FOAD : vers une facilitation de l'imputabilité des formations numériques ?

Par - Le 16 décembre 2012.

Les 19, 20 et 21 novembre derniers, le Forum français pour la formation ouverte et à distance (Fffod) organisait à Marseille ses dixièmes rencontres, consacrées, cette année, à la place du numérique dans la formation formelle et informelle.

Que la transmission de connaissances “informelles" soit possible par le biais d'un environnement numérique du quotidien sans cesse croissant est un fait admis par les promoteurs de la formation à distance. Demeure la question de définir ce qu'est exactement un savoir et, surtout, de pouvoir l'identifier et le transmettre au travers de la jungle de pixels du “e-bazar". L'idée d'une valorisation des formations numériques, cependant, fait son chemin puisque Thierry Repentin, qui ouvrait les rencontres, a évoqué la possibilité de faciliter l'imputabilité de la FOAD.

“E-bazar." Le terme a justement été utilisé par Jacques Bahry, président du Forum, pour désigner le long inventaire à la Prévert des ressources et contenus pédagogiques disponibles sur la toile. Contenus desquels il n'est pas toujours aisé de trier le bon grain de l'ivraie. “Les premiers diffuseurs d'information sur internet relèvent avant tout du secteur de la publicité et de la communication marchande, a-t-il prévenu. Or, il faut garder en tête que la diffusion massive d'information, ce n'est pas de la formation. Le métier des e-pédagogues consiste avant tout à accompagner les apprenants dans leurs démarches d'apprentissage, de constituer une interface entre l'information qu'ils sont susceptibles de trouver et les contenus réellement pertinents." Pour Frédéric Haeuw [ 1 ]Le blog de Frédéric Haeuw, consacré aux nouvelles technologies et à la formation des adultes , consultant et spécialiste des questions de FOAD, d'autoformation et d'individualisation des formations, il est crucial d'établir une définition claire d'une action de e-formation : “Existe-t-il intention d'apprendre ou non ? Si la réponse est négative, alors il n'y a pas action d'apprentissage." À ses yeux, d'ailleurs, la surabondance d'informations disponibles en l'absence de tout tri constitue même une “pollution intellectuelle". Des propos que partage, en partie, Olivier Las Vergnas, président du réseau des Cités des métiers, mais surtout astrophysicien. Lui reconnaît l'influence positive des réseaux et outils numériques dans le développement de l'intérêt du grand public pour les sciences. Les grandes Universités anglo-saxonnes ne s'y sont d'ailleurs pas trompées, elles qui ont développé et mis en ligne plusieurs plateformes consacrées, notamment, au partage de données astronomiques et astrophysiques (globe@night, galaxyzoo, milkyway@home, etc.), librement accessibles au grand public et sur le contenu desquelles l'internaute moyen peut agir. Cependant, ces initiatives n'empêchent pas, pour le directeur de la Cité des métiers de La Villette, la mise en réseau du savoir de rencontrer ses limites. “Le risque existe que cette apparente transmission du savoir se limite, en réalité, à un simulacre d'appropriation de connaissances parcellaires sans maîtriser la chaîne cognitive de bout en bout." Et concernant la mise en réseau des contenus de formation, la logique est similaire, à en croire Frédéric Haeuw : “Être membre d'un réseau peut effectivement contribuer à la diffusion de l'apprentissage, mais il est impensable, pour une entreprise ou un organisme de formation, de se contenter de mettre un réseau à disposition des apprenants sans organiser des temps d'échange, de tutorat, de retours d'expériences."

