Enquête : en réorientation, "la rupture est d'autant plus réussie qu'elle est totale"

Dans l'attente de son rapport, le groupe de travail sur l'orientation a rendu public le 12 janvier le résultat d'une large consultation sur l'orientation scolaire et professionnelle, qui sera d'ailleurs intégrée au rapport.

Par - Le 16 janvier 2009.

Experts, représentants d'institutions, mais aussi collégiens, lycéens, parents d'élèves et salariés ont été consultés via le site internet du COE (www.coe.gouv.fr.) entre le 3 novembre et le 19 décembre 2008. Témoignages, ressentis, expériences personnelles, constituent la matière première de cette consultation. Trois forums ont été ouverts : un destiné à l'orientation dans l'emploi, un autre aux scolaires et à leurs parents, ainsi qu'à la communauté éducative, et le troisième à l'enseignement supérieur. Soit au total 27 000 consultations, pour un peu plus de 450 contributions.

La réorientation, “un risque non négligeable"

Entre l'approche psychologique qui, parfois, privilégie trop les goûts et les compétences personnels, la position “adéquationniste", qui met en relation individu et emploi à pourvoir, et l'approche “intermédiaire", alliant données personnelles et contraintes économiques, les internautes plébiscitent massivement la troisième voie – qui se trouve être la plus rare, en termes de services.

Les contributions concernant le Cif sont nombreuses, bien qu'environ seulement 35 000 salariés en CDI partent chaque année, sur 19 millions de salariés potentiellement concernés. Elles sont dans l'ensemble très positives, et considèrent le Cif comme un outil très utile pour réussir une reconversion en cours de carrière. Qu'il s'agisse de changer radicalement de métier ou de poursuivre une trajectoire professionnelle, les contributeurs insistent sur “la nécessité d'un vrai investissement personnel pour déterminer ses choix, construire son projet, élaborer les dossiers, suivre les formations".

Mais attention, préviennent certains internautes, aux possibles chausse-trappes au retour dans l'entreprise si le Cif est compris comme un manque de motivation pour le poste occupé, surtout à un certain niveau hiérarchique. D'où l'importance de bien préparer son Cif, si l'on souhaite la reconnaissance de ses nouvelles compétences dans l'entreprise. Trouver un emploi en dehors n'est pas non plus sans difficulté : la candidature d'une personne ayant changé d'orientation peut être perçue comme de l'instabilité. “Du point de vue des salariés, la rupture est d'autant plus réussie qu'elle est totale : nouvelles compétences, nouveau métier, nouvelle entreprise", précise la synthèse. Le Cif est néanmoins critiqué pour l'absence de suivi pendant et après la formation, en termes de placement.

L'Afpa fait l'objet aussi de nombreuses contributions, mais le fait qu'elle soit à la fois prescriptrice et offreuse peut engendrer le soupçon. L'âge (au-delà de 45 ans), le manque d'expérience apparaissent aussi comme handicapants, car ils placent les personnes reconverties en concurrence avec d'autres, à la fois plus jeunes et expérimentées.

Depuis que cette enquête a été close, l'Ani du 7 janvier propose pour les demandeurs d'emploi une forme de réorientation plus courte dotée d'une formation qualifiante longue (400 heures), attachée à une promesse d'embauche : la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) (voir p. 20). Quant aux fonds du Cif, ceux-ci devront contribuer, à travers le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, à l'émergence de cette nouvelle forme de réorientation professionnelle qui risque de se multiplier en ces temps de crise.

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Les jeunes en formation initiale demandent “plus de souplesse et de suivi"

Faut-il choisir une filière de formation ou un métier à quatorze ans parce que ses résultats scolaires sont insuffisants ? Les conseillers d'orientation suffisent-ils à procurer cette information en termes d'adéquation entre aptitudes personnelles et opportunités d'emploi ? Les constats des collégiens et des lycéens qui ont répondu à l'enquête du COE sont sévères.

Sommés d'opérer des choix d'orientation trop jeunes, ceux-ci ont exprimé le souhait que “la pratique des stages s'intensifie au collège et au lycée". Certains parents d'élèves et lycéens demandent que l'orientation fasse pleinement partie des programmes et l'objet d'un suivi régulier, avec des bilans individualisés périodiques. Les contacts, les échanges et les visites avec le monde de l'entreprise, type opérations “portes ouvertes", devraient être multipliés.

Les étudiants évoquent leurs difficultés à trouver des informations pertinentes sur les filières et sur leurs débouchés. Difficile de s'y retrouver avec le foisonnement des formations. Une conseillère d'orientation professionnelle évoque pour la France : “500 licences, 1 500 licences professionnelles, 5 500 masters professionnels." Qui plus est, l'Université est souvent présentée comme “un choix par défaut, voire comme une erreur d'aiguillage, qui parfois n'offre aucun débouché, et conduit au chômage ou oblige à se réorienter".

La nécessité de bâtir soi-même un vrai projet est vécue comme une tâche compliquée réclamant des soutiens : “J'ai été suffisamment informée. Le problème a été de faire la part des choses entre toutes les informations. Dans ce travail d'orientation il n'y a pas que de l'information, mais tout un travail à faire sur soi, qui devrait, me semble-t-il, être accompagné par un coach", résume un internaute. Les contributeurs proposent aussi que les Universités, comme le font les Écoles de commerce, se préoccupent davantage des débouchés professionnels des étudiants et de la valorisation des diplômes auprès des entreprises.
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