Entretien avec Christophe Praud, président national du CJD France

Par - Le 16 septembre 2013.

“L'information sur la formation fait défaut à nombre de chefs d'entreprise"

À la tête du Centre des jeunes dirigeants (CJD) depuis 2012, Christophe Praud [ 1 ]Christophe Praud a créé en 2006 Maven,
cabinet d'aide à la décision commerciale. Il a
décidé en 2010 de développer le concept avec
d'autres entrepreneurs, rassemblés autour
de la marque Maven
dresse un bilan
à mi-mandat. Il indique comment il souhaiterait voir aboutir les lois annoncées sur la formation
professionnelle et sur l'apprentissage.

Quel regard portez-vous sur la formation professionnelle ?

En France, le constat est simple : les créations
d'emploi et l'employabilité sont faites par
les PME et les TPE. Pourtant, le taux d'accès
à la formation dans les petites entreprises
est le plus faible. C'est un premier paradoxe.

De plus, le référentiel est toujours conçu par
rapport aux grandes entreprises, c'est toujours
le fonctionnement d'un grand groupe qui est
pris en compte. Quant à l'information sur la
formation professionnelle, elle fait défaut à
nombre de chefs d'entreprise. Ils sont déjà
bien occupés quotidiennement et peuvent
être avertis par leur expert-comptable des
différentes modalités existantes, lorsqu'ils
décident de former un salarié. Puis ils entrent
dans les méandres de la prise en charge de la
formation professionnelle...

Quels dispositifs souhaiteriez-vous voir
améliorés ou modifiés ?


Je souhaite que parmi les Opca existants,
des personnes compétentes puissent aider
et accompagner les entreprises de moins de
20 salariés et les TPE. Il faut que
les petites entreprises qui cotisent
puissent avoir tous ces éléments,
car la complexité administrative,
alliée au manque de communication,
pose vraiment problème ! En
complément, un travail de pédagogie
et de simplification serait très
efficace par la voie d'internet, sur
le modèle du CICE (crédit d'impôt
compétitivité emploi). Après avoir
entré des éléments tels que la taille
de son entreprise et son chiffre
d'affaires, et la formation envisagée,
le chef d'entreprise pourrait avoir
une simulation concrète sur les
possibilités de prise en charge.
Je ne dédouane pas pour autant
les entreprises qui considèrent
le chapitre de la formation
professionnelle comme une
contrainte. Il nous faut les former,
les éduquer pour leur faire prendre
conscience des enjeux majeurs que représente
la gestion des compétences qui passe par la
formation de ses collaborateurs. Je souhaite
également que l'on réfléchisse à l'utilisation
des fonds de la formation. Quelle est sa réalité
aujourd'hui ? Quels sont les besoins réels ? Qui
bénéficie de ces fonds et comment ?
Que pensez-vous des annonces faites
par le gouvernement sur la formation de
30 000 puis 100 000 demandeurs d'emploi
pour des postes non pourvus ?
Aujourd'hui, les statistiques indiquent qu'il
faut neuf mois à un demandeur d'emploi
pour accéder à sa première formation. C'est
évidemment trop long. Il faudrait mettre
beaucoup d'énergie dans des temps restreints
pour les accompagner. Mais il faut aussi se
poser la question : que met-on exactement
aujourd'hui dans ces formations ? Il ne faut
pas les faire pour remplir une obligation, il ne
faut pas des formations de complaisance. Je
pense aussi qu'il est nécessaire d'affecter des
fonds pour former les personnes éloignées de
l'emploi, mais dans les discussions à venir, il
ne faudra pas non plus oublier les PME et les
TPE avec leurs particularités.

Que préconisez-vous pour la future
réforme de l'apprentissage ?


Comme d'autres, j'ai été choqué par
l'annonce faite en juillet sur la suppression
de l'indemnité compensatrice de formation [ 2 ]Cf. L'Inffo n° 839, p. 2.,
même si le gouvernement a depuis rectifié
sa position en proposant une aide pour les
entreprises de moins de 10 salariés. J'ai
l'impression que l'on avance parfois en zig-zag
et que de telles décisions risquent de faire
baisser le nombre d'apprentis. Or, je pense
que l'apprentissage fonctionne en France.
C'est un dispositif qui est bien intégré dans le
paysage, même s'il y a trop d'acteurs, que c'est
compliqué. Une réforme devrait simplifier les
choses.
Il existe deux types d'entreprises : celles qui
ont intégré les apprentis dans leur système de
fonctionnement et les remplacent au fur et à
mesure. Cela peut sembler un effet pervers, un
effet d'aubaine. Mais ces entreprises jouent
leur rôle social, forment ces jeunes, même si
elles ne les gardent pas. Et heureusement,
il existe aussi les entreprises qui ont une
culture de l'apprentissage, forment et gardent
les jeunes. Ces deux systèmes cohabitent,
ils permettent de former des apprentis. Le
CJD est pour une institutionnalisation de
l'apprentissage, jusqu'à bac + 5, dans une
perspective d'emploi.

Notes   [ + ]

1. Christophe Praud a créé en 2006 Maven,
cabinet d'aide à la décision commerciale. Il a
décidé en 2010 de développer le concept avec
d'autres entrepreneurs, rassemblés autour
de la marque Maven
2. Cf. L'Inffo n° 839, p. 2.