La transition vers la vie active, un passage délicat

Premiers constats : les problématiques d'adéquation entre contenus des enseignements et demandes en compétences sont semblables, mais l'insertion professionnelle effective apparaît surtout tributaire du niveau d'activité économique. Préoccupée par cette question depuis plusieurs années à travers ses Universités d'été successives, la Freref, en la personne du président de son conseil scientifique, Claude Houssemand, de l'Université du Luxembourg, a campé le décor : “Si, jusqu'à présent, l'insertion professionnelle des jeunes à la sortie du système éducatif était tributaire de nombre de facteurs, comme la pertinence de l'orientation, le diplôme, mais aussi la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents, celle-ci se heurte aujourd'hui à un facteur exogène puissant : la crise. C'est toute une société qui est actuellement en phase de transition et doit s'accoutumer aux transformations du travail."

Les politiques publiques en direction des jeunes ont pourtant pris acte depuis les années 1980 de la nécessité d'accompagner cette transition qui ne se fait plus “naturellement", les entreprises absorbant l'inexpérience des jeunes, diplômés ou non. Depuis plus de vingt ans – et c'est le cas du nouveau train de mesures annoncées le 24 avril par le président de la République française –, les jeunes se voient proposer des contrats aidés et en alternance.

Repérage des compétences et qualité de la formation

Au rectorat de Cracovie (Pologne), dans la Région de Malopolska, le soutien à l'entrée dans la vie active est organisé dès le début des cursus de formation initiale professionnelle, grâce à des partenariats étroits avec les entreprises qui permettent aux jeunes non seulement de s'initier à la vie d'entreprise, mais de bénéficier d'apports technologiques dont les établissements d'enseignement professionnels – à l'Est comme à l'Ouest – sont souvent privés, faute de réactivité et de financement suffisants.

“Nous sommes fiers d'occuper la deuxième place en tant que Région polonaise pour ce qui est de la transition école-vie active, s'est félicitée Wanda Brzescinka, recteur de l'académie de Cracovie, qu'il s'agisse de la coopération avec les entreprises ou de la présence de conseillers d'orientation dans nos établissements". En effet, certains enseignants de cette région formés aux fonctions de conseils en orientation exercent leurs compétences dans des “centres de carrière", la plupart à titre bénévole et en dehors des heures d'enseignement.

Un exemple nourri d'échanges de pratiques issues de l'inscription dans un programme européen (Aqor, voir page ci-contre), mais qui “ne doit pas laisser l'impression, a souligné une formatrice polonaise, que ce système d'intégration à l'entreprise et d'orientation est fréquent dans notre pays où, à ma connaissance, seuls 7 % des étudiants des nouveaux établissements de formation initiale professionnelle possèdent des conseillers d'orientation".
Lors de la table ronde qui réunissait des représentants de l'Ukraine, de la Roumanie, de Slovaquie et de Pologne, les problèmes rencontrés par les ex-pays du bloc de l'Est ayant rejoint l'Union européenne ont été longuement évoqués. Ceux-ci rejoignent singulièrement les préoccupations à l'Ouest. Seule différence, l'avancement des changements et des projets. “Afin d'orienter efficacement les jeunes, il nous manque des observatoires indépendants qui nous délivreraient des seuls besoins des entreprises à court terme", a remarqué Dana Weichselgärtner, formatrice de la Région polonaise de Zilina.
Maria Simut, inspectrice dans l'enseignement technique et professionnel à Cluj, en Roumanie, a prôné un “partenariat social" réunissant entreprises, établissements d'enseignement, agence pour l'emploi, afin de se situer au plus près des besoins de l'économie locale dans la mise en place de référentiels et de l'offre de formation.

Autre souci de taille, “le développement anarchique d'organismes de formation offrant des contenus de piètre qualité et des certifications non valables sur le marché du travail", a mis en garde Tatiana Burlaienko, formatrice à Kiev (Ukraine). “Cette offre est même parfois délictueuse. Manquent des systèmes d'agrément assurant la qualité de formations, a ajouté Grazyna Prawelska, vice-ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur de Pologne, qui était venue présenter sa réforme de l'enseignement supérieur, largement inspirée, a-t-elle insisté, des échanges fructueux menés avec les partenaires de la Freref.

Ces établissements seront tenus de mettre au point des stratégies de développement des enseignements en conformité avec les besoins de l'économie. “L'enseignement académique en Pologne a voulu s'éloigner le plus possible de son ancienne imbrication avec l'économie administrée. Résultat, ainsi protégée, l'Université a produit des cohortes de jeunes sans emploi. Aujourd'hui, nous procédons à une réforme de l'enseignement supérieur vers plus de professionnalisation, qui sera effective à la rentrée 2010-2011. Ainsi, les établissements devront évaluer le niveau d'insertion professionnelle de leurs diplômés et ceux-ci seront évalués sur ce critère unique, et non sur leurs cursus". Un mouvement de balancier radical, observable dans d'ex-“Pays de l'Est" qui s'inspirent aujourd'hui largement des modèles anglo-saxons d'insertion professionnelle.
Tout en sachant que de telles réformes ne valent – en Pologne comme ailleurs – que si l'activité économique génère suffisamment d'emplois. Pour les jeunes, comme pour les moins jeunes.

La Freref (Fondation des régions européennes pour la recherche en éducation et en formation) prépare un guide de l'orientation tout au long de la vie qui sera présenté lors de sa prochaine Université d'été de Barcelone en septembre prochain.

Contact : www.freref.eu)]