L'“orientation tout au long de la vie", cette inconnue
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 mai 2011.
“Il n'y a pas de formation tout au long de la vie sans orientation tout au long de la vie !", a martelé Philippe Meirieu, président délégué du Prao (Pôle Rhône-Alpes de l'orientation) ) et vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes, à l'occasion des 5es Rencontres régionales des professionnels de l'orientation tout au long de la vie, qui se sont tenues à Lyon le 21 avril (voir aussi notre article).
Bien que faisant désormais partie intégrante du paysage institutionnel français, cette orientation tout au long de la vie demeure encore méconnue. “Cette question n'a pas été réellement prise au sérieux", a regretté l'élu régional, qui a par ailleurs déploré de voir de plus en plus se développer une conception “mécanique" de l'orientation.
Contre un “déterminisme" de l'orientation
“Les solutions actuellement mises en place par les acteurs de l'orientation sont fondées sur un couple diagnostic-prescription, extrêmement technique, fondé sur des questionnaires, et qui ne prend absolument pas en question le développement de la personne et la manière que cette dernière a d'appréhender son parcours professionnel, a estimé Philippe Meirieu. Cette attitude mécaniste n'a, par ailleurs, rien de révolutionnaire, puisqu'il s'agit d'un concept qui existait déjà aux débuts du XXe siècle, lorsque les pouvoirs publics ont commencé à s'intéresser à l'orientation professionnelle." Or, “une telle vision de l'orientation abolit les notions de parcours et de projet. La personne orientable n'est plus qu'un individu obéissant aveuglément à des règles qui lui échappent".
Pour Philippe Meirieu, ce déterminisme de l'orientation, qui vise à enfermer les personnes dans des grilles en fonction de leur formation initiale et de leurs compétences acquises dans le passé, relève quasiment de l'irrationnel ! “Orienter selon ces schémas revient presque à prendre en compte le signe zodiacal de chaque individu pour repérer son destin potentiel dont il ne pourra jamais dévier, a ironisé cet universitaire. À l'heure de la science triomphante, ce n'est pas très sérieux !"
“Une orientation réussie s'effectue en trois étapes"
Selon le vice-président du Conseil régional, les mutations économiques et sociologiques de la société française ont pour conséquence de ne plus envisager l'orientation comme un début de parcours, mais comme une trajectoire qui balisera chaque instant de la vie. “Une orientation réussie s'effectue en trois étapes, a-t-il précisé. L'accueil est le point le plus important. Il ne s'improvise pas et ne consiste pas qu'à recevoir des gens dans un bureau. C'est l'étape fondamentale du parcours de l'orientation." Viennent ensuite la formalisation des besoins et, enfin, la régulation de ces derniers en vue d'offrir la formation la plus adaptée non seulement à l'individu, mais aussi au tissu économique local. “Tout est question de choix, mais dans ce cas, nous travaillons sur des paradoxes : personne ne sait si son choix sera le bon avant qu'il n'ait eu l'occasion de l'effectuer et d'en assumer les conséquences. Or, parfois, cette liberté peut effrayer et certaines personnes se sentent plus rassurées lorsque leur orientation est effectuée de manière mécanique, selon des grilles et des tableaux", a-t-il regretté.
Ne pas créer de “métastructures"
Il n'en demeure pas moins qu'à ses yeux, la formation et l'orientation tout au long de la vie comportent des exigences relevant du politique : “Un vrai service public de l'orientation exige une solidarité complète entre tous les acteurs de la cité, a-t-il souligné, la mutualisation entre l'État, les Régions et le tissu associatif local sont essentiels. Il nous faut développer des partenariats multipartites entre ces entités, sans qu'ils ne soient trop formels non plus car, en ce cas, ils se transforment en métastructures institutionnelles qui ne disposent que de peu de marge de manœuvre pour appliquer les actions décidées."
Davantage que tout, le service public de l'orientation doit, selon les termes de l'élu régional, reposer sur un maillage de terrain, au plus près des territoires, de leurs ressources et de leurs besoins. “Le service public de l'orientation doit rester le tisserand de cette dentelle territoriale", a-t-il conclu.