Emmanuel

Verny

Uniformation et le CCFP fusionnent, anticipant la réforme.

Le 10 décembre dernier, Uniformation et le CCFP ont annoncé leur fusion, qui sera effective en janvier 2009. Entretiens croisés avec Yann Poyet et Emmanuel Verny, respectivement président et vice-président d'Uniformation[ Champ : entreprises de l'économie sociale (secteurs coopératif, mutualiste, associatif). [www.uniformation.fr ]], et avec Jack Potavin, président du CCFP[[ Centre de coordination de formation professionnelle. Champ : organisations confédérées CGT (syndicats, fédérations professionnelles, unions départementales), comités d'entreprise, associations, mutuelles.

http://ccfp.hypatie.com ]].

Par - Le 13 août 2009.

Inffo Flash - Quelles vont être les conséquences de cette fusion pour votre Opca ?

Yann Poyet et Emmanuel Verny - La fusion du CCFP et d'Uniformation est, dans un premier temps, la conclusion d'un acte politique qui réunit les partenaires sociaux représentant 43 000 entités de l'économie sociale dans un projet commun. Ce sont désormais 171 millions d'euros qui vont être consacrés à la formation professionnelle au bénéfice de 622 000 salariés.

Pour Uniformation, s'engager dans cette démarche, c'est affirmer sereinement qu'un élargissement de ses activités est possible à d'autres secteurs ou acteurs de l'économie sociale. Cette fusion permet de confirmer la proximité sur le terrain de ses équipes régionales qui ont déjà rencontré leurs futurs adhérents, et la solidité du système d'information d'Uniformation baptisé Sinfonie, qui permet d'accueillir, dans le respect de leurs spécificités, de nouveaux adhérents. Nous avons ainsi la capacité d'assurer la continuité des projets de formation pour les entreprises et les salariés rattachés au CCFP, en termes humains, techniques ou financiers.

La volonté d'Uniformation est de construire l'avenir, pas de le subir. Nous savons gérer la diversité eu égard aux quinze branches professionnelles qui font déjà confiance à Uniformation. Nous prendrons le temps de faire le bilan, mais nous savons que démarrer un projet en ayant une vision commune de ce qu'est la formation professionnelle tout au long de la vie au service de l'emploi, et en partageant les mêmes valeurs de solidarité et de responsabilité sociale est un pari gagnant. Si d'autres acteurs de l'économie sociale (Opca ou partenaires sociaux) sont en quête de sens et de devenir, nous sommes prêts à discuter en les assurant qu'Uniformation est fondé sur la solidarité et des valeurs partagées issues de l'économie sociale.

Jack Potavin - Pour avoir préparé en commun depuis un an ce regroupement, nous l'avons conçu comme une dynamique de développement permettant de positionner le nouvel Opca comme catalyseur du rassemblement des organisations de l'économie sociale en termes de politiques de formation. Les contraintes économiques et de gestion existaient notamment pour le CCFP qui, avec ses six millions d'euros de collecte, représentant 16 000 salariés, n'était plus en situation de satisfaire aux exigences administratives et légales.
Le fait d'avoir anticipé la situation nous a évités de travailler en termes de “rationalisation". Il n'y a eu aucun licenciement, tous les salariés ont été reclassés, et pour les sept qui le souhaitaient, ils seront intégrés au premier janvier dans l'activité d'Uniformation. Les savoir-faire du CCFP en terme d'ingénierie de formation, d'accompagnement individualisé, etc., vont se conjuguer à ceux, reconnus, d'Uniformation, et cela devrait être un véritable “plus" pour nos adhérents. Mais nous ne pouvons pas réaliser un bilan par anticipation, nous le dresserons après une année de fonctionnement. D'ailleurs, il est conditionné par le résultat des négociations en cours entre les partenaires sociaux.

IF - Comment avez-vous préparé cette fusion ? À quelles difficultés vous-êtes vous éventuellement heurtés ?

