Benoît
Willot
Pour un développement territorial coordonné.
Les entreprises et le “développement territorial" mené par le service public de l'emploi et les élus locaux ont parfois du mal à s'accorder. Mais le travail partenarial, indispensable pour surmonter des logiques très différentes, commence à se mettre en place, notamment dans les Maisons de l'emploi. Benoît Willot, animateur du blog “www.emploietcreation.info" et ancien directeur du Comité d'information et de mobilisation pour l'emploi (Cime), répond à nos questions.
Par Centre Inffo - Le 10 avril 2007.
Inffo Flash : Quelle est la conception du “développement territorial" privilégiée par les entreprises ?
Benoît Willot : A priori, elles n'en ont pas ; l'idée “territoriale" vient d'ailleurs, soit des collectivités locales attentives à garder une population employée sur leurs territoires, soit d'Opca agissant en conseil en développement territorial de l'emploi, via par exemple la GPEC et/ou la mise en place de formations interentreprises, comme c'est le cas avec l'Agefos-PME. Quand les entreprises prennent d'elles mêmes des initiatives favorisant la formation et le recrutement territorial, c'est à travers des clubs d'entreprises, des systèmes productifs locaux ou des groupements d'employeurs. Elles se situent alors dans des logiques de projet collectif (recrutements facilités, formations mutualisées, etc.) pas toujours vécues comme des projets de développement territorial, mais inspirées par la nécessité de recruter des personnes qualifiées pour les emplois qu'elles ont à offrir.
Inffo Flash : Quels sont les rapports entre les entreprises, le service public de l'emploi et les différents dispositifs qu'il véhicule, notamment les emplois aidés dans le privé ?
Benoît Willot : Ces rapports ne sont pas simples. Les modes de fonctionnement sont différents. Les propositions de rencontres faites par l'ANPE en direction des entreprises ne sont pas toujours suivies d'effet. Il y a des difficultés opérationnelles, on sent que recevoir les entreprises, pour l'ANPE, n'est pas forcément prioritaire. L'accueil prioritaire, c'est celui des chômeurs, et les entreprises sont bien souvent approchées, via des contrats aidés ou des formations express, pour employer des chômeurs de longue durée. Une logique de résorption du chômage qui se heurte à celle de l'entreprise - qui doit être
rentable.
Inffo Flash : Il arrive pourtant que les partenariats entreprises-SPE fonctionnent bien au sein des Maisons de l'emploi. À quelles conditions ?
Benoît Willot : Il faut d'abord que les entreprises se sentent prises dans une logique collective et que l'ANPE sache s'adapter à leurs besoins, qui ne sont pas toujours en harmonie avec les dispositifs lancés par l'État ou des priorités d'élus. La “machinerie" administrative liée aux institutions du SPE et aux financements des structures, les impatientent. Il peut arriver que la direction des Maisons de l'emploi (MDE) soit confiée à des entreprises, soit qu'une association d'entreprises préexistante se constitue par la suite en MDE, soit que les élus locaux, préfèrent avoir une présidence neutre politiquement. Quoi qu'il en soit, pour attirer les entreprises, par définition non “captives", contrairement aux chômeurs, il faut une véritable offre de services qui provoque en retour des créations d'emplois. Je pense bien sûr à l'offre GPEC. Il faut toujours garder cela à l'esprit, une Maison de l'emploi sans entreprises, c'est une “Maison du chômage"...
Inffo Flash : Comment accorder besoins de formation et offre territoriale ?
Benoît Willot : Il s'agit de prendre son temps, de réfléchir sur le moyen terme, sur les secteurs porteurs d'emploi, au lieu de réagir immédiatement à la demande de secteurs “en tension". Tout en sachant que le développement économique n'est pas une science exacte. Les prévisions ne s'avèrent pas toujours justes. Nous l'avons vu avec l'effondrement, voici dix ans, du marché de l'emploi des informaticiens, suivi par l'explosion soudaine du marché du téléphone portable. La prospective formation suit celle de l'emploi, et le grand écart continue d'exister entre formations initiales et métiers exercés. Cela dit, la perspective partenariale, mettant les financements et les savoirs à contribution, peut aider bien sûr à mieux “ajuster le tir".
Et, question formation, je pense que le Dif peut s'avérer un outil précieux pour la création d'activités dans les territoires.
Propos recueillis par Renée David-Aeschlimann
Le site “www.emploietcreation.info" milite pour que l'accompagnement à la création d'entreprises soit pris en compte dans les Maisons de l'emploi.
Le Cime (www.cime.asso.fr) a été “un lieu d'observation, de promotion et de diffusion des initiatives créatrices d'activité et d'emplois". Il a cessé ses activités en mars 2007. Il a conçu Balise, un outil pensé pour stimuler la création d'entreprise grâce à un accompagnement administratif et financier. Ce dispositif a été repris par l'association Éveilleco (www.eveilleco.fr), créée en juillet dernier.