Les propositions du rapport Patriat pour la réforme de la collecte apprentissage
Par Béatrice Delamer - Le 16 avril 2013.
Conjuguer les mots “décentralisation" et “paritarisme", régions et branches, l'exercice ne va pas forcément de soi, en ces temps de reforme - chacun veillant sur son périmètre. Le sénateur et président de Conseil régional François Patriat a relevé le gant. La solution proposée : pilotage régional dans la répartition de la taxe, et en contrepartie, généralisation du paritarisme dans la collecte.
Complexe, lourd, peu transparent", “absence de pilotage", “ineffectivité des contrôles"… Pour remédier aux critiques faites au financement de l'apprentissage, un rapport d'information, présenté par le sénateur François Patriat (PS, Côted'Or), qui est par ailleurs président du Conseil régional de Bourgogne, propose une refonte du système de collecte, “qui doit précéder ou accompagner une non moins importante refonte du mécanisme de répartition". Présenté le 23 avril dernier, ce rapport propose une réforme selon trois principes : la simplification, la décentralisation, le paritarisme. Et cela alors que le gouvernement doit présenter une loi qui concernera le financement de l'apprentissage d'ici la fin de l'année.
Simplification
Est préconisé un réexamen des procédures d'agrément délivré au niveau national. La solution privilégiée par François Patriat est de “rationaliser le réseau des Octa (organismes de collecte de la taxe d'apprentissage), comme cela est en cours pour les Opca (réduction de leur nombre, conventions d'objectifs et de moyens)". Pour simplifier la collecte, le sénateur considère qu'il faut également limiter le choix de chaque entreprise à un seul Octa, et instaurer un seuil minimum de collecte, afin de parvenir à une quarantaine d'organismes. “D'autres préconisations techniques doivent également être mises en œuvre,
par exemple l'instauration d'une comptabilité analytique obligatoire,
la mise en place d'un modèle de reçu libératoire à délivrer aux entreprises commun à l'ensemble des Octa ou l'extension à la taxe d'apprentissage et à la CDA (contribution au développement de l'apprentissage) [ 1 ]Contribution due par les entreprises redevables de la taxe d'apprentissage. Le taux d'imposition de la CDA est de 0,18 % de la masse salariale. Elle est reversée, par l'Octa, en totalité au Trésor public. du dispositif de contrôle du dispositif de bonus-malus [ 2 ]Mis en place par la loi de finance rectificative pour 2011, du 29 juillet 2011. envisagé par la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) pour la CSA (contribution supplémentaire à
l'apprentissage) [ 3 ]Contribution due uniquement par les entreprises de 250 salariés et plus qui sont assujetties à la taxe d'apprentissage, et dont l'effectif annuel moyen comporte moins de 4 % de jeunes en alternance. par l'instauration, d'une part, d'échanges de données entre la DGEFP avec la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse), la DGFip (Direction générale des finances publiques) et les Octa", expose le rapport.
D'autre part, celui-ci prône l'uniformisation des formalités administratives des entreprises auprès des organismes
collecteurs. Pour simplifier l'architecture de la taxe, François Patriat souhaite la fusion de la taxe d'apprentissage avec la CDA, ce qui donnerait alors lieu à un prélèvement global et unique de 0,68 % de la masse salariale. Il s'agirait également de rendre plus lisible la CSA en remplaçant la multiplication des taux et seuils de majoration par un “malus" calculé au prorata du nombre d'apprentis manquant à l'entreprise pour qu'elle respecte le seuil légal.
Décentralisation
Il est proposé d'introduire un pilotage régional dans la répartition de la taxe d'apprentissage, et plus exactement les fonds libres non-affectés. “Cela permettrait véritablement de prendre en compte les priorités de formation définies au travers du CPRDFP (contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle) et de flécher vers l'apprentissage une part plus importante des fonds libres."
