Secret Cam : pour changer de regard sur le handicap
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 mai 2012.
Et si l'on jouait, pour se remettre en question par rapport aux perceptions du handicap ? C'est la problématique de Secret Cam, un serious game développé par le Conservatoire national des arts et métiers en Pays de la Loire, en collaboration avec douze entreprises partenaires (Décathlon, Caisse d'Épargne, Spire, etc.), six associations spécialisées dans l'accompagnement du handicap (Adapei 44, Agefiph Pays de la Loire, etc.).
“Pour nous, c'était une première", avoue François Calvet, directeur du service Technologie numérique pour la connaissance (TNC) du Cnam des Pays de la Loire et chef du projet serious game. Les concepteurs du jeu ont fait le choix d'une scénarisation ne tenant pas uniquement compte des questions de management, mais plutôt de représentation sociale du handicap. “55 % des salariés interrogés à propos du handicap au travail estiment que ces personnes rencontrent des difficultés à assurer leurs tâches, et 19 % pensent même que la présence d'un collaborateur handicapé complique le travail." Si la problématique consistait à faire changer le regard sur le handicap, l'un des écueils à éviter était précisément son traitement sous un angle purement compassionnel ou pathologique.
Après consultation de travailleurs handicapés, de responsables handicap en entreprise et de services RH, les concepteurs de Secret Cam se sont orientés vers un traitement adapté du Théâtre Forum d'Augusto Boal (voir encadré) afin de scénariser l'ossature du gameplay. “L'univers : le service communication d'une PME événementielle. L'histoire : le joueur interprète un salarié nouvellement arrivé dans l'entreprise, chargé d'organiser un salon, de motiver son équipe et de conserver sa popularité auprès de ses collaborateurs, en sachant que l'un des trois collègues gérés par l'ordinateur est en situation de handicap non visible", explique François Calvez. Quant à la dramaturgie du jeu, elle est induite par l'intermédiaire d'une webcam dissimulée dans les postes de travail des collaborateurs, permettant au joueur de noter leurs réactions en fonction des consignes données. “Le joueur peut voir et entendre sans être vu et entendu", indique le chef de projet.
Quatre “missions", comprenant deux objectifs chacune, composent la structure du jeu. Elles consistent, la plupart du temps, à gérer les aléas d'un “standiste" en pleine organisation d'un salon et impliquent, de la part du joueur, de faire le choix (par exemple) de “flatter son collaborateur sur ses compétences" ou, au contraire, de “le rappeler pour lui signaler qu'existent des véhicules adaptés au handicap de son collègue". En fonction de la stratégie déployée par le joueur, un certain nombre de points (symbolisés par des émoticônes) lui sont attribués avant le débriefing final. “L'un des objectifs de Secret Cam était justement de rompre avec les clichés liés au handicap, mais aussi d'installer la simulation dans le réel afin de ne pas culpabiliser le joueur", souligne François Calvez. Une partie est calibrée pour durer environ 35 minutes. Et sur les 672 salariés testeurs, 400 sont allés jusqu'au bout du jeu. Un jeu disponible gratuitement sur le web depuis novembre 2011.