Évaluation des CPRDFP : un investissement des Régions pour la construction de leurs futures politiques de formation

Par - Le 15 décembre 2013.

À Marseille fin novembre, un atelier d'échanges autour de l'évaluation des contrats de plan régionaux
de développement des formations professionnelles − les CPRDFP − a permis de faire un état des lieux
de cette démarche engagée par les Régions. La finalisation des évaluations étant prévue pour fin 2014.

Nous sommes dans un contexte
qui n'est pas tout à fait favorable
à l'évaluation, compte tenu de
la crise qui a touché certaines
politiques régionales et qui a posé
la problématique suivante : comment la
conjoncture a-t-elle été prise en compte dans
les CPRDFP ?" Ainsi Philippe Méhaut,
président de la commission d'évaluation
du CNFPTLV (Conseil national de la
formation professionnelle tout au long
de la vie) a-t-il résumé la problématique
du second atelier consacré à l'évaluation
des CPRDFP, organisé le 25 novembre
dernier au siège du Conseil régional de
Paca (Provence-Alpes-Côte d'Azur), à
Marseille.

Engagée dans 19 Régions

Cette famille de sigles à six ou sept
consonnes ne facilitant pas toujours
la compréhension des dispositifs,
rappelons que la loi relative à l'orientation
et à la formation professionnelle du
24 novembre 2009 a défini le Comité de
coordination régional de l'emploi et de la
formation professionnelle (CCREFP) comme
lieu d'élaboration, de suivi et d'évaluation
du CPRDFP. Le CNFPTLV a, pour sa part,
la responsabilité de proposer des modalités
générales pour le suivi et l'évaluation des
CPRDFP et de faire un rapport de synthèse
des travaux conduits par les CCREFP... En
outre, le calendrier, tel qu'il est prévu par cette
loi, prévoit une finalisation des évaluations
pour fin 2014. Le CNFPTLV, pour élaborer
sa synthèse des évaluations, est soumis au
même calendrier. Raison pour laquelle il
poursuit cette dynamique de mutualisation
et d'échanges autour de l'évaluation engagée
depuis plusieurs années et répond ainsi à une
demande croissante des différents acteurs
impliqués dans le suivi et l'évaluation du
CPRDFP sur les besoins d'accompagnement
(méthodologique, etc.) et d'information. Il
a aussi initié une évaluation coordonnée des
CPRDFP sur la formation des demandeurs
d'emploi avec la participation de 6 Régions
(Alsace, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-
Calais, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-
Côte d'Azur, La Réunion).

“L'évaluation est un investissement pour la
construction des politiques régionales futures
et les conduites démocratiques de ces mêmes
politiques, a poursuivi Philippe Méhaut. Elle
a été engagée dans 19 Régions. À la question de
savoir sur qui s'appuyer pour réaliser l'évaluation,
cela n'a pas été arrêté pour 11 Régions. En
outre, 7 font appel ou ont prévu de faire appel
à un prestataire externe, 3 Régions s'appuient
sur le CCREFP, et une a confié l'évaluation au
Carif-Oref." Quant aux partenaires sociaux, ils
sont régulièrement associés à cette démarche
dans 15 Régions, rarement dans 4 Régions,
jamais dans 2, et ils le seront au moment des
résultats dans une Région.

“Une évaluation lisible par tous
les citoyens et contribuables"


De son côté, Pascale Gérard, vice-présidente
du Conseil régional de Paca, déléguée
à la formation professionnelle et à l'apprentissage,
a considéré que “la conjoncture
actuelle est au contraire favorable et exige
l'évaluation des politiques publiques, pour
plusieurs raisons : l'argent public est rare ; la
population émet à la fois un doute à l'égard
des hommes et femmes politiques et sur la
culture de l'impôt (à quoi sert-il ?)".

Et d'ajouter : “Il ne s'agit pas d'une évaluation
technocratique, mais d'une évaluation lisible
par tous les citoyens et contribuables. De plus,
l'évaluation, tout comme la construction des
politiques publiques, ne peut se faire que
dans un cadre quadripartite (État, Régions et
partenaires sociaux) au plan national, mais
aussi régional. Le dispositif gouvernemental
de formation de 30 000 demandeurs d'emploi
nous a aidés à installer un fonctionnement
quadripartite et il faut maintenant l'acter au
plan régional en termes de fonctionnement.

Enfin, la seule mesure d'impact en matière
d'évaluation doit être notre capacité à éviter
le plus possible les ruptures dans les parcours des
personnes." Pascale Gérard a fait également
valoir que “ceux qui ont élaboré le CPRDFP
doivent eux-mêmes mettre en oeuvre les critères
d'évaluation ; l'idée étant de s'approprier ce
qu'on a mis en place".

Passer d'une logique de moyens
à une logique de résultats


Pour Patricia Di Stefano, qui représentait la
DGEFP (sous-direction des politiques de
formation), “compte tenu de l'évaluation en
cours et de l'affinement des indicateurs, cette
contractualisation des CPRDFP a objectivé les
interventions des uns et des autres au plan territorial,
ce qui a permis d'outiller l'évaluation".