Un informel qui enrichit le formel

Encadrer, tutorer, mentorer, sélectionner, trier, accompagner, guider… autant de verbes qui auront été souvent répétés lors de ces journées. Signe d'un world web qui n'aurait jamais été aussi wild ? Catherine Clénet, formatrice consultante, avait consacré, en 2007, une partie de sa thèse à développer un dispositif de l'accompagnement d'étudiants en licence de sciences de l'éducation de l'Université Paris-VIII (tous adultes, salariés, venus au titre de la formation continue et situés dans des zones géographiquement aussi distantes que l'Île-de-France, la Provence ou la Réunion) par la création de forums thématiques dédiés aux éléments pédagogiques du diplôme, mais ne négligeant pas la dimension personnelle des échanges pour autant. Résultat ? “L'existence d'un groupe tutoral a permis l'instauration d'un espace social dynamique entre les apprenants et a facilité l'autonomie et l'entretien de pratiques réflexives. Ainsi, sur notre groupe témoins de dix-sept étudiants, quinze ont obtenu leur diplôme en un an". Et pour l'ex-thésarde, cette expérience (qui se poursuit à Paris-VIII avec de nouvelles promotions), l'informel est venu grandement enrichir la pédagogie formelle.

Une circulaire relative à la FOAD qui pourrait devenir une loi ?
Ce lien apparaît naturel à Jacques Bahry : “De tous temps, les bons enseignants ont su utiliser l'informel au service de leurs cours, et ce, bien avant le numérique ! La salle de formation ne doit pas devenir une chapelle fermée sur le monde qui l'entoure." D'ailleurs, pour celui qui préside le Fffod depuis dix-huit ans, la promotion de la FOAD n'est même plus un sujet d'actualité, “tant le numérique est devenu omniprésent dans notre entourage". Reste à en convaincre les acteurs de la formation “… et plus particulièrement ceux en charge du financement", souligne Frédéric Haeuw, qui reconnaît la difficulté de faire prendre en charge les apprentissages informels par les Opca du fait des difficultés rencontrées en matière de justification et de certification des compétences acquises par ce biais. “Malheureusement, la question du financement effraie les Opca, qui craignent le contrôle de la DGEFP, et le FPSPP, qui souhaite être certain de la justification des fonds qu'il accorde…", a regretté Jacques Bahry, pour qui le début d'une solution quant à une meilleure perception de la formation informelle (par le biais du numérique) pourrait venir de la montée en puissance de la structure juridique de la circulaire n° 2001-22 du 20 juillet 2001, relative aux formations ouvertes et/ou à distance, définissant les règles d'imputabilité de la FOAD.

Une circulaire signée, à l'époque, par le délégué général de l'emploi et de la formation professionnelle. “Si cette circulaire pouvait devenir une loi, alors l'imputabilité pourrait être opposée aux contrôles", explique le président du Forum. Et justement, l'idée d'une imputabilité accrue des processus de formation à distance a été évoquée par l'invité d'honneur des rencontres, Thierry Repentin, le premier titulaire du portefeuille de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage à s'y être rendu. D'ores et déjà, le Fffod place un grand nombre d'espoir dans cette main tendue.

“L'élargissement de la communauté des apprenants et celui de la palette de formation"

Aucun ministre en charge des questions de formation professionnelle n'était jamais venu présider une rencontre annuelle du Fffod. En ouvrant ces 10es rencontres (avant de signer les premiers contrats d'emplois d'avenir dans les quartiers nord de la cité phocéenne), Thierry Repentin a souligné que la formation devait devenir “une arme" pour le développement de la compétitivité française dans le cadre du pacte compétitivité-emploi annoncé par Jean-Marc Ayrault en novembre. “L'État a deux grandes ambitions, a-t-il déclaré : l'élargissement de la communauté des apprenants et celui de la palette de formation et de qualification." Car si les pouvoirs publics disposent de peu de contrôle sur des éléments de compétitivité tels que le prix du pétrole ou celui des matières premières sur le marché international, “le pouvoir décisionnel en matière de formation est totalement entre ses mains, celles des partenaires sociaux ou des employeurs."

