Désormais, les entreprises peuvent missionner des tuteurs intérimaires
Par Knock Billy - Le 16 avril 2013.
L'accord sur le tutorat intérimaire a été étendu. À présent, les entreprises ne disposant pas
en interne de salariés aux compétences pédagogiques requises pour faire office de tuteur
peuvent accéder au tutorat grâce au recours à un salarié intéri maire. Explications.
Le Prisme (Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi), organisation d'employeurs qui revendique plus de 600 entreprises adhérentes, s'est récemment félicité de l'extension (par un arrêté du 28 février) de l'accord sur le tutorat intérimaire qu'il avait conclu le 13 juin 2012 avec deux organisations syndicales (CFE-CGC et Usi-CGT).
Selon Arnaud de la Tour, président du Prisme, “le tutorat intérimaire
représente une nouvelle opportunité pour les entreprises, notamment les PME, où les effectifs réduits ne permettent pas d'affecter des personnes en production à des fonctions de tuteur. Elles peuvent ainsi se doter des compétences d'un professionnel expérimenté, formé à la fonction tutorale, qui pourra assurer une mission d'accompagnement de qualité". Une démarche qui valorise aussi les expériences variées des salariés intérimaires expérimentés, ouvre de nouvelles perspectives de diversification des parcours et peut contribuer au maintien dans l'emploi des seniors.
Le contrat de tutorat intérimaire
Le contrat de tutorat intérimaire est conclu entre l'agence d'emploi, le salarié intérimaire tuteur et l'entreprise utilisatrice. Volontaire pour exercer sa mission tutorale, le tuteur bénéficie d'une formation obligatoire lui permettant d'acquérir les compétences pédagogiques nécessaires pour transmettre ses savoirs. Il bénéficie d'un crédit d'heures supplémentaires dans le cadre du droit individuel à la formation (Dif ), à raison de deux heures de Dif pour 150 heures travaillées en mission tutorale, et d'un droit à 35 heures de formation professionnelle spécifique tous les trois ans afin d'améliorer sa qualification et favoriser son parcours professionnel.
Salarié intérimaire ou permanent de l'entreprise utilisatrice, le tutoré bénéficie de l'expérience de son tuteur dans le cadre de son
intégration dans l'entreprise, sur un nouveau site ou poste. S'il est déjà en poste, il peut bénéficier d'un tuteur dans le cadre d'actions de développement de ses compétences, ou de formations relevant des dispositifs de professionnalisation du travail temporaire.
POUR DE NOMBREUX JEUNES, L'INTÉRIM EST UN FACILITATEUR
D'ACCÈS À L'EMPLOI, MAIS AUSSI À LA FORMATION
La perception générale des jeunes sur la situation de l'emploi en France est maussade. L'inquiétude des jeunes grandit et avec elle, une vision dégradée du marché du travail.
C'est ce que révèle le baromètre Prisme-OpinionWay “Les jeunes et l'emploi" [ 1 ]Sondage réalisé sur un échantillon représentatif de 1 010 jeunes Français âgés de moins de 26 ans interrogés en ligne du 19 au 28 décembre 2012., rendu public le 18 mars dernier. En effet, seuls 18 % des jeunes interrogés sont optimistes.
Pour ceux qui en ont fait l'expérience, l'intérim est un “facilitateur d'accès à l'emploi". 54 % d'entre eux déclarent qu'il “permet d'accéder à un emploi rapidement". 39 % estiment qu'il est ensuite un “moyen de ne pas rester inactif durant la recherche d'emploi", et 33 %
y ont trouvé l'“opportunité d'acquérir une première expérience professionnelle". Trois jeunes interrogés sur quatre (73 %) pensent que l'intérim peut leur offrir l'occasion de se former.
INTÉRIM : DES FORMATIONS TRÈS COURTES EN DÉPITDE DISPOSITIFS IMPORTANTS
Aujourd'hui, 2 millions de personnes réalisent au moins une mission d'intérim au cours d'une année. Rachid Belkacem, du Groupe de recherche sur l'éducation et l'emploi (GREE) de l'Université de Nancy-II, s'est interrogé sur la question de la formation des intérimaires, au centre d'une relation triangulaire entre une entreprise
d'intérim (ETT) et une entreprise utilisatrice (EU).
Déqualification ?
