En Finlande, la formation professionnelle {“est moins l'affaire des entreprises que celle de la collectivité publique" }

Par - Le 16 avril 2012.

À travers un essai intitulé “Le défi finlandais" publié en mars, Alain Bournazel, ancien élève de l'Éna, spécialiste des questions d'éducation et de formation, est parti à la découverte d'un pays “exemplaire".

“La Finlande s'impose aujourd'hui comme un pays pionner de la réussite industrielle, un phare de la société d'information et de communication, elle étonne le monde par un système éducatif performant qui la place en tête des pays de l'OCDE", écrit Alain Bournazel. Avec l'appui de spécialistes finlandais des systèmes éducatif et économique, l'auteur montre les principales phases d'évolution de ce pays, membre de l'UE depuis 1995, qui en font aujourd'hui un modèle sociétal. Parmi les spécificités de la Finlande : la formation des adultes, “largement subventionnée par l'État et les municipalités", mais qui “n'est pas enfermée dans le champ professionnel". Exemple à suivre ?

Questions à Alain Bournazel.

“Un système de formation tout au long de la vie, réél prolongement de la formation initiale"

Pourquoi avez-vous choisi d'étudier le “modèle finlandais" ?

Parce que la Finlande est en pointe dans toutes les enquêtes internationales, malgré une situation qui semble plutôt défavorable : c'est un pays relégué à l'extrême nord du continent européen, qui ne dispose pas de beaucoup de ressources naturelles et qui est indépendant seulement depuis 1917. Ce pays a su surmonter de grandes difficultés pour être pionnier dans des secteurs de pointe, tels qu'Internet ou la téléphonie mobile. Comparativement, la Suède, par exemple, a beaucoup plus d'atouts que la Finlande.

Quelles différences existent-t-il entre les systèmes de formation professionnelle français et finlandais ?

Le système finlandais donne une plus large place à la formation professionnelle. D'ailleurs, il n'y est pas seulement question de formation professionnelle, mais d'“éducation des adultes". En Finlande, c'est le système éducatif qui se prolonge. Le niveau général de la société finlandaise est excellent, grâce à quantité de structures et d'associations et à un système de formation initiale performant. C'est un peuple en prise avec la “société de la connaissance". La formation est moins l'affaire des entreprises que l'affaire de la collectivité au niveau national et au niveau territorial. La collectivité publique est constamment impliquée.

Vous écrivez que 52 % de la population active accède à la formation professionnelle, un chiffre nettement au-dessus des statistiques françaises…[ 1 ] 35 % des cadres supérieurs, 33 % des professions intermédiaires ont eu accès à la formation professionnelle continue en 2010, contre 17 % des ouvriers et 23 % des employés, selon l'Observatoire des inégalités. .

En effet, mais cela concerne aussi bien des cours de cuisine pour une ménagère que des formations à des qualifications professionnelles. L'éducation et la formation ne sont pas adressées à une certaine catégorie de personnes. Le système repose sur l'équité. En France, nous comptons de nombreux “décrocheurs", qui sont exclus, marginalisés, jugés finalement comme des “bons à rien". Dans le système finlandais, il y a nettement moins de “bons à rien" qu'ailleurs !

Selon vous, quelles sont les faiblesses d'un tel modèle ?

Il en existe, évidemment. Les Finlandais bénéficient d'un système très protecteur, qu'il faut revoir, comme le système de retraite, par exemple, qui permet aux salariés finlandais de partir plus tôt que les autres salariés européens. En outre, moins de la moitié des entreprises considèrent que les qualifications délivrées par les instituts polytechniques correspondent à leurs besoins, la Confédération des industries finlandaises estime que l'éducation n'est pas suffisamment en phase avec les besoins de main-d'œuvre et de compétences du marché du travail.

Quelles sont les bonnes pratiques qui peuvent être exportées en France ?

Prenons l'Université par exemple, il existe des sections ouvertes aux adultes en Finlande, alors qu'en France c'est quasiment exclusivement l'affaire des jeunes. Il faut mettre en place un système de formation tout au long de la vie pas uniquement centrée sur le plan professionnel mais aussi sur la vie citoyenne et personnelle. De ce point de vue, on a appauvri le concept d'éducation permanente.

Notes   [ + ]

1. 35 % des cadres supérieurs, 33 % des professions intermédiaires ont eu accès à la formation professionnelle continue en 2010, contre 17 % des ouvriers et 23 % des employés, selon l'Observatoire des inégalités.