Plus précisément sur le thème de la formation numérique, une partie des crédits issus du “grand emprunt" lui seront alloués, a promis le ministre. De même, le plan “France-Université" à venir (un projet visant à développer la mise en ligne de cours universitaires ou d'accroître les liens inter-Universités) constituera un outil supplémentaire au développement de la e-formation. “Internet peut constituer une porte d'entrée particulièrement attractive pour l'accès à la formation, particulièrement en direction des publics qui conservent de mauvais souvenirs de leur rencontre initiale avec le système scolaire, a estimé le ministre. À ce titre, la Nation a un devoir de simplification de l'accès à la formation, afin de permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de pouvoir en bénéficier, quel que soit leur statut d'emploi ou de qualification." En effet, il apparaît qu'actuellement, seuls 20 % des demandeurs d'emploi y ont concrètement accès.

8 000 Provencaux disposent déjà de leur portefeuille de compétences en ligne “CV du futur"

À l'occasion des rencontres du Forum français de la formation ouverte et à distance, le 20 novembre dernier, Pascale Gérard, vice-présidente de la Région Paca en charge des questions de formation professionnelle, avait proposé directement à Thierry Repentin que le ministère dont il a la charge s'approprie et déploie le e-portfolio “CV du futur", développé en Provence-Alpes-Côte d'Azur [Ces rencontres ont également vu une présentation de Lorfolio, le portefeuille de compétences de la Région Lorraine. Voir L'Inffo n° 820, page 19.[/footnote] . Un portefeuille de compétences, dont le développement a débuté en 2005 et qui, depuis, a essaimé dans d'autres Régions, puisque la Basse-Normandie [ 2 ]La version normande du portfolio] se l'est à son tour approprié en 2011, suivie, l'année suivante, par la Picardie.

Inscrit dans le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDFP) 2011-2013, le “CV du futur" succède à une première opération (“La Riviera 183"), lancée concomitamment par la Région, plusieurs Opca (des secteurs du bâtiment et de l'hôtellerie, notamment), le Fonds européen de développement régional (Feder) et l'Université de Nice, en charge des développements informatiques et techniques. “Cet e-portfolio fait typiquement partie des outils de FOAD qu'une Région est susceptible de déployer, particulièrement dans le cadre d'un service public régional de la formation tel que prévu par l'acte III de la décentralisation."

“Particulièrement adapté aux actions de VAE"

Construit dans une logique de parcours à partir des référentiels utilisés par les acteurs publics de la formation (Missions locales, Pôle emploi), l'outil se présente sous la forme d'une base de données, dont certains éléments sont susceptibles d'être extraits par l'utilisateur afin d'organiser, de hiérarchiser et de présenter ses expériences professionnelles, quand bien même seraient-elles particulièrement éclectiques, ainsi que d'y adjoindre des pièces susceptibles de prouver les activités passées (photos in situ, scans des titres et diplômes obtenus, lettres de recommandation d'un ancien employeur, etc.), à raison de 5 gigas de données par compte. “CV du futur est particulièrement adapté aux actions de VAE", indique Roger Raybaud, conseiller en formation continue auprès du Gip Fipan, le groupement d'intérêt public pour la formation et l'insertion professionnelle de l'académie de Nice. “Certains publics les plus éloignés de l'emploi disposant de parcours parfois chaotiques peuvent ainsi centrer leurs recherches autour d'éléments et de compétences bien précises leur permettant de mieux cibler de futurs employeurs. En ce, il représente un outil bien plus transversal qu'un classique CV en ligne", résume Roger Raybaud.

Doublon avec le portefeuille Pôle emploi ?

Actuellement, en Paca, 8 000 e-portfolios ont été ouverts. Et si la Cnil interdit aux services régionaux de connaître l'utilisation exacte qu'en font les usagers, il a tout de même été calculé qu'en novembre, la moyenne des consultations s'était élevée à cinq connexions au portefeuille des compétences par usager.
Hébergé par les serveurs du ministère de l'Éducation nationale, l'outil ne risque-t-il pas de faire doublon avec le portefeuille de compétences mis en place par Pôle emploi depuis 2011 ? “Des négociations pour établir des passerelles entre nos plateformes respectives ont été entamées", indique le conseiller en formation. Un éventuel rapprochement qui pourrait être facilité par l'utilisation des mêmes codes Naf [footnote]Nomenclature d'activités française. entre les deux outils.

