Nouvelle-Calédonie : le “plan stratégique 2013-2017"
Par Philippe Grandin - Le 16 juin 2013.
L'enjeu majeur de la formation professionnelle continue (FPC) en Nouvelle-Calédonie est d'assurer l'adéquation entre les attentes des individus et les besoins en compétences des entreprises calédoniennes. Cet enjeu est décliné dans un “plan stratégique" à cinq ans, qui comprend trois programmes, dont “Former pour l'emploi".
Le gouvernement de Nouvelle- Calédonie et le Comité consultatif de la formation professionnelle ont à présent validé le document d'orientation 2013-2017 relatif au secteur de la FPC. Une nouvelle stratégie élaborée par étapes, ces trois dernières années. Récit, avec Pierre- Henri Charles, directeur de la formation professionnelle continue (DFPC).
En mars 2010, rappelle-t-il, un rapport de la Chambre territoriale des comptes émettait des recommandations à partir de l'analyse de la gestion du dispositif néo-calédonien de formation continue. En parallèle, le gouvernement organisait des “États généraux de la formation professionnelle", de mars à septembre 2010, qui se sont également traduits par des “recommandations d'évolution". En complément de ce travail, et en lien avec la mise en place du “Plan de performance des politiques publiques", “le gouvernement a missionné le cabinet Amnyos pour l'évaluation de la politique de formation professionnelle", indique le DFPC. Un rapport produit en septembre 2011. Le mois suivant, le gouvernement initiait un “diagnostic partagé" (avec les partenaires sociaux, les collectivités provinciales, les structures de formation, d'insertion et de placement) sur trois thématiques : apprentissage, formation professionnelle, et insertion par le travail.
Dispositifs hétérogènes, acteurs faiblement coordonnés
“Ces différents audits et rapports ont conduit à l'élaboration du document d'orientation, qui reprend les points forts, mais aussi les points faibles de notre dispositif de formation", précise Pierre-Henri Charles. Concernant ces derniers, ces analyses relèvent que de multiples dispositifs hétérogènes sont mis en oeuvre par divers acteurs faiblement coordonnés. Il en résulte une extrême complexité de l'itinéraire, qui conduit un stagiaire depuis le stade d'une première information sur les possibilités de formation (principalement sous la responsabilité du réseau des conseillers en information et insertion professionnelle - CIIP) jusqu'à celui de l'insertion professionnelle au terme de la formation (dont le suivi est assuré par la DFPC et l'Institut pour le développement des compétences en Nouvelle-Calédonie - IDC-NC), après être passé par l'orientation, la sélection et la prescription (sous la responsabilité de l'IDC-NC) et en fonction de la commande de formation (défi nie par la DFPC)
“Les taux de déperdition au long de cette trajectoire sont importants", note le document d'orientation. Autre point de faiblesse : “Quelques grands établissements publics de formations généralistes
tendent à faire dominer une logique de l'offre de formation dotée d'une forte inertie, ce qui polarise les préoccupations sur les problèmes de remplissage des formations."
Pénurie de main-d'œuvre
“Nos nouvelles orientations prennent appui sur les effets de la première réforme du dispositif de formation professionnelle continue, mise en œuvre en 2003-2004 et qui a pris fi n en 2012, reprend le DFPC. Dans le cadre de cette réforme, nous sommes passés d'une logique d'offre de formation à une logique de commande publique, aujourd'hui satisfaite localement à 60/70 %. Pour cela, nous nous sommes interrogés sur les compétences dont avait besoin le marché du travail. D'ailleurs, un Observatoire de l'emploi et des qualifications a été mis en place pour mener des études sectorielles auprès des entreprises." Dans la mesure où les jeunes sortis du système scolaire sans qualification et sans emploi constituent le public cible du dispositif de FPC, ce dernier confère une large place à l'orientation et à l'employabilité. “À partir des attentes des individus et de celles des entreprises, il s'agit de faire en sorte que la formation assure la transition entre les deux."