Cette interrogation apparaissait cruciale au regard de données publiées par la profession : sur les 638 000 intérimaires en équivalents temps plein en 2007, plus de deux sur trois étaient
dans des situations de chômage ou d'inactivité. Quatre ans plus tard, en 2011, le nombre total d'intérimaires était descendu à 576 000 équivalents temps plein. 77 % étant des ouvriers, dont 36 % sans qualification. Un intérimaire sur quatre a moins de 25 ans. Leur temps dans l'intérim tend à s'allonger (20 % étant intérimaires depuis dix ans et un sur trois depuis plus de six ans). Par ailleurs, les durées
de mission diminuent tendanciellement depuis les années 70 (un peu moins de deux semaines aujourd'hui contre quatre semaines alors). Rachid Belkacem assure qu'aujourd'hui, dans un certain nombre de cas, l'intérim produit une déqualification de la personne.
Reprenant ainsi l'analyse du sociologue Dominique Glayman [ 2 ]L'intérim, La découverte, 2007. : “Les missions sont souvent loin de correspondre à la qualification [des personnes]. Beaucoup de jeunes occupent ainsi des emplois inférieurs à ce que justifieraient leur formation et leurs diplômes. Ils paient un triple prix pour leur inexpérience : un déficit financier en termes de revenus, un faible intérêt du travail et une perte d'opportunité en apprentissage."
Pour être immédiatement opérationnel...
En 1983, cette branche s'est dotée d'un fonds d'assurance formation et, depuis cette époque, le cadre institutionnel de la formation est négocié entre les partenaires sociaux. L'intérim s'est approprié des dispositifs de formation de droit commun (notamment la formation en alternance) en les adaptant, puis a élaboré les siens. À partir de 1984, les dépenses réalisées pour la formation ont continuellement augmenté, les grandes ETT ayant également développé leur propre programme de formation. Ce cadre est à l'origine de la croissance du nombre d'actions de formation et de la dépense financière.
Depuis 2002, certains grands groupes du travail temporaire proposent des formations courtes, de trois jours à trois semaines. L'objectif est d'adapter le plus rapidement possible les intérimaires aux postes de travail proposés dans les missions. Ces formations consistent à se perfectionner avant une mission ou entre deux missions, à apprendre une nouvelle technique ou à acquérir des nouvelles connaissances, etc. En revanche, le contrat bilan de
compétences et la validation des acquis de l'expérience (VAE) apparaissent très marginaux et concernent surtout les intérimaires les plus anciens dans l'activité.
Pas de logique de fidélisation
La dégradation de la conjoncture économique à partir de 2008 a eu des effets extrêmement négatifs sur les pratiques de formation. Les dernières enquêtes réalisées par BVA pour l'observatoire du travail temporaire (qui, depuis 2009, s'appelle l'Observatoire des métiers et de l'emploi) indiquent un léger recul du nombre de formations réalisées en 2008, comparé à 2006. Puis une augmentation en 2010. Les plans de formation sont passés de 160 millions d'euros à 180 millions entre 2005 et 2007.
Pour Rachid Belkacem, “sans doute, les définitions de la formation utilisées par les intérimaires et par les ETT ne recouvrent pas les mêmes réalités. La difficulté des actions de formation dans l'intérim peut s'expliquer par le caractère hétérogène de la population de travailleurs intérimaires du point de vue surtout des motifs de passage par l'intérim qui sont très variés". Ce qui signifie que l'intérim est souvent perçu comme transitoire dans un itinéraire professionnel. Il implique des formations de courte durée par les ETT qui ne sont pas dans une logique de fidélisation.
Claire Padych
“TRAJECTOIRE ET DEVENIR DE 5 000 INTÉRIMAIRES"
Une étude réalisée par l'OME (Observatoire des métiers et de l'emploi), intitulée “Trajectoire et devenir de 5 000 intérimaires", avec pour objectif le suivi d'une cohorte d'intérimaires de mars 2009 à décembre 2010, permet d'avoir connaissance de leur évolution sur le marché de l'emploi. “Elle met en exergue notamment le rôle intégrateur de l'intérim, tremplin vers l'emploi durable, ainsi que l'opportunité pour les intérimaires d'accéder à la formation : 48 % des
intérimaires ont bénéficié d'une action de formation", nous indique François Roux, le délégué général du Prisme.
Notes
1. | ↑ | Sondage réalisé sur un échantillon représentatif de 1 010 jeunes Français âgés de moins de 26 ans interrogés en ligne du 19 au 28 décembre 2012 |
2. | ↑ | L'intérim, La découverte, 2007. |