Les CCREFP à l'épreuve du feu des présidentielles

Par - Le 16 mars 2012.

“La signature des CPRDFP engage les membres des CCREFP", dit la loi. Mais à l'heure où les Conseils régionaux oscillent entre la signature (plus ou moins) enthousiaste des contrats de plans 2011-2014 avec l'État et la “fronde ouverte" annoncée par quelques Régions, l'avenir des Comités de coordination régionaux pourrait bien se jouer dans les urnes de la présidentielle.

Rappel des textes : “Les Comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) ont pour mission de favoriser la concertation entre les différents acteurs régionaux, afin d'assurer une meilleure coordination des politiques de formation professionnelle et d'emploi", énonce la loi de modernisation sociale de 2002 qui instaure ces instances dans les Régions. Lieux d'échange, de concertation et de coordination, les CCREFP constituent des conseils tripartites associant les Conseils régionaux, les partenaires sociaux et les services déconcentrés de l'État (Préfectures, Rectorats, Direccte, mais aussi − en fonction des spécificités territoriales − représentants de l'Agriculture ou de la Jeunesse et des Sports). Or, la loi du 24 novembre 2009 a placé ces Comités au cœur des négociations des CPRDFP (contrats de plans régionaux de développement des formations professionnelles), ce qui a constitué, pour nombre d'entre eux, une véritable épreuve du feu quant au fonctionnement harmonieux des différents partenaires y siégeant.

Sur le banc des accusés : la RGPP (révision générale des politiques publiques) imposant aux services de l'État de procéder à des fermetures de classes ou de sections d'enseignement professionnels au nom de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. “Dans le Limousin, l'application de la RGPP par le Rectorat s'est traduite par la suppression de mille postes en quatre ans, explique Jean-Paul Denanot, le président du Conseil régional. Or, dans notre région rurale, nous nous étions engagés à jouer la carte de la proximité, avec l'acquiescement de l'État, en garantissant qu'aucun habitant du Limousin ne serait éloigné de plus de trente kilomètres d'un centre de formation professionnelle. Ayant anticipé les conséquences des décisions rectorales, la Région avait induit une clause de caducité dans le contrat… et puisque l'État n'a pas respecté ses engagements, il nous faut désormais recourir à l'arbitrage de la loi."

Pour sa part, le Rectorat de Limoges contextualise cette application stricte de la RGPP : “Les suppressions de postes ou de sections ont tenu compte de la perte démographique que connait la Région, souligne Jean-Claude Pujol, chef du service académique d'information et d'orientation. L'académie de Limoges était surdotée en termes d'effectifs, d'élèves et de classes. Un réajustement était nécessaire, d'autant qu'avec le départ de familles de militaires, nous avons perdu mille élèves." Autre argument avancé : “La rénovation de la formation professionnelle a conduit à la suppression définitive de la dernière année de bac pro. Aussi, les classes surnuméraires se sont naturellement éteintes."

“Pas responsables des décisions nationales"

Région bien plus urbaine, l'Île-de-France aura également mis en avant cette application de la RGPP pour justifier son refus de signer son propre contrat de plan et devenir ainsi le fer de lance des “frondeuses". “Le travail en CCREFP s'est toujours, globalement, déroulé de manière harmonieuse et dans le respect mutuel des prérogatives de chacun, indique Emmanuel Maurel, le vice-président de Région en charge de la formation professionnelle. Toutefois, le double discours du gouvernement, qui prétend, d'un côté, vouloir favoriser la formation, mais qui, de l'autre, refuse de renoncer à fermer des classes, demeure la principale raison qui nous a poussés à refuser de signer le CPRDFP." Principale, mais pas unique : “Il existe une tentation étatique de fermer les sections professionnelles pour y substituer des dispositifs d'apprentissage. C'est une façon pour l'État de gagner de l'argent au détriment des lycées professionnels, puisque ce n'est pas lui qui s'acquitte de la taxe d'apprentissage."

