nationale de la CFDT, a rappelé que la question de la RSE posait celle des indicateurs internes. “Tant que la formation sera regardée comme une dépense et non comme un investissement, il y aura un biais dans les indicateurs." Sophie Thiery a acquiescé, et ajouté que chaque entreprise devait avoir ses propres indicateurs, lisibles, clairs et précis.

**La “formation responsable"

Finalement, il semble que les entreprises ne s'engagent réellement dans la RSE qu'au regard de leurs contraintes, en termes de visibilité (internet, rendez-vous RH, diffusion de l'information), de partage de responsabilités managériales et de déploiement de procédures (entretiens individuels obligatoires, etc.). Mais la grande faille, pour Sophie Thiery, réside dans l'absence de réelle réflexion sur la formation : à aucun moment le “retour sur investissement" ne semble pris en compte, et les salariés ne s'y retrouvent pas toujours. Peut-être parce que “l'accent a été davantage mis sur les dispositifs que sur les personnes", a suggéré Anousheh Karvar.

“Et si une formation responsable était tout simplement une formation permettant d'obtenir une certification ?", a interrogé une personne dans la salle. Pas si simple, et pas si sûr, car il est bien rare que cette certification se concrétise par une augmentation de salaire, a répondu Anousheh Karvar. Et dans ce cas, a abondé l'animateur des débats, Marc Ferracci, comment faire le lien entre formation et responsabilité sociale des entreprises ? Le débat reste ouvert.