Les “compétences de base" s'acquièrent aussi au travail
Par Centre Inffo - Le 01 mars 2010.
La démarche “français, compétence professionnelle" à destination des salariés a été conduite avec le soutien du Comité de liaison pour la promotion des migrants et des publics en difficulté d'insertion (CLP). Elle est née de la volonté de construire des outils qui intègrent la compétence communicative au sein des compétences professionnelles, à partir de deux constats : le premier est que le français est considéré comme une compétence linguistique, sociale, scolaire, personnelle qui s'acquiert seul ou à l'école ; le second se réfère à la dichotomie entre l'entrée linguistique et l'entrée professionnelle, en formation et dans les référentiels.
Une “carte des compétences" permet de situer les acquis avant d'analyser et de définir des besoins et des objectifs de formation. Cette carte comporte trois pôles : “réflexif" (perception du secteur d'activité, perception du poste de travail, perception des cadres réglementaires, gestion de l'information), “organisationnel" (gestion de l'activité, gestion des consignes, gestion des relations au sein de l'équipe) et “communicationnel" (“verbalisation" de l'activité, “interactions professionnelles" à l'oral et à l'écrit, et gestion des nouvelles technologies). De nombreuses expérimentations ont été conduites dans les secteurs privé et public. Exemples dans une entreprise et dans la fonction publique territoriale.
Siat Braun
À la scierie Siat Braun d'Urmatt, en Alsace (220 salariés), deux jours d'“observation terrain" et d'interviews de salariés et d'encadrants ont permis de co-construire une carte de compétences spécifique pour les métiers du bois de la scierie et, donc, de la filière professionnelle. Didier Anne-Braun, directeur des ressources humaines de la scierie, a détaillé sa vision de l'outil : il permet une lecture des représentations du travail, des compétences, des enjeux ; c'est un instrument de “mise en relief" des conditions du développement des compétences ; enfin, il donne du sens au travail, il “libère l'agir", il facilite la coopération professionnelle et la gestion de l'information au sein du process. Pour Mariela de Ferrari, consultante didacticienne, impliquée dans la démarche, “l'innovation repose sur le passage d'une approche niveau à une approche compétences pour les salariés, et sur l'interdisciplinarité pour le monde de la formation. On apprend au travail, par le travail et avec les autres en action".
Didier Anne-Braun évoque à l'appui de cette “pédagogisation de l'environnement de travail", la réduction du nombre d'accidents du travail. Jusqu'en 2008, 60 à 70 salariés se blessaient chaque année. En 2009, on en comptait 14. “Cela a changé parce que la perception du travail a changé", a-t-il expliqué. Il considère que “le face-à-face pédagogique, sur des contenus académiques, en salle, est loin d'être la solution pour le développement des compétences de base". Il préconise une approche plus opérationnelle, en phase avec la culture des salariés de l'entreprise, capable de “prendre en compte à la fois les modalités de communication verbale, non verbale et écrite interagissant en permanence sur le process".
Expérience de la “1ère couronne" du CNFPT
À partir de l'analyse critique de l'offre “savoirs de base", de son utilité et de ses limites, la délégation “Île-de-France 1ère couronne" du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a participé à la recherche action menée par le CLP.
Un stage destiné à des publics maîtrisant partiellement la langue française a été retravaillé dans son ingénierie, son contenu et son animation avec une entrée compétences transversales. Une nouvelle offre de formation professionnalisante, dite “Acéo" pour “Améliorer sa communication à l'écrit et à l'oral" a été structurée.
“Le dispositif « savoirs de base » ne répondait plus à l'ensemble des besoins des professionnels, la structuration d'un dispositif à partir d'une entrée compétence transversale a fait évoluer les pratiques professionnelles", précise Fanny Dumont, du CNFPT. Et elle ajoute : “Une offre de formation professionnalisante convoque le conseil organisationnel, RH et l'orientation professionnelle, de façon intégrée". Cette approche a induit des mutations sur les pratiques professionnelles des conseillers formation et des formateurs : information et sensibilisation (analyse des demandes en fonction de l'objectif professionnel attendu sur l'emploi ou la carrière), positionnement et orientation (diagnostic et positionnement des besoins de formation en fonction des situations de travail), formation (évolution des modalités au-delà du stage en présentiel, ingénierie de formation modulaire sur mesure), sans oublier l'évaluation : accompagnement et outillage pour l'auto-évaluation des acquisitions et le transfert dans les situations de travail et pratiques managériales.