Les grands défis de la formation professionnelle linguistique

La mondialisation de la formation met progressivement en cause les frontières géographiques, le dimensionnement des acteurs et les modalités pédagogiques de l'activité de formation en langues. Telles sont les conclusions que tirent Andrew Wickham et Joss Frimond d'une étude récente sur “Le marché de la formation langue à l'heure de la mondialisation".

Par - Le 01 août 2009.

“Un grand nombre d'organismes, d'individus et d'entreprises de toutes tailles, avec des statuts et des offres de formation très variées, exercent une activité sur le marché de la formation en langues, explique Andrew Wickham, consultant au cabinet Linguaid. Une part importante de l'activité de ces organismes est difficile à mesurer. En effet, beaucoup ne publient pas leurs comptes (associations, établissements publics, centre culturels, formateurs indépendants, instituts étrangers, sociétés commerciales en infraction avec la loi, etc.). Ceux qui les publient ne distinguent pas dans leur comptabilité entre la formation en langues générale (particuliers, jeunes, etc.), la formation professionnelle proprement dite et leurs activités (traduction, formation interculturelle, etc.)." Selon le bilan social 2007 de la formation professionnelle, publié par l'Institut d'informations et de conjonctures professionnelles (à partir des données du bilan pédagogique et financier), près de 400 organismes proposent principalement des actions de formation linguistique destinées aux salariés.

Avec un chiffre d'affaires global évalué entre 375 millions et 400 millions d'euros, le marché de la formation professionnelle linguistique (FPL) français est dopé par l'investissement public (l'obligation du 1 % formation) et très compétitif. Il est aussi caractérisé par le “sous-dimensionnement de ses acteurs par rapport à la demande des clients des grands comptes, qui représentent une partie essentielle de leur chiffre d'affaires", analysent les auteurs de l'étude. C'est “un marché de PME, concentré vers le haut, atomisé vers le bas".

Avec un quart de l'activité, les organismes publics et parapublics, notamment le réseau des Gréta et les Centres d'étude des langues (CEL) des Chambres de commerce et d'industrie (voir encadré), implantés surtout en régions, occupent une place importante.

Activité relativement soutenue grâce au Dif

Le marché de la FPL connaît une croissance entamée en 2004 grâce à l'essor du Dif, qui a permis surtout aux grands organismes et aux spécialistes de la formation à distance de gagner des parts de marché. Une situation favorisée notamment par le fait que les entreprises, quelles que soit leur taille, ont recours de plus en plus au Dif, financé en grande partie par les Opca. Phénomène lié : l'individualisation des actions de formation, qui en a démultiplié le nombre.

Même si la crise économique a eu un impact fort sur les plans de formation 2009, engendrant des réductions de 20 à 30 % des budgets, l'activité reste néanmoins relativement soutenue, surtout dans les zones industrielles, grâce au Dif, utilisé massivement pendant les périodes de chômage technique. “Les crédits Dif risquent cependant de s'épuiser à partir de la rentrée 2009. De plus, les Opca, anticipant la collecte prévue en 2010, sont en train de réduire fortement leur prise en charge. Ce qui pourrait aggraver une situation déjà difficile", avertit Andrew Wickham.

Lydie Nègre, vice-présidente de la FFP et PDG de Langues et entreprises, l'avait exprimé lors d'une table-ronde du colloque “Qualité en mouvement" organisé le 18 juin dernier par la FFP : “Les organismes de FPL doivent être capables de toujours former plus, mieux et avec moins de moyens. Une telle contrainte est une véritable opportunité de proposer une offre de qualité à nos clients." Tout en résistant, précise Stefan Wheaton, président de la commission langues de la FFP et président de Citylangues, à “la pratique des entreprises de tirer les prix vers le bas, sans prendre en compte le travail et le temps consacrés en amont et en aval, notamment sur les plans pédagogique et administratif".

www.linguaid.net/french/index.htm

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Les Centres d'étude des langues des CCI

Les CEL sont souvent mis en cause par les organismes privés pour “distorsion de la concurrence", car ils sont notamment financés par les cotisations des entreprises locales, bénéficient de locaux mis à leur disposition par les CCI, ne disposent pas de comptabilité analytique et ne pas dépendent pas de la convention collective, plus contraignante, des organismes privés. Mais pour Michel Meuret, responsable national du réseau des CEL, “le statut du personnel des CCI est largement aussi contraignant que la convention collective des OF". Ajoutant que les réductions de financement ont de toute façon “porté leurs fruits : les CCI ne sont plus dans la logique de financer les langues". De fait, rappelle-t-il, “25 % des CEL ne sont pas des services de CCI".
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