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N° 7 - Septembre-Octobre 2018

L'intelligence artificielle, une ressource pour la formation

Par - Le 20 septembre 2018.

“ Il n'y a pas vraiment de limites à ce qu'une IA peut faire pour aider à apprendre." Ces mots sont de Gaell Mainguy, directeur du développement du Centre de recherche interdisciplinaire et coauteur du rapport sur la “société apprenante" avec François Taddei[“Un plan pour co-construire une société apprenante", François Taddei, avril 2008. [Voir.[/footnote].
Convaincu qu'il s'agit de “mettre la nouvelle technologie au service de l'homme avant que nous soyons au service de la machine", Gaell Mainguy défend la vision d'une IA libératrice, qui “épargnera du temps de cognition à l'homme". Travaillant à fédérer les acteurs qui, au niveau national et international, partagent cette vision, il estime que l'IA est une chance pour l'éducation, en ce qu'elle promet un apprentissage personnalisé. De fait, le développement de l'EdTech (technologies de l'éducation) française et de certains projets améliorés par l'IA confirme cette vision.

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Au stade des interfaces conversationnelles

“C'est un frémissement", note Benjamin Gans, directeur d'EdFab[L'EdFab est responsable de l'observatoire de l'EdTech qui recense 362 acteurs de l'écosystème français en juillet 2018. [www.observatoire-edtech.com.[/footnote], lieu dédié à la promotion de l'innovation dans l'éducation, la formation et la transformation des métiers, créé par CapDigital. “Nous en sommes encore au stade préliminaire de cette technologie." Selon lui, les outils d'apprentissage relevant de l'EdTech mobilisent pour l'instant une “IA faible", qui agit sur une fonction précise, s'incarne par exemple dans les chatbots et autres interfaces conversationnelles.
Ainsi, Profs en poche, une solution de soutien scolaire par chat, intègre l'IA d'IBM, Watson, qui comprend le langage naturel et permet de préqualifier le besoin des étudiants afin d'y répondre au mieux.

ForMetris, dont la mission historique est de mesurer l'efficacité des formations des entreprises, va plus loin avec un outil d'autocoaching qui utilise une brique d'IA. Constatant que les apprenants transposent difficilement dans leur quotidien ce qu'ils ont appris en formation et que celles-ci ont plus d'impact lorsqu'elles sont suivies d'un accompagnement, la société a créé Fil, une plateforme digitale intégrant un chatbot qui motive l'apprenant pour aboutir à un plan d'action concret.
Laurent Balagué, président de ForMetris, explique : “Fil aide les apprenants à devenir leur propre coach. Pour créer la réflexivité et l'action, nous avons besoin d'un maximum d'interactivité et de personnalisation." Au-delà du traitement naturel du langage, Fil pourrait croître vers le machine learning, dès lors que suffisamment de data (données) auront été récoltées. L'IA permettrait de proposer un accompagnement plus personnalisé, “des suggestions plus intelligentes que celles qui sont pré-programmées", explique Laurent Balagué. Fil est déployé chez certains clients de ForMetris et 3 500 personnes ont déjà suivi de manière approfondie le dispositif. L'intelligence artificielle est donc un futur proche.

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L'apprentissage adaptatif

Grâce à l'analyse des données d'apprentissage, les plateformes en ligne offrent la possibilité d'améliorer les méthodes d'enseignement et d'adapter les parcours aux capacités de chacun. Cet apprentissage adaptatif, ou adaptive learning, est la force des solutions d'Éduclever : ses services modélisent les compétences et connaissances liées aux programmes scolaires, liste les objectifs d'apprentissage organisés en savoirs et savoir-faire, et construisent en temps réel un profil pour chaque apprenant. Le tout permet de proposer des activités personnalisées qui donnent à chacun la possibilité d'avancer à son propre rythme et d'éviter de décrocher.

La start-up Domoscio propose une solution qui se connecte au LMS (learning management system, plateforme de gestion de la formation) de ses clients pour “automatiser l'individualisation de la formation grâce à l'IA", comme le résume Evan Friburg, responsable du développement commercial de l'entreprise, créée en 2013.
“Notre rôle est de faire parler les données pour personnaliser les parcours." En fonction des formations déjà suivies, des profils et des interactions avec le LMS, cette solution offre un système de recommandation et propose les modules de formation adaptés aux besoins de chacun. “Aujourd'hui, reprend Evan Friburg, soit les entreprises forment en masse, car elles n'ont pas le temps de répondre aux besoins de chaque collaborateur, soit elles ciblent les besoins manuellement pour assigner les formations. Avec l'adaptive learning, on automatise ce pilotage de la formation."
À cette “macro-recommandation", peut s'ajouter au sein de chaque module des micro-recommandations pour trouver le chemin le plus adapté à un utilisateur, toujours en fonction de son profil d'apprenant. “Ce type de recommandations est adapté à des modules plus longs, parfois obligatoires et/ou certifiants. Le système propose des ressources pédagogiques – un quiz, une vidéo, une leçon – comme autant de petites briques adaptées à la progression de l'apprenant."

Ces solutions se nourrissent des neurosciences et d'une meilleure compréhension des processus d'apprentissage. Elles permettent d'adresser les problèmes d'apprentissage de la lecture (comme Lalilo), de s'adapter aux dys (cf. Ordyslexie).

Si le mot IA semble être devenu un argument marketing, certains signaux laissent à penser une révolution à venir. L'Éducation nationale a ouvert fin mai un espace inédit, le Lab 110 bis, un lieu “ouvert dédié à l'innovation dans toutes ses dimensions" pour “expérimenter échanger, apprendre et tester rapidement des solutions répondant aux défis de l'éducation d'aujourd'hui et de demain".

Alors que le marché de la formation professionnelle tire l'EdTech en raison du poids de la commande publique, cette volonté de faire se rencontrer jeunes pousses et institutions est un signe. Tout comme les récentes levées de fonds de l'EdTech française, et la constitution de l'association EdTech France en mars dernier qui veut “faire de la France la EdTech Nation".