Un refus de substituer l'apprentissage à l'enseignement professionnel que l'on retrouve également en Auvergne, Région jusqu'alors non signataire de son CPRDFP, mais qui y apposera finalement son paraphe, “par respect pour les travaux effectués par tous les acteurs de l'emploi et de la formation", comme le souligne Arlette Arnaud-Landau, vice-présidente du Conseil régional en charge de la formation professionnelle tout au long de la vie, des formations sanitaires et sociales et de l'apprentissage. Par respect, donc, pour la vingtaine de “fiches-action" thématiques (insertion, apprentissage, etc.) élaborées et suivies par les membres du comité et leurs partenaires régionaux, mais malgré l'application “arbitraire" de la RGPP sur tout le territoire, dont plusieurs sections productiques ont fait les frais. “Ces fermetures, nous les avons apprises le plus souvent par la presse !, s'indigne l'élue régionale. Plusieurs lettres ont été adressées par le président de Région au recteur concernant l'arrêt de la fermeture de ces sections, mais elles se sont heurtées aux refus, voire aux absences de réponse, de ce dernier." Avec, comme résultat final, “un gâchis impressionnant qui a mis à mal le principe même du CPRDFP". Un contrat sur lequel le président de Région, René Souchon, et le préfet, apposeront toutefois leurs signatures. “Les acteurs du CCREFP ne sont pas responsables des grandes décisions nationales. Alors, oui, le contrat de plan sera tout de même signé, mais de nombreuses interrogations subsistent sur les éléments discutés en Comité de coordination", conclut Arlette Arnaud-Landau.

“Pas un lieu de proposition, mais de consultation"

Des interrogations qu'a priori, l'Aquitaine, signataire le 8 mars 2012 de son propre CPRDFP, ne devrait pas connaître. “Le CCREFP aquitain n'a jamais été un lieu de proposition, mais de consultation et de recueil d'avis, tel que les textes réglementaires le prévoient", explique Jean-Philippe Sautonie, directeur de la formation professionnelle au sein du Conseil régional. Une volonté exprimée par le président de Région, Alain Rousset, pour qui le CPRDFP ne se concevait que comme une version enrichie du PRDFP (plan régional de développement des formations professionnelles) signé en 2009. “Nous ne nous sommes jamais posé la question concernant la façon dont le CCREFP devait faire vivre ce lien, poursuit Jean-Philippe Sautonie, le Comité de coordination se réunissait une ou deux fois par an pour rendre ses avis sur les travaux des différentes commissions mises en place sur thèmes précis, tels que l'orientation, l'insertion, la croissance verte, la VAE, l'accompagnement des mutations de l'économie par la formation, etc." Un choix de fonctionnement en commissions et autres groupes de travail jugé plus “dynamique" par les instances régionales et davantage susceptible d'impliquer tous les acteurs sur un maximum de sujets. “Les partenaires sociaux, par l'intermédiaire de la Copire (Commission paritaire interprofessionnelle régionale), étaient présents sur les douze groupes de travail déployés, précise le directeur de la formation professionnelle en Aquitaine. Quant au Rectorat, il avait parfaitement sa place dans les commissions et présidait plusieurs groupes de travail."

Comment l'Aquitaine a-t-elle réussi à fédérer sans heurts toutes ses énergies ? Jean-Philippe Sautonie l'explique par une volonté de se placer “au-delà du combat politique. Le Conseil régional a exprimé à l'État sa volonté d'agir dans l'intérêt général, afin de favoriser la compétitivité économique régionale. Si l'État acceptait le PRDFP, alors la Région acceptait à son tour de construire le contrat de plan". Un contrat de plan qui n'aura pas été imaginé comme un “catalogue", mais comme un document de portée stratégique, dont le contenu “est à 80 % issu des propositions de la Région".

Quid de l'avenir des CCREFP ? L'article L. 214-13 alinéa 4 du Code de l'éducation précise : “Le contrat de plan régional est signé par le président du Conseil régional au nom de la Région après consultation des Départements et adoption par le Conseil régional, par le représentant de l'État dans la région au nom de l'État et par l'autorité académique. Il engage les parties représentées au sein du Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle"[ 1 ]Les termes de cet article engagent également les partenaires sociaux et les Chambres de commerce, alors que ces derniers ne sont nullement signataires des contrats. , alors que, dans le même temps, aucun texte ne prévoit que l'État n'assure la continuité des contrats.

Alors, blocage ? Pour Jean-Paul Denanot, la “fronde des Régions" va immanquablement créer “une période d'attente" jusqu'aux résultats de l'élection présidentielle. Même constat, pour Emmanuel Maurel, pour qui “les conséquences de la fronde dépendront du résultat de l'élection". Mais ni l'un ni l'autre ne remettent en cause l'existence des Comités. Pour preuve : en Île-de-France, est d'ores et déjà prévu d'intégrer la problématique de la formation des personnes en situation de handicap aux prérogatives du Comité francilien, alors que dans le Limousin, le planning des réunions des CCREFP au cours des mois de mars et avril a été maintenu. Ce sont donc les urnes qui, indirectement, risquent de décider du sort des Comités.

Notes   [ + ]

1. Les termes de cet article engagent également les partenaires sociaux et les Chambres de commerce, alors que ces derniers ne sont nullement signataires des contrats.