D'autre part, François Patriat veut étudier la suppression de la distinction quota-hors quota, ou en rééquilibrer la répartition. “Un rééquilibrage du quota et du hors quota s'impose, notamment pour prendre en compte les modifications de la proportion des fonds affectés, d'une part, à l'apprentissage soit directement par les entreprises ou soit par les régions, d'autre part, aux établissement d'enseignement technologiques." Ainsi, pour aller plus loin, François Patriat propose qu'à cette distinction quota-hors quota se substitue une distinction entre la part librement affectée par l'entreprise et la part pilotée par la Région.
Paritarisme
“Votre rapporteur spécial considère que le recentrage régional de la gouvernance de la taxe d'apprentissage pourra être accepté par l'ensemble des acteurs s'il les associe étroitement en introduisant le paritarisme dans la collecte et la répartition des fonds."
Deux préconisations sont faites à cet effet : donner un rôle au FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) dans l'harmonisation des pratiques des Octa, et requérir l'avis du CCREFP (Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle).
Aurélie Gerlach
RAPPROCHEMENT DES OPCA ET DES OCTA : POUR OU CONTRE ?
Le rapport d'information pour une réforme de la taxe d'apprentissage de François Patriat a rencontré un accueil globalement
positif, tout du moins sur les principes, de la part de son collègue sénateur UMP Jean-Claude Carle, mais une réaction plus critique de la part de Gérard Cherpion, pour sa part député UMP.
“Il y a des propositions intéressantes, notamment en ce qui concerne la décentralisation : il faut confier l'apprentissage aux Régions", nous indique ce dernier. Il approuve la proposition de réduire le nombre d'organismes collecteurs, à l'instar de ce
qu'il avait recommandé dans son rapport de 2009, mais il ambitionne une réforme plus radicale : “Il faut aller plus loin dans la simplification : une seule collecte, un seul diplôme : il faut en finir avec le contrat de professionnalisation !" [ 4 ]Voir aussi notre dossier, pp. 13-19., se positionne le sénateur de Haute-Savoie, qui espère ce changement dans un avenir de cinq à dix ans. De même pour le paritarisme : “Que ce soit pour la formation initiale ou continue,
cela doit se faire dans le cadre de compétences partagées entre l'État, les Régions et les partenaires sociaux."
Un “réquisitoire contre le système"
Le député Gérard Cherpion voit quant à lui dans le rapport Patriat un “réquisitoire contre le système, dont le seul objectif est de donner davantage d'influence aux Régions". Il le rejoint sur la réduction du
nombre d'Octa, mais tient à la séparation des deux collectes : pas de fusion entre Opca et Octa. Il ne voit pas non plus ce que l'introduction du paritarisme dans la collecte et la répartition des fonds “va apporter en efficience. Les partenaires sociaux sont déjà représentés dans les instances consultatives", souligne-t-il. Et il considère comme une “fausse bonne idée" de confier au FPSPP une mission d'harmonisation des pratiques des Octa : “Le FPSPP a été créé pour la formation continue et fonctionne plutôt bien, en visant le public des personnes les plus éloignées de l'emploi." Les deux parlementaires s'entendent sur un point : si les propositions sont intéressantes, “elles perdent de leur sens car elles ne s'inscrivent pas dans une volonté politique de développement de l'alternance", estime Jean-Claude Carle. “Avec un objectif de 500 000 alternants, on se contente de peu", renchérit Gérard Cherpion, pour qui l'objectif d'un million d'alternants voulu par le gouvernement précédent était proportionne aux possibilités de notre économie.
Béatrice Delamer
Notes
1. | ↑ | Contribution due par les entreprises redevables de la taxe d'apprentissage. Le taux d'imposition de la CDA est de 0,18 % de la masse salariale. Elle est reversée, par l'Octa, en totalité au Trésor public. |
2. | ↑ | Mis en place par la loi de finance rectificative pour 2011, du 29 juillet 2011. |
3. | ↑ | Contribution due uniquement par les entreprises de 250 salariés et plus qui sont assujetties à la taxe d'apprentissage, et dont l'effectif annuel moyen comporte moins de 4 % de jeunes en alternance. |
4. | ↑ | Voir aussi notre dossier, pp. 13-19. |