Quant à l'avenir proche de “CV du futur", si Thierry Repentin a souligné qu'il était trop tôt pour envisager un déploiement national, plusieurs acteurs de la formation, tels qu'Opcalia, Uniformation ou Agefos-PME se sont d'ores et déjà montré intéressés. En revanche, la possibilité de voir l'e-portfolio associé à des plateformes privées (Viadeo, Linkedin) séduit pour l'instant assez peu. “Ces services en ligne relèvent d'acteurs privés, et nous ignorons l'exploitation qu'ils peuvent tirer des données", observe Roger Raybaud, qui indique cependant – et regrette – qu'actuellement, l'un des sites les plus consultés pour trouver une annonce d'emploi soit… Leboncoin.fr. “Un site sur lequel on peut trouver des annonces pour tout et n'importe quoi, au plus grand mépris du droit du travail, et contre lesquelles personne ne fait rien !"

Notes   [ + ]

1. Le blog de Frédéric Haeuw, consacré aux nouvelles technologies et à la formation des adultes
2. La version normande du portfolio] se l'est à son tour approprié en 2011, suivie, l'année suivante, par la Picardie.

Inscrit dans le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDFP) 2011-2013, le “CV du futur" succède à une première opération (“La Riviera 183"), lancée concomitamment par la Région, plusieurs Opca (des secteurs du bâtiment et de l'hôtellerie, notamment), le Fonds européen de développement régional (Feder) et l'Université de Nice, en charge des développements informatiques et techniques. “Cet e-portfolio fait typiquement partie des outils de FOAD qu'une Région est susceptible de déployer, particulièrement dans le cadre d'un service public régional de la formation tel que prévu par l'acte III de la décentralisation."

“Particulièrement adapté aux actions de VAE"

Construit dans une logique de parcours à partir des référentiels utilisés par les acteurs publics de la formation (Missions locales, Pôle emploi), l'outil se présente sous la forme d'une base de données, dont certains éléments sont susceptibles d'être extraits par l'utilisateur afin d'organiser, de hiérarchiser et de présenter ses expériences professionnelles, quand bien même seraient-elles particulièrement éclectiques, ainsi que d'y adjoindre des pièces susceptibles de prouver les activités passées (photos in situ, scans des titres et diplômes obtenus, lettres de recommandation d'un ancien employeur, etc.), à raison de 5 gigas de données par compte. “CV du futur est particulièrement adapté aux actions de VAE", indique Roger Raybaud, conseiller en formation continue auprès du Gip Fipan, le groupement d'intérêt public pour la formation et l'insertion professionnelle de l'académie de Nice. “Certains publics les plus éloignés de l'emploi disposant de parcours parfois chaotiques peuvent ainsi centrer leurs recherches autour d'éléments et de compétences bien précises leur permettant de mieux cibler de futurs employeurs. En ce, il représente un outil bien plus transversal qu'un classique CV en ligne", résume Roger Raybaud.

Doublon avec le portefeuille Pôle emploi ?

Actuellement, en Paca, 8 000 e-portfolios ont été ouverts. Et si la Cnil interdit aux services régionaux de connaître l'utilisation exacte qu'en font les usagers, il a tout de même été calculé qu'en novembre, la moyenne des consultations s'était élevée à cinq connexions au portefeuille des compétences par usager.
Hébergé par les serveurs du ministère de l'Éducation nationale, l'outil ne risque-t-il pas de faire doublon avec le portefeuille de compétences mis en place par Pôle emploi depuis 2011 ? “Des négociations pour établir des passerelles entre nos plateformes respectives ont été entamées", indique le conseiller en formation. Un éventuel rapprochement qui pourrait être facilité par l'utilisation des mêmes codes Naf [footnote]Nomenclature d'activités française.