Jean-Louis
Destans
Première collectivité à solliciter l'Agence nouvelle des solidarités actives pour initier des expérimentations issues du rapport Hirsch de la Commission familles, vulnérabilités, pauvreté [[Au possible, nous sommes tenus. La nouvelle équation sociale, 15 résolutions pour combattre la pauvreté des enfants. Commission familles, vulnérabilité, pauvreté, avril 2005.]], le Département de l'Eure s'est vu confier par l'État, le 7 mai dernier, l'expérimentation du revenu de solidarité active (RSA).
Par Centre Inffo - Le 04 juin 2007.
Inffo Flash : Premier Département à contractualiser avec l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) en février 2006, pouvez-vous faire un point d'étape de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) ?
Jean-Louis Destans : Après une première phase consistant à identifier sur l'Utas [ Unité territoriale d'action sociale. [/footnote] de Louviers les aides diverses actuelles perçues ou susceptibles d'être perçues par les bénéficiaires du RMI, une réflexion active sur la configuration du dispositif tel que nous le souhaitions, l'élaboration étayée du dossier de candidature selon les prescriptions de l'article 142 de la loi de finances pour 2007 parue fin 2006 et enfin la parution du décret début mai 2007 autorisant le Département de l'Eure à expérimenter, notre collectivité se prépare à mettre en œuvre le RSA dès le mois de juin prochain.
Inffo Flash : Quels sont les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du RSA ?
Jean-Louis Destans : Les services du Département tout d'abord, ceux de la délégation sociale (Utas de Louviers et Direction de la lutte contre les exclusions), mais aussi tous les services concernés à un niveau ressources par l'opération, les services financiers, communication, informatique, juridique, l'équipe de direction générale, etc.
Il y a aussi les acteurs extérieurs que sont la Caf, la CPAM, l'ANPE, les services de l'État (DDTEFP, Ddass) et l'ensemble des partenaires de l'insertion qui sont associés régulièrement.
Un groupe de bénéficiaires du RMI de l'Utas de Louviers s'est également particulièrement investi dans l'opération pour apporter d'abord son témoignage vécu, puis pour apporter ses remarques et ses suggestions sur le contenu du dispositif proposé dans le cadre du RSA.
Inffo Flash : Le Conseil général a souhaité fortement associer la Caisse d'allocations familiales, pouvez-vous préciser son rôle ?
Jean-Louis Destans : La Caf, dont une représentante de la Cnaf, participe au groupe projet RSA qui se réunit maintenant de façon hebdomadaire, est un partenaire très important qui possède une compétence technique sur l'allocation RMI. Elle apporte ses informations statistiques sur les allocataires et leurs caractéristiques, ainsi que ses observations et ses remarques pour l'élaboration du dispositif.
Inffo Flash : Combien de RMIstes sont concernés ?
Jean-Louis Destans : L'Utas concernée compte au total environ 2 065 bénéficiaires du RMI. Tous ne sont pas éligibles au RSA (on peut penser que le nombre de bénéficiaires pourrait être de l'ordre de 500). C'est le marché de l'emploi local associé à ce dispositif qui se veut incitatif à la reprise d'activité qui déterminera la réalité du nombre de personnes qui entreront dans le RSA.
Inffo Flash : Quels sont les critères d'éligibilité ? L'entrée dans le dispositif RSA est-elle
obligatoire ?
Jean-Louis Destans : Pour être éligible au RSA il faut résider sur l'Utas de Louviers et, conformément à l'article 142 de la loi de finances, soit augmenter son nombre d'heures travaillées, soit reprendre une activité, soit entreprendre une formation professionnelle rémunérée à compter du 1er juin 2007. Il faut en fait un phénomène déclenchant.
Inffo Flash : Le RSA est-il limité à une incitation financière ?
Jean-Louis Destans : Non, ce sont trois axes interdépendants : une incitation financière, certes, mais aussi un accompagnement renforcé dans l'emploi pour permettre l'insertion professionnelle la plus durable et aussi un “dispositif intégré" qui permet des coups de pouce financiers et très réactifs dès que le besoin s'en fait sentir.
Inffo Flash : Quel est le montant du budget engagé pour la mise en œuvre de ce dispositif ? Assumez-vous pleinement cette nouvelle compétence ou demandez-vous une aide de l'État ?
