Contre la crise, la formation continue
La formation est fortement sollicitée pour gérer les effets de la crise actuelle. Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ont mis en place le “fonds social d'urgence" et le Fiso[[Fonds d'intervention sociale]], mais Régions, Opca, entreprises et organismes de formation se mobilisent aussi pour trouver des solutions adaptées et préparer salariés et entreprises à repartir du bon pied dès la sortie de la zone de turbulences.
Par Centre Inffo - Le 16 juin 2009.
Les propositions anticrise des organismes de formation
Les organismes de formation observent des réactions à la crise contrastées dans leurs entreprises clientes et leur proposent une offre anticrise qui doit leur permettre de disposer d'un maximum d'atouts quand les affaires reprendront.
“Qualitativement, nous ne remarquons pas de modifications substantielles des besoins en formation des entreprises. Un plan de formation est un processus long, et les actions mises en œuvre actuellement ont été arrêtées en 2008", explique Xavier Eudes, directeur général de l'Afei[Activités de formation, d'études et d'innovation : [www.afei.fr[/footnote]. Cependant, observe Emmanuelle Soummer, directrice formation d'Édition formation entreprise (EFE[ 1 ]www.efe.fr), “la formation fait partie des domaines que l'on a tendance à négliger dans les entreprises en cas de restrictions budgétaires". Lesquelles poussent aussi à opter pour des reports à court terme, voire des annulations pures et simples de formations – en attendant que les choses redémarrent.
“Lors du déclenchement de la crise des subprimes, nous avons lancé une offre spécifique pour le secteur bancaire. Cette situation de crise s'étant étendue à tout le système économique, nous avons jugé opportun de construire une offre globale dédiée à la crise", explique Emmanuelle Soummer. Cette offre, avec plus de 120 actions proposées, doit “aider les salariés à réagir et à trouver de nouvelles compétences en réponse à la conjoncture". Une sorte de boîte à outils permettant de “rester en phase avec le marché et sortir de la crise".
Quant au groupe Demos[ 2 ]www.demos.fr, il a lancé fin 2008 une “solution anticrise". Il s'agit d'une “offre de conseil déclinée en offre de formation", précise Marion Emin, project manager chez Demos consulting. Les entreprises disposent de trois modalités complémentaires : conseil, formation et coaching. L'objectif étant “de les aider à élaborer les stratégies optimales de sortie de crise et de les accompagner dans leur mise en œuvre". Également proposés aux dirigeants, des ateliers de réflexion stratégiques avec un module “Gestion stratégique des compétences" s'inscrivant dans une stratégie efficace de sortie de crise.
Même objectif pour la Cegos[ 3 ]www.cegos.fr, qui a lancé début février son premier catalogue d'offres anticrise, constitué de 80 modules, dont une vingtaine liés à la gestion : “Manager en temps de crise", “Prévenir et traiter les difficultés financières de son entreprise", ou encore celle-ci, au titre provocateur : “Tirez parti de la crise pour vendre plus."
Autre exemple : le “Pack formation anticrise" d'Evaluant training[ 4 ]www.evaluant-training.com entend répondre aux salariés qui souhaitent renforcer leurs compétences pour mieux rebondir à la sortie de la crise. Formatées pour être suivies dans le cadre du Dif, des formations très courtes et ciblées visent à permettre au salarié d'être plus compétitif quand le démarrage économique s'amorcera.
Knock Billy
[(L'ENGAGEMENT DES OPCAL'Agefos-PME a créé un “fonds d'amorçage" de 12 millions d'euros destiné à accompagner les entreprises les plus fragiles dans la formation de leurs salariés. Cette enveloppe devrait être abondée par les Régions et pourrait ainsi atteindre 60 millions d'euros. De même, Opcalia Île-de-France a dégagé une enveloppe de 2,5 millions d'euros destinée à aider les entreprises franciliennes à faire face à la crise : financement d'actions de formation pour les salariés en situation de chômage partiel, prise en charge de formations pour les PME et TPE en difficulté, sélection d'une offre de formation “anticrise", et enquête auprès des entreprises franciliennes adhérentes à l'Opca pour évaluer l'impact de la crise en termes de RH.)]
Les initiatives régionales
Le président du Conseil régional d'Alsace, Adrien Zeller, a signé le 25 mai la première convention d'“aide d'urgence à la formation des salariés en chômage partiel pour le maintien et le développement des compétences professionnelles en Alsace" avec Lhor Industrie, un groupe spécialisé dans la conception et la réalisation de transports. Les 60 000 euros alloués vont permettre de former 281 salariés afin de renforcer leurs compétences ou de les aider à se reconvertir.