“La première génération des CPRDFP nous
pousse à nous interroger sur la méthode de l'évaluation
et à proposer des éléments en la matière
qui soient utiles à tous, a-t-elle poursuivi. À ce
titre, le CNFPTLV doit nous aider à avancer
dans la réflexion avec l'ensemble des acteurs
impliqués." Elle a par ailleurs reconnu “la
difficulté à monter une évaluation, c'est-à-dire
de passer d'une logique de moyens à une logique
de résultats", tout en se disant attachée “à la
participation des partenaires sociaux dans les
CPRDFP dans l'attente d'une réflexion sur ce
point de la part du CNFPTLV".

À ce sujet, Anousheh Karvar, inspectrice
des affaires sociales (et ancienne secrétaire
nationale de la CFDT), s'est interrogée sur
“la possibilité d'implication des partenaires
sociaux dans les entreprises et les territoires pour
donner une effectivité aux objectifs fixés dans les
CPRDFP". Observant : “Entre la collecte des
données et l'évaluation, il y a encore quelque
chose à construire, car si nous n'avons pas en
tête ce pour quoi nous évaluons, nous pouvons
rester prisonniers de ces données. En outre, la
manière dont l'évaluation se fait dit la manière
dont la contractualisation se fait..."

La Picardie cible les services
offerts par les structures d'AIO


Dans le cadre d'un atelier consacré aux travaux
engagés en régions, Henriette Wadoux,
responsable du département
Entreprises au sein de la direction
de la formation professionnelle
et de l'apprentissage de la Région
Picardie, et chef de projet CPRDFP,
a évoqué l'évaluation intermédiaire
menée par la Conseil régional avec
l'appui du Céreq.

“L'évaluation lancée porte sur le volet
orientation du CPRDFP signé le
2 décembre 2011 et qui se compose
de cinq axes stratégiques : développer
un Observatoire régional prospectif de
l'emploi et de la formation ; créer les
conditions d'une orientation choisie
tout au long de la vie dans le cadre
d'une politique régionale coordonnée ;
réussir sa formation initiale et professionnelle
; faciliter le passage de
la formation initiale à l'emploi ; et
structurer une offre de formation professionnelle,
territoriale et sectorielle,
et encourager la formation tout au
long de la vie", a énoncé Henriette
Wadoux. En matière d'orientation,
donc, le CPRDFP comprend trois outils :
une charte partenariale d'orientation tout au
long de la vie et un service public régional de
l'orientation (SPRO) ; des conventions pluriannuelles
d'objectifs et de moyens (Com)
avec les différents réseaux d'accueil (réseau
des MEF et des Missions locales de Picardie,
etc.) ; et une plateforme de lutte contre le
décrochage scolaire.

“Nous avons travaillé en cercle restreint pour
mener à bien cette évaluation intermédiaire
axée sur l'orientation. Le CCREFP n'a pas été
associé à cette démarche, mais seulement les
partenaires suivants : le Rectorat, la Direccte,
Pôle emploi, et bien sûr la Région. Un cahier
des charges a été élaboré et un appel à projets
a été lancé de manière à choisir un prestataire
externe", a précisé Henriette Wadoux.

Cette évaluation intermédiaire s'effectue
à travers deux prismes : l'accessibilité et
l'individualisation du dispositif d'accueil,
information, orientation (AIO). “L'analyse
évaluative cible les services offerts par les
structures en matière d'AIO selon deux axes :
mesurer l'efficacité de ce dispositif AIO autour
des rapports moyens-résultats ; et mesurer
l'efficience du dispositif dans le rapport objectifs-
résultats." Dans ce contexte, la mission du
Céreq, notifiée le 17 mai 2013, est de rendre
compte des conditions d'accessibilité, des
modes de pilotage et de coordination de ces
structures. Des questionnaires ont été adressés
aux structures début septembre et aux bénéficiaires
à la fin de ce même mois. En outre, des
entretiens avec des décideurs et des opérateurs
ont été menés, soit 54 entretiens réalisés sur
les pratiques conduites par le réseau d'AIO.

En Poitou-Charentes, trois
“questions évaluatives"


En Poitou-Charentes, la commission
évaluation du CCREFP a défini un
périmètre d'évaluation en 2013 tout en le
distinguant de la démarche du contrôle et de
l'audit de gestion. Ce périmètre est constitué
de deux axes : améliorer l'anticipation des
mutations économiques, sociales et écologiques,
les outils de connaissance du marché
du travail, et l'anticipation des évolutions
des métiers et des qualifications ; rechercher
les cohérences des financements et la complémentarité
des offres de formation. La
commission évaluation, a exposé Bernadette
Robert, de la CCREFP Poitou-Charentes, “a
formulé trois questions évaluatives, en cours de
validation : le CPRDFP a-t-il permis d'initier
des démarches coordonnées entre les acteurs,
visant à identifier les besoins des demandeurs
d'emploi et du marché du travail ? Les actions
engagées dans le CPRDFP ont-elles permis
de répondre aux besoins de qualifications
identifiées des demandeurs d'emploi et du
marché du travail ? Le CPRDFP a-t-il permis
d'optimiser la cohérence des financements et
la complémentarité des offres en direction des
demandeurs d'emploi ?"
De bonnes questions qui laissent espérer
d'intéressantes réponses...