Ces attentes reflètent une situation paradoxale propre à la Nouvelle- Calédonie : la coexistence d'une pénurie généralisée de main-d'œuvre et d'un processus de marginalisation ou d'exclusion du marché du travail menaçant certaines fractions de sa population.
Trois programmes
Au regard de cette problématique, les actions à mener dans le cadre du “plan stratégique 2013-2017" ont été structurées en trois programmes : “Accueillir, informer, orienter et accompagner" (programme 1) ; “Former pour l'emploi" (programme 2) ; et “Animer et piloter la politique de FPC" (programme 3).
“Le programme 1 entend prendre en compte l'attente des différents publics : personnes sorties du système scolaire sans qualification, public qualifié ne correspondant pas aux besoins spécifiques des entreprises (avec le cas des femmes), salariés à faire monter en compétences en raison de fortes évolutions technologiques ou commerciales, précise Pierre-Henri Charles. Aujourd'hui, nous avons des entreprises qui recherchent, pour la tenue de postes, des niveaux IV et III, en particulier dans le domaine de la maintenance et de l'industrie, et face à elles, un public insuffisamment qualifié."
Le “réseau de l'insertion et de la formation"
Dans le programme [ 1 ]Cf. L'Inffo n° 832, p. 28., l'IDC-NC remplit une nouvelle mission1, celle d'information et de promotion des métiers et de la formation auprès des “primo accueillants" que sont les conseillers en insertion professionnelle (CIP), les agents communaux et les structures d'orientation initiale et continue (ils constituent le réseau de l'insertion et de la formation - RIF). Un portail emploi- formation, opérationnel depuis août 2012, vient en appui de cette mission. Il permet d'informer sur les métiers, le marché de l'emploi, l'ensemble des dispositifs de formation et les aides. À vocation interactive, il intègre une fonction de dialogue entre le public et le réseau RIF ouvrant la
possibilité d'une prise de rendez-vous en ligne. À terme, il pourra faciliter une prescription en ligne sur une action de formation.
Guider les femmes vers les métiers dits masculins
Dans le programme 2, l'attention a été attirée sur la place des femmes en termes de qualification, rémunération et secteur d'activité. La Nouvelle-Calédonie dispose d'une main-d'oeuvre féminine qualifiée
(dans le secteur tertiaire), mais sousutilisée dans les secteurs en tension. “Plusieurs campagnes de communication ont été mises en place depuis 2008 pour sensibiliser et attirer le public féminin sur les métiers et les formations identifiés comme en forte tension sur le marché de travail (maintenance industrielle, conduite d'engins...), indique Pierre-Henri Charles. Il est important de maintenir l'effort engagé et de toujours sensibiliser l'ensemble des autres acteurs (formateurs, service de l'emploi, primo accueillants, agents communaux, etc.) à la démarche pour qu'ils changent de regard et d'approche, et qu'ils puissent guider les femmes vers les métiers dits masculins et ce, sans a priori."
Fonds paritaire : en janvier 2014
Parallèlement, qu'en est-il du projet de Fonds paritaire ? Au début de cette année 2013, les partenaires sociaux se sont entendus pour aboutir à un accord interprofessionnel relatif à la création d'un Fonds de formation interprofessionnel et une mise en œuvre de cet accord au 1er janvier 2014. Les discussions entre organisations patronales et syndicales, qui avaient débuté en octobre 2011 suite à la signature d'un protocole d'accord, se poursuivent dans cette perspective. La création de ce Fonds apparaît comme un élément important de la restructuration du dispositif de formation.
Il existe en Nouvelle Calédonie 49 000 entreprises, dont 43 000 sont des entreprises artisanales (3 % des entreprises ont plus de 10 salariés). Ce Fonds paritaire aura donc pour vocation de permettre aux TPE de bénéficier de plans de formation. Dans les entreprises d'extraction de nickel, la maintenance des engins fait l'objet d'une sous-traitance. “La formation des futurs salariés des sous-traitants s'avère nécessaire. Le Fonds leur permettra de démultiplier leurs efforts", assure le directeur de la formation professionnelle continue.
Notes
1. | ↑ | Cf. L'Inffo n° 832, p. 28. |