Hôtellerie de luxe : quand la formation s'invite dans le PSE du Ritz et s'impose au Crillon

Par - Le 16 avril 2012.

Dans le monde feutré de l'hôtellerie de luxe, deux grands palaces parisiens se préparent à faire leur mue cette année. Le Ritz et le Crillon, deux joyaux historiques de la capitale qui devront fermer leurs portes en 2012 pour mener des grands travaux de rénovation. Deux hôtels, deux propriétaires, et deux méthodes d'accompagnement de leurs salariés.

Au Ritz, vingt-sept mois de fermeture. Trop “poussiéreux" et pas aux normes, l'hôtel de la place Vendôme, propriété de la famille Al Fayed, doit se rénover et se moderniser. Dure blessure narcissique (et économique), le célèbre hôtel n'a pas reçu l'appellation “Palace", décernée en 2011 à quelques grands hôtels français “d'exception". Mais quel est le prix de cette course à la compétitivité pour les salariés ? Retour sur six mois de discussions entre la direction, et les syndicats, pour négocier un PSE “acceptable".

Le Ritz veut réembaucher des salariés formés

“Quand la direction nous a informés de la fermeture de l'hôtel en octobre 2011, nous avions le choix entre prendre la porte ou nous jeter par la fenêtre", observe, mi figue mi raisin, Jacques Lebreton, élu CFDT du comité d'entreprise. Le premier projet de PSE de la direction n'est effectivement “pas bien passé". L'administration, la Direccte d'Île-de-France, a d'ailleurs jugé trop dur le projet de la direction. “Nous avons vraiment senti qu'à l'époque la direction s'est dit : 'C'est le moment d'épurer. Et trouvons du neuf pour pas cher lors de la réouverture'. Les conditions de licenciement n'étaient pas du tout avantageuses", poursuit l'élu de la CFDT. De son côté, Marie-Josée Duval, secrétaire Unsa du CE, se souvient de la tonalité très “dure" du début de la négociation : “Les discussions ont commencé à l'envers, nous avons transformé le cours des événements, pour passer du pire à l'acceptable." La CFDT a alors proposé une suspension des contrats de travail, une mise à disposition des salariés et l'entrée dans un dispositif de chômage partiel avec formation. Refusé. Il faut étudier un nouveau compromis. Résultat : le PSE signé le 19 mars dernier s'appuie sur la rupture des contrats de travail, et se décline en quatre options : “Le départ volontaire, le congé lié aux travaux de réhabilitation, le congé de formation longue durée et le licenciement économique." Mais avec une garantie de réembauche à l'issue des vingt-sept mois de travaux.

Un PSE “logique dans le contexte actuel", explique Marie-Josée Duval, d'autant que le Ritz veut retrouver des salariés “formés et qui n'ont pas été inactifs pendant vingt-sept mois". Selon Jacques Lebreton, 90 % des salariés devraient signer la clause de réembauche. La direction ne souhaite pas communiquer le montant du PSE. Selon d'autres sources syndicales, les travaux “coûteront 200 millions d'euros, et le PSE, qui concerne plus de 450 salariés, devrait se monter à 10 % de cette somme"…

“Certains salariés proches de la retraite sont soulagés, d'autres sont déçus. La balle a été remise au centre, mais ils ont quand même marqué un but", conclut Jacques Lebreton, qui, à titre personnel, devrait opter pour le licenciement économique puis faire valoir ses droits à la retraite. Dans les couloirs feutrés du Ritz, il se murmure que l'hôtel pourrait être revendu prochainement. En parfait état.

Crillon : “Pendant les travaux, la formation continue..."

À quelques centaines de mètres de la place Vendôme, le Crillon, un joyau d'architecture commandé par Louis XV, niché derrière la Concorde. Comme le Ritz, l'hôtel veut lui aussi retrouver son “lustre", vingt-quatre mois de travaux seront nécessaires. Propriété de la famille royale saoudienne, le Crillon aurait déjà “donné des garanties à ses salariés", explique Claude Lévy, délégué CGT de l'hôtellerie de luxe à Paris. “La direction veut conserver les emplois des 360 salariés. Il faudra négocier le maintien des salaires et la mise en place d'un plan de formation." Contactée, la direction du Crillon ne souhaite faire “aucun commentaire pour l'instant", mais précise cependant que “pendant toute la durée des travaux, l'ensemble des salariés bénéficiera d'un dispositif d'accompagnement qui sera négocié avec leurs représentants et dont le double objectif est la préservation de l'emploi et le renforcement de la qualification des personnels, pour garantir la meilleure qualité de service à la réouverture de l'Hôtel de Crillon".

Michel Geiser, directeur du Fafih, l'Opca de l'hôtellerie et de la restauration, indique qu'“il faudra regarder au cas par cas et monter une opération qui ne concerna pas seulement le Fafih, mais qui mobilisera Pôle emploi et le Fongecif". Et d'ajouter : “Nous n'avons pas encore tous les éléments, il faut attendre que tout le monde soit autour de la table. Quant au Ritz, les salariés sont libres de choisir s'ils veulent faire de la formation ou pas."

Les salariés du Crillon seront-ils réellement mieux traités que ceux du Ritz ? La directrice des ressources humaines du Ritz, Suzanne Côté-Peover, rappelle qu'aucune réunion du CE n'a eu lieu pour l'instant (voir interview). Pour Claude Lévy, “c'est le jeu syndical qui n'est pas le même. La CGT est majoritaire partout au Crillon. Nous sommes incontournables. Et nous ne voulons pas de rupture des contrats de travail". Les premières discussions devraient avoir lieu avant l'été.