Les partenaires sociaux entre “inquiétude" et “indignation"
Par Béatrice Delamer - Le 01 octobre 2009.
Les syndicats ont vivement réagi au texte adopté par les sénateurs. Ils s'insurgent notamment des conventions prévues entre l'État et le FPSPP, ainsi que de la “recentralisation" de la formation.
Stéphane Lardy (FO) : “Inquiet et en colère"
Au lendemain du vote des sénateurs, Stéphane Lardy, responsable formation confédéral de Force ouvrière (FO), estimant que la loi marque “une recentralisation de la formation professionnelle", se dit “très inquiet et en colère". Il s'élève contre la convention triennale d'objectifs et de moyens conclue entre chaque Opca et l'État, considérant qu'il s'agit “d'une défiance généralisée du paritarisme et à limite humiliante pour les partenaires sociaux qui n'ont pas besoin de l'État pour définir les priorités en matière de formation". De même, FO désapprouve la décision de fixer annuellement par arrêté ministériel le pourcentage (compris entre 5 % et 13 %) des fonds affecté au FPSPP : “Nous aurions voulu que se soient les branches qui fixent le montant", insiste Stéphane Lardy. Autres points de divergence : la disparition de certains publics destinataires du FPSPP. Enfin, il fustige “le démantèlement de l'Afpa et son saucissonnage". Stéphane Lardy indique enfin que FO discutera avec les autres syndicats afin de voir comment peser sur la commission mixte paritaire.
Francis Da Costa (Medef) : “Pas assez d'autonomie"
Le président de la commission éducation-formation du Medef se réjouit que le texte accorde une priorité à l'orientation et que les principales innovations de l'Ani du 7 janvier soient reprises. Cependant, pour le Medef, il remet en cause la volonté des partenaires sociaux de négocier en toute autonomie la répartition de la contribution des entreprises sur la professionnalisation et le plan de formation : celle-ci “doit être négociée par la branche ou l'interprofessionnel, afin de tenir compte des spécificités de chaque secteur".
Autre point, la péréquation, qui permet de doter les Opca de ressources complémentaires. Les partenaires sociaux souhaitent, là encore, l'assurer en toute liberté, en dehors d'une convention-cadre signée entre l'État et le FPSPP. _ Autre pierre d'achoppement : la liste des bénéficiaires des actions financées par ce fonds. Elle est jugée trop limitative et doit être élargie, notamment, aux publics prévus par l'Ani. Dernier point, le contrôle des Opca : le Medef considère qu'il n'y a pas lieu de prévoir une convention d'objectifs et de moyens entre l'État et chaque Opca, qui “ne ferait que rajouter de la confusion à un système déjà très contrôlé".
Annie Thomas (CFDT) : “Un système administré"
Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, estime que plusieurs points posent particulièrement problème dans le projet de loi adopté par le Sénat le 24 septembre dernier, et elle compte bien que la commission mixte paritaire (CMP) y remédie. Tout d'abord, la fixation de l'alimentation du FPSPP : “Il n'y aurait plus de négociation de branche pour en fixer le montant. C'est contraire à l'Ani du 7 janvier 2009. Le système ne peut être qu'en rapport avec la réalité économique. Là on nous fait un système administré. C'est une aberration." La secrétaire nationale estime ensuite injustes des dispositions spéciales comme les aménagements accordés au secteur agricole ou au développement durable Enfin, autre point épineux : le traitement de l'Afpa. “On n'a jamais autant parlé des besoins de formation et, curieusement, il y a une forme d'acharnement autour de cet outil."
Olivier Gourlé, CFTC : “Une loi de réponse à la crise qui va survivre à la crise"
“Le gouvernement a décidé de remettre la main sur les fonds de la formation professionnelle pour les destiner à l'emploi. Les partenaires sociaux risquent de perdre la main sur les fonds, pas seulement en tant que gestionnaires des Opca", regrette Olivier Gourlé. Il trouve “insultant" pour les partenaires sociaux de devoir conclure une convention triennale avec l'État pour la gestion des fonds de la formation professionnelle : “Nous perdons l'autonomie sur laquelle nous nous sommes battus", regrette-t-il. Si le secrétaire confédéral se félicite de voir la portabilité du Dif précisée (“c'est un début sur le chèque formation", présage-t-il pour ce dispositif qu'il soutient), il n'apprécie pas de retrouver le bilan d'étape professionnel, qui avait été rejeté par sa confédération aux côtés de Force ouvrière et la CGT. Olivier Gourlé considère que la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) a été dénaturée par rapport à l'idée initiale : “Nous nous retrouvons avec un contrat de professionnalisation à durée indéterminée, alors que pour nous, c'est un CDI précédé d'une période de professionnalisation." Enfin, le secrétaire confédéral de la CFTC se dit inquiet de voir apparaître la notion de “formation professionnelle initiale" dans le premier article de la loi, alors que les partenaires sociaux doivent utiliser leurs fonds dans l'intérêt des salariés, et ont déjà accepté de former des demandeurs d'emploi : “C'était une action citoyenne. Mais là, il est question d'un public qui n'a pas à accéder aux fonds de la formation professionnelle."
Jean-Claude Tricoche, Unsa : "L'étape sénat a plutôt bonifié le texte"
“L'étape Sénat a plutôt bonifié le texte", a déclaré Jean-Claude Tricoche, secrétaire national de l'Unsa, dans un entretien accordé au Centre Inffo le 24 septembre. Parmi “les points positifs", le renforcement de l'information sur l'orientation. Il salue également “une tentative non négligeable de clarifier leDif". Le texte du Sénat a aussi “amélioré" le projet de loi sur le thème des Opca : “S'il faut évidemment l'autonomie des partenaires sociaux, il est tout à fait légitime que l'État se préoccupe du contrôle des Opca", fait-il valoir.
_ Concernant la gouvernance du FPSPP, il explique : “L'État piochait déjà les excédents des Opca dans le Fonds unique de péréquation, or, dans la logique de la nouvelle loi, le fait qu'à l'issue de l'exercice il n'y ait plus d'excédent et que l'ensemble des fonds du FPSPP soit reporté l'année suivante constitue une garantie a priori solide", estime-t-il. L'Unsa se montre en revanche plus réservée s'agissant de la gouvernance des PRDF : “Il n'est pas normal que le projet de loi remette en cause la légitimité du suffrage universel en région. Les élus du Conseil régional possèdent cette légitimité, pas le préfet", avance Jean-Claude Tricoche.