Où se situent les limites des « Serious Games » ?

Article extrait d'un dossier spécial "Serious Games" paru dans le n° 743 d'Inffo Flash, 1er au 15 avril 2009

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Par - Le 01 avril 2009.

« J'entends, j'oublie. Je vois, je me souviens. Je fais, je comprends ». Cette citation est souvent mise en avant quand il s'agit de vanter les mérites de l'interactivité des « serious games ». Une étude de l'Esc Chambéry approfondit le sujet.

Selon Hélène Michel, directrice de recherche à l'Esc Chambéry, on peut identifier « trois moments où l'efficacité d'un système virtuel d'apprentissage peut être remise en cause ou améliorée ». Premièrement, il conviendrait de ne pas oublier que « les apprenants ne sont pas égaux dans leur comportement face à l'immersion » et qu'il serait donc utile de disposer d'une « échelle qui permettrait de situer l'apprenant dans son rapport à l'immersion ». Deuxièmement, il faudrait aussi prendre en compte l' « état de flux », c'est-à-dire la propension du joueur à oublier le temps qui passe quand il joue, phénomène qui peut « poser des problèmes de transfert si l'état de flux est trop fort ». Troisièmement, un bon transfert suppose un « processus d'immersion adéquat au profil de l'apprenant dans son rapport au virtuel ». Or, précise Hélène Michel, « les données relatives à ces trois temps manquent ».


Chez PwC et IBM, le futur du « serious game » est collaboratif

Promoteur du « serious game » via son département de formation PwCGlobalLearning, PricewaterhouseCoopers était présent à Lyon aux dernières Serious Games Sessions Europe (3 décembre 2008). L'occasion pour Pascal Mollicone, senior manager, de donner son avis sur la question : « les serious games sont utiles dans des dispositifs mixtes pour optimiser le présentiel. Le futur réside dans l'aspect collaboratif qui devrait conduire à une fusion entre le knowledge management (KM) et la formation ». Et d'ailleurs, « si l'on distingue les deux », précise-t-il, « c'est parce que le cadre législatif fait que l'on se forme dans le cadre de formations organisées pour remplir la 2483. Tout ça ne tient pas compte de l'apprentissage sur le tas, sur le lieu de travail, indispensable à la transmission des connaissances. »

Une analyse qui rejoint celle exprimée par Laurent Ferrari, « leader consulting general business » chez IBM, qui fait lui un lien entre l'essor des « serious games » et le développement des univers virtuels. « L'important, c'est que l'on est dans un élément d'interactivité, d'immersion et de socialisation », souligne-t-il en précisant que pas moins de « 5900 personnes d'IBM travaillent actuellement sur les univers 3D, avec un focus sur l'interopérabilité entre les différents mondes ». A noter que l'intérêt de la dimension sociale des « serious games » n'échappe pas non plus à Nicholas Balacheff, chercheur au laboratoire IMAG du CNRS, selon qui « l'intérêt du serious game est de toucher à des connaissances qui ne sont pas académiques ; celles dont on peut assurer la transmission via le compagnonnage ».

Auteur d'une étude intitulée « Du jeu de simulation à la réalité : quelles perspectives managériales ?», l'ESC Chambéry « émet des réserves quant à l'apprentissage de connaissances (savoir) et de comportement (savoir être) mais souligne l'intérêt des jeux pour l'acquisition de compétences managériales (savoir faire). Elle constate que les connaissances pourraient finalement être peu remobilisées en dehors du jeu et que l'apprentissage de comportements pourrait être freiné par l'immersion importante dans le jeu ainsi que par le mode de projection des joueurs. Cependant, des compétences managériales semblent être développées plus efficacement, même dans des jeux de simulacre avec un contexte purement fictionnel. Un deuxième aspect de l'étude révèle une nouvelle piste de développement pour ces jeux qui permettent également d'apprendre des apprenants. Ils constituent une double boucle d'apprentissage qui favoriserait la mise en place d'un management des connaissances par les managers. Le Learning Game pourrait ainsi aider d'autres acteurs à tirer des enseignements, que cela soit un Directeur des Ressources Humaines évaluant ses salariés ou un Directeur Marketing analysant les attentes de ses clients. »

Contact : www.esc-chambery.fr/

Nicolas Deguerry