Le philosophe Yves Michaud éclaire les “paradoxes de la formation"

Quelle relation entre formation initiale et formation continue ? Quelle relation entre conjoncture économique et désirs individuels ? Une information à la fois indispensable et pléthorique ; des formations à un métier identifiable ou le choix d'une ouverture aux dimensions culturelles de l'activité professionnelle. Autant de sources de paradoxes et de contradictions analysées par le philosophe Yves Michaud, lors de la conférence inaugurale de la 11e UHFP.

Par - Le 01 mars 2010.

Des paradoxes “ni anecdotiques ni susceptibles de disparaître d'un coup de baguette magique, selon Yves Michaud. Prendre conscience de cette situation ne fait pas disparaître les problèmes", mais “permet d'éviter les aveuglements, certaines erreurs et les fausses solutions".

Le philosophe passe ensuite en revue les différents paradoxes de la formation. À commencer par “le paradoxe de la relation entre formation initiale et formation continue, surtout dans un pays comme le nôtre qui mise tout ou presque sur la formation initiale, alors que l'idée d'une carrière une et régulière est devenue problématique, sauf pour quelques privilégiés".

Yves Michaud pointe dans un second temps “le paradoxe de la relation entre conjoncture économique et désirs individuels". Certes, “les individus cherchent de plus en plus leur accomplissement personnel dans une aventure individuelle", mais simultanément “cet accomplissement est non seulement conditionné, mais limité par la conjoncture économique".

Troisième paradoxe, celui de la formation “tout au long de la vie". Une idée “on ne peut plus attrayante et estimable mais qui doit compter avec les changements de la personne au fil de l'âge", remarque le philosophe. Car “on ne peut pas réorienter une carrière à 55 ans comme on le fait à 35. Il y a des étapes et des seuils qui créent des différences, ajoute-t-il. Il y a un âge de la formation, un âge des recommencements, on peut se tromper et se réorienter. Puis l'âge des rebonds pour aller plus loin, plus haut'.

Autre paradoxe, celui de l'information. À la fois clef de toute réussite au sens où il suffit, en principe, de trouver la bonne orientation en identifiant toutes les possibilités, en termes d'offres, d'organismes, de modalités. Simultanément, la recherche d'information est “elle-même coûteuse en temps et, plus encore, en sécurité psychologique. Nous n'avons pas le temps de tout rechercher ni forcément envie de procéder aux remises en cause que l'information implique", observe Yves Michaud.

Sans oublier le paradoxe de la flexibilité, prisée par les jeunes générations, selon le philosophe. Celle-ci est peut-être “indispensable dans un monde qui évolue", mais “sa transformation en slogan lui donne une importance démesurée et autorise des pratiques finalement contre-productives, parce qu'elles engendrent stress et insécurité", argumente le philosophe.

Dans la ligne de ce dernier paradoxe, s'en annonce un autre entre formation à un métier identifiable et formation plus ouverte et plus flexible, ouverte aux dimensions culturelles de l'activité professionnelle. Souvent, les travailleurs ont moins besoin de simples compétences techniques que de capacités à s'orienter dans le monde contemporain au moyen d'une culture ouverte. Sauf que cette ouverture n'est pas immédiatement “rentable" et sa valeur ajoutée difficilement mesurable.

Ultime paradoxe enfin, celui de “la contradiction latente entre les intérêts de ceux qui se forment et les intérêts de ceux qui forment et de ceux qui financent les formations". Si la formation est un marché et un service, “ce marché et ce service ne profitent pas seulement qu'à ceux qui se forment : ils sont aussi cruciaux pour toute une population d'acteurs de la formation et pour ceux qui financent les formations", assure Yves Michaud.

Ces paradoxes “sont au cœur des métiers de la formation et engendrent un certain nombre de contradictions que l'on s'efforce de surmonter, de contourner ou de circonscrire". Sans prétendre proposer un remède universel pour venir à bout de ces problèmes, Yves Michaud préconise des solutions “juste assez bonnes" qui valent mieux que de grands principes inopérants.