Ces formateurs passés au régime d'auto-entrepreneur
Par Knock Billy - Le 01 juin 2010.
Avec 14 941 créations en mars 2010, les services aux entreprises sont le premier secteur concerné par le régime d'auto-entrepreneur. Même s'il apparaît toujours difficile de déterminer avec précision le nombre de formateurs enregistrés sous ce statut.
Mêmes les organisations professionnelles ne disposent pas encore de données permettant de mesurer l'ampleur de ce régime dans le secteur de la formation. Voire de vérifier les propos de plus en plus répandus, qui affirment que de plus en plus de formateurs choisissent ce régime.
Avant de devenir formatrice sous statut d'auto-entrepreneur, Adeline Rigaud, formatrice vacataire pour un organisme de formation spécialisé en management, affirme avoir reçu “plusieurs demandes de DRH me proposant de devenir prestataire, pour qu'ils n'aient plus besoin de passer par mon employeur ou un autre organisme, et me confier ainsi leurs formations". La série de questions auxquelles elle a dû répondre, plusieurs formateurs, comme Claude Guerlain, se les posent encore aujourd'hui. “Je me demande comment inscrire mon activité de formateur sous le régime auto-entrepreneur. Les sociétés qui me demanderont de former leurs personnels pourront-elles bénéficier de l'imputation liée à la formation professionnelle ? Me faudra-t-il un numéro de formateur pour mon activité ?"
Un décret, publié le 3 février 2009, donne la possibilité aux professions libérales non réglementées (donc sauf médecins, notaires, avocats, architectes, etc.) d'avoir accès à ce statut d'auto-entrepreneur. Certains employeurs n'hésitent pas à proposer aux formateurs de changer de statut. “Après avoir travaillé deux ans et demi dans une école d'enseignement supérieur spécialisée dans les métiers de communication, le directeur a exigé que je fasse les démarches, ainsi que tous les formateurs, pour devenir auto-entrepreneur", témoigne Michelle Gales, qui a été licenciée “pour avoir refusé de changer de statut". En effet, “recourir à un auto-entrepreneur donne à l'organisme de formation une certaine flexibilité dans sa masse salariale, lui permet de négocier les tarifs des interventions", observe Richard Boutiélé, qui affirme avoir été “encouragé" par son ex-employeur à adopter ce statut. “En cette période de crise, c'est aussi un moyen pour certains employeurs de s'en sortir", explique, résigné, ce formateur quinqua spécialisé en langues.
Du temps pour le cœur du métier
Mais certains formateurs, surtout préalablement sous statut d'indépendants, semblent se réjouir d'exercer en tant qu'auto-entrepreneurs. “Un des nombreux avantages de ce régime est le fait d'être son propre employeur", souligne Béatrix Étienne, formatrice spécialisée dans l'informatique, auto-entrepreneure après plus de dix ans en tant qu'indépendante et huit en tant que salariée. Elle apprécie surtout “la simplicité des démarches administratives, qui me permet de consacrer plus de 90 % de mon temps de travail à mon cœur de métier, qui est la formation". S'y ajoutent la simplification de l'imposition. “J'effectue un versement unique trimestriel de 20,5 % de mon chiffre d'affaires. Je ne paie ni TVA, ni impôts sur les sociétés, ni taxe professionnelle pendant encore deux ans", se réjouit Stéphane Berrier, formateur auto-entrepreneur depuis avril 2009, après un régime de portage salarial.
“Je ne regrette pas d'avoir opté pour le régime d'auto-entrepreneur, car, contrairement au portage salarial, il n'y a pas d'intermédiaire pour prendre près de la moitié de mon revenu. Avec ce nouveau régime, ma rémunération a plutôt progressé. Grâce au versement libératoire de l'impôt sur le revenu, je peux facilement calculer mon gain net", témoigne Jean-Yves Leduc, formateur auto-entrepreneur, depuis janvier 2010, en “communication orale, écrite et management interculturel". Il affirme pouvoir “dépasser le plafond de 32 100 euros de chiffre d'affaires annuel fixé pour les prestations de services dont fait partie la formation ou le conseil". Selon Jean-Yves Leduc, il est important pour l'auto-entrepreneur de “diversifier les donneurs d'ordre avec lesquels il travaille". En effet, explique-t-il, “il peut y avoir soupçon de subordination, surtout financière, entre les deux parties, si le gros du chiffre d'affaires du prestataire dépend de l'organisme de formation. Il faut donc que les activités du formateur puissent survivre à une éventuelle rupture de contrat avec l'organisme de formation". Faute de quoi, “une requalification du contrat de prestation en contrat salarié serait obligatoire" !
[(“PRÉCARISATION"Selon la formatrice Michelle Gales, ce régime “implique un investissement de temps supplémentaire important (en démarches administratives, en prospection de clients, etc.) dans un métier qui implique déjà un engagement conséquent en temps et en énergie en dehors des cours proprement dits (réflexion et recherche du matériel, conception d'exercices, correction des copies)". Aussi, insiste-t-elle, “il me semble que la profession de formateur ne correspond pas à une micro-entreprise, comme les artisans ou les consultants par exemple. D'ailleurs, le fait que beaucoup de salariés perdent le statut de salariés me semble une mauvaise idée dans le contexte actuel. Ne semble-t-il pas contraire au bon sens d'inventer de nouveaux dispositifs qui ont pour effet de baisser les cotisations au régime social ?" Interrogation que certains acteurs de la formation professionnelle ne tarderont, sans doute, pas à relayer.)]