Jean-Louis Destans : Dans l'immédiat, nous avons réservé des crédits à la fois pour l'incitation financière et pour l'accompagnement dans l'emploi. Nous avons également des coûts périphériques relatifs au fonctionnement et à la communication. Nous avons réservé près de 500 000 euros pour cette opération. Nous verrons l'effectivité de la dépense, qui sera fonction du nombre et du profil des entrants au RSA, puisque le RSA évolue en fonction des heures travaillées et de la composition familiale. L'État doit transférer au Département les crédits liés au dispositif actuel d'intéressement des RMIstes (prime de retour à l'emploi) qui pourront financer partiellement la nouvelle aide, plus incitatrice. Plus globalement, on peut penser que le système aura également des répercussions sur le montant global des prestations versées : tout bénéficiaire de RSA est par définition une personne qui reprend un travail, même à temps partiel, et qui a donc vocation à quitter le dispositif ; en tout état de cause, le complément de revenu apporté grâce au RSA sera d'un montant inférieur au montant intégral du RMI qui continuerait d'être versé en l'absence d'une reprise d'activité. Le RSA permet donc d'enclencher un cercle vertueux tant sur le plan de l'insertion sociale que sur celui de l'utilisation des fonds publics.
Inffo Flash : Quels sont les objectifs 2007 ? Une extension du dispositif aux départements voisins est-elle prévue ?
Jean-Louis Destans : L'expérimentation, dont les conditions de réalisation ont été définies par décret, est prévue à l'heure actuelle sur une partie du territoire de l'Eure, pour une durée de trois ans avec une évaluation régulière, de manière à apprécier si une généralisation est envisageable et à quelles conditions. L'extension à l'ensemble du département de l'Eure, et le cas échéant, aux autres départements, dépendra des résultats de l'expérimentation. En tout état de cause, cette décision ne relève pas du Département de l'Eure.
Inffo Flash : Où en sont les autres expérimentations (mobilisation des entreprises, mise en place d'une plate-forme d'accueil, diversification de l'offre d'insertion) ?
Jean-Louis Destans : Ces expérimentations complémentaires sont bien avancées. Nous avons ouvert avec succès notre plate-forme d'accueil à Pont-Audemer et ouvert la seconde à Bernay. Les partenaires mutualisent dans ce cadre leur offre de service pour une réponse très réactive à l'allocataire qui peut voir ouvrir ses droits en même temps au RMI, à la CMU et initialiser de façon beaucoup plus précoce son parcours d'insertion.
Les parcours découverte en entreprise sur l'Utas d'Évreux se développent et permettent ainsi à des bénéficiaires du RMI assez éloignés de l'emploi de se faire une idée plus juste de l'entreprise. Des parrainages sont aussi en cours de constitution.
L'Utas de Vernon sollicite également une dérogation législative afin d'expérimenter la mise en œuvre d'un contrat “immersion-insertion" reposant sur une alternance de situations de travail en entreprise et en chantiers d'insertion.
Elle travaille également à la mise en place d'un ensemblier d'insertion sur une thématique de mobilité, à la mutualisation des offres d'insertion et à une meilleure coordination des parcours.
Inffo Flash : Comment se manifeste l'accompagnement de l'Ansa ?
Jean-Louis Destans : L'accompagnement de l'Ansa est constant depuis le début : l'Ansa s'est créée en janvier 2006 et nous avons contractualisé en février 2006 ! Il s'agit d'un accompagnement technique et humain intensif sur l'ensemble de nos expérimentations et au plus près des
territoires, des bénéficiaires et des
partenaires.
Inffo Flash : Qu'attendez-vous de la création du Haut commissariat aux solidarités actives ? Votre expérience de gestion du RMI vous conduit-elle à partager le jugement de son président sur le caractère “totalement dépassé" du RMI ?
Jean-Louis Destans : La logique voudrait que le Haut commissariat aux solidarités actives facilite les expérimentations en cours en permettant d'agir sur des blocages particuliers, sur des lenteurs, ou d'apporter les compétences complémentaires que nous ne possédons pas. Il est souhaitable en outre que sa création se traduise par un accompagnement par l'État de cette action. Il doit pouvoir enfin donner de l'envergure et de la profondeur à cette expérimentation locale en la replaçant dans un contexte évolutif de la réglementation sociale. Sinon, cela n'aurait pas de sens !
Le RMI créé en 1988 a constitué un droit “pour les sans droits" à une époque où l'on découvrait les “nouveaux pauvres". On pensait initialement qu'il s'agissait d'un dispositif conjoncturel. Or on a fêté les dix ans du RMI avec plus d'un million d'allocataires. Le phénomène est donc structurel. L'approche du RSA ne visait pas que les bénéficiaires du RMI mais l'ensemble des minima sociaux et des travailleurs pauvres. C'est cet ensemble qu'il faut reconsidérer dans le cadre du RSA pour ne pas discriminer de populations.
Propos recueillis par Nicolas Deguerry