Face à la crise (chômage en hausse de 28,5 % en un an et baisse des offres d'emploi de plus de 42 %), le Conseil régional des Pays de la Loire a lancé le 15 mai un plan visant à renforcer ses dispositifs de formation avec 120 parcours supplémentaires de formation à destination des demandeurs d'emploi, 100 pour les licenciés économiques et 30 places par module dans les formations d'aides-soignants, le tout correspondant à un budget complémentaire de 900 000 euros.
Le Conseil régional de Midi-Pyrénées a pour sa part décidé le 7 mai dernier de créer un fonds pour la formation des salariés en chômage partiel, nommé “Qualification plus", alimenté par la Région à hauteur de 2 millions d'euros à parité avec l'État, et les Opca seront également financeurs.
Un “protocole interprofessionnel pour une expérimentation franc-comtoise en faveur des salariés et des entreprises impactés par la crise" a été signé le 5 mai par le Conseil régional de Franche-Comté, l'État et les partenaires sociaux. Afin d'anticiper sur la reprise d'activité, le dispositif a pour objectif de former les salariés des PME-PMI tout en maintenant leur contrat de travail et l'intégralité de leur rémunération. “L'idée de demander aux Opca de procéder à des suppléments de salaires est une expérimentation innovante", a commenté la présidente du Conseil régional, Marie-Guite Dufay. Pour les salariés en chômage partiel, la Région peut aussi accompagner individuellement les salariés dans le cadre du dispositif “Compétences plus". Cette mesure permet aux salariés victimes du chômage partiel d'accéder à un dispositif d'accueil, d'orientation et de formation à activer lors du chômage forcé.
L'État, le Conseil régional d'Île-de-France, le Medef, la CGPME, l'Union professionnelle artisanale, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont signé le 16 avril un “accord sur la sécurisation des parcours professionnels et la consolidation de l'emploi", notamment pour appuyer et accompagner les Franciliens victimes de la crise, quel que soit leur statut, en privilégiant leur maintien en emploi ou, à défaut, en favorisant leur retour rapide et durable à l'emploi, via la formation. Ce fonds sera doté au niveau national de 200 millions d'euros en 2009, et 900 millions en 2010. L'État apporte 40 millions pour 2009, la Région 10 millions d'euros. Entre 100 et 150 000 salariés franciliens pourraient être concernés.
Le Conseil régional de Lorraine a lancé en février 2009 le dispositif d'accompagnement Dila, afin d'aider les PME-TPE pendant la crise. Au 25 mai, la plateforme d'appels chargée d'expliquer aux entreprises l'arsenal de mesures à leur disposition avait contacté 1 850 entreprises, dont 20 % actuellement engagées dans un projet (voir dans ce numéro, p. 25).
Le Conseil régional de Bretagne, enfin, a mis en place un plan de relance spécial formation pour faire face à la crise, doté d'un budget de 15 millions d'euros, afin “d'aider les publics les plus touchés à trouver une orientation, un nouveau métier, une qualification qui les conduisent vers une réinsertion durable dans l'emploi".
Patricia Gautier-Moulin
[( Questions à Isabelle Kucharski, directrice des ressources humaines de B&B Hôtels“Crise ou pas, réduire le budget formation serait une contre-action économique"
Le budget formation de B&B Hôtels va-t-il souffrir de la crise ?
Les plans de formation étant juridiquement arrêtés en fin d'année par la commission formation du comité d'entreprise, leur mise en œuvre ne souffre pas des effets de la crise.
Il ne semble pas concevable de faire marche arrière dans leur exécution.
Réduire le budget formation actuellement serait se mettre en porte-à-faux aussi bien par rapport à la concurrence qu'à la motivation des collaborateurs. S'il avait fallu faire un choix, le budget formation aurait été déterminé comme prioritaire, parce qu'il permet aux collaborateurs de pouvoir se projeter professionnellement.
Mais au-delà, quel rôle assignez-vous à la formation ?
On ne peut pas relancer l'économie sans le social ! La formation peut éventuellement servir à compenser des reports d'augmentation salariale, si et seulement si, les actions de formation sont porteuses de valeur ajoutée en termes de conditions de travail, de bien-être professionnel ou d'amélioration technique ou technologique.
Cette année, nous mettrons l'accent sur des actions de renforcement des relations, d'une part, de nos collaborateurs avec les clients et d'autre part, de celles de nos managers avec leurs collaborateurs. Ainsi, nous pourrons consolider notre image externe – vis-à-vis des clients – tout comme à l'interne – vis-à-vis des collaborateurs. Il s'agit pour nous de nous démarquer de nos concurrents sur ces deux points, ce qui nous permettra, à la sortie de la crise, de disposer d'une avancée significative pour projeter les futures formations tandis que les autres entreprises auront à coup sûr des retards à rattraper à la reprise des activités.
Propos recueillis par Knock Billy )]
Notes
1. | ↑ | www.efe.fr |
2. | ↑ | www.demos.fr |
3. | ↑ | www.cegos.fr |
4. | ↑ | www.evaluant-training.com |