J. P. - La première étape a été l'accord politique sur l'objectif. Celui ci s'est réalisé très rapidement, et sans problème. La deuxième étape s'est traduite par une “mise à plat", avec une transparence complète de nos réalités, pour vérifier si les objectifs politiques que nous nous étions fixés étaient réalisables matériellement. Ce travail a levé bien des hypothèques, notamment avec les pouvoirs publics. Enfin, nous avons préparé en amont la mise en cohérence des procédures, l'évolution de la situation du personnel, un parallélisme de nos règles financières et comptables, et, surtout, nous avons travaillé avec nos adhérents, à partir de réunions territoriales et de branches en commun, à la mise en place de tout cela. Nous avons, je crois, fait la preuve qu'un organisme de l'économie sociale pouvait avoir une réponse économique et sociale positive.

Y. P. et E. V. - Une fois l'acte politique posé, nos services ont établi les axes sur lesquels ils devaient avancer ensemble pour faciliter l'arrivée des adhérents du CCFP au sein d'Uniformation. C'est une affaire qui a pris un an. Le fil conducteur a toujours été d'assurer la continuité pour les entreprises adhérentes du CCFP, en tenant compte de leur diversité et de leurs exigences. Le DGEFP (Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle) nous a soutenus dans cette démarche de préparation. La première étape fut l'apprentissage de nos différences pour mieux converger. La seconde est d'ordre juridique, avec la dissolution de l'Opca, votée par l'Assemblée générale du CCFP le 10 décembre dernier, et tous les aspects relevant de la dévolution des activités du CCFP transmises à Uniformation. Celle-ci est en cours de traitement. Enfin la troisième étape est l'arrivée au 1er janvier des adhérents et des salariés du CCFP chez Uniformation.

IF - Quels sont les projets immédiats ? Et à plus long terme ?

Y. P. et E. V. - Outre de faire progresser nos activités sur la base de nos adhérents communs (comités d'entreprises, mutuelles, associations, organisations politiques et syndicales), nous allons poursuivre ce que nous savons faire : développer des actions autour des spécificités des adhérents et des branches professionnelles, construire des solutions et préparer l'avenir dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle.

Nous nous sommes engagés auprès des petites et très petites entreprises à faciliter le départ en formation de leurs salariés, nous allons poursuivre. Notre Fonds d'intervention de l'économie sociale, expression de notre solidarité, qui mutualise les moyens dédiés à la formation professionnelle, a permis d'accompagner des démarches interbranches centrées sur les métiers en pénurie ou les risques professionnels et de financer des projets audacieux dans le sport, par exemple. Nous continuons. Le travail consacré aux Observatoires a permis d'identifier les besoins en formation dans les branches professionnelles et a conduit à un diagnostic partagé entre partenaires sociaux, pouvant déboucher vers un outil d'observation commun de l'économie sociale. Nous ouvrons cet outil à nos nouveaux adhérents. Nous sommes dotés d'un système d'information permettant de proposer un socle de mutualisation à d'autres Opca. Nous avons également misé sur l'information des salariés, de nos adhérents et de tous nos partenaires en construisant un site internet complet et facile d'accès. Nous progressons dans cette dynamique. Uniformation a pour vocation d'être fédérateur.

J. P. - Nous nous inscrivons dans une dynamique, cet ensemble nouveau doit permettre de construire un Opca rassembleur de l'économie sociale avec toutes ses diversités. Il devrait, par exemple, faciliter le retour dans un Opca commun des comités d'entreprises et permettre d'engager un travail en commun pour des réponses nouvelles en termes de formation dans ce secteur. L'importance des PME-TPE est une caractéristique de nos deux Opca, elle se conjugue à la réalité d'un engagement militant bénévole et salarié, la mise en commun de nos expériences doit nous permettre de travailler à des réponses originales. Oui, il nous faut travailler au développement de la collecte en prenant appui sur une activité avec un contenu élargi, conformément à l'attente exprimée par les partenaires sociaux. C'est un défi d'avenir, nous le croyons possible.

Propos recueillis par Sandrine Guédon