Réforme de la formation : l'examen du projet de loi est reporté
Reporté. Le projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie transmis le 29 avril à l'Assemblée nationale sera examiné en séance à partir du 15 juillet, voire à la rentrée parlementaire, malgré la “procédure accélérée" annoncée. Le débat était initialement prévu le 16 juin, après deux semaines de travail en commission.
Par Centre Inffo - Le 16 juin 2009.
Deux commissions de l'Assemblée nationale se penchent sur le projet de loi : celle des affaires culturelles, familiales et sociales, dont le rapporteur est Gérard Cherpion, député UMP des Vosges et celle, pour avis, des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, dont le rapporteur est Jean-Paul Anciaux, député UMP de Saône-et-Loire.
Les raisons du report
Pour Gérard Cherpion, le report est dû à “l'embouteillage d'un certain nombre de textes, notamment celui sur le travail du dimanche". Il invoque aussi la réforme de la Constitution, laquelle a entraîné “des modifications importantes quant à la conduite des travaux parlementaires".
Jean-Paul Anciaux a vivement réagi à l'annonce du report de l'examen du projet de loi par un avis déposé auprès du président de l'Assemblée nationale le 27 mai, au nom de sa commission. Il estime qu'en ces temps de crise, ce projet de loi doit être débattu en priorité, dans les plus brefs délais. Il affirme que les mesures et dispositions du texte, enrichies par les débats et les amendements, doivent être mises en place au plus vite : “Elles doivent permettre à la fois de contribuer au maintien des salariés dans l'emploi, et aussi de leur permettre, par la formation, d'être davantage opérationnels au moment de la reprise." Et de s'étonner de ce report, alors que le président de la République avait demandé aux partenaires sociaux “d'accélérer leurs travaux" pour qu'un accord intervienne avant la fin de l'année 2008.
“Un vif sentiment d'incompréhension"
Côté syndical, les réactions sont partagées. “C'est un véritable scandale !, déclare Alain Lecanu (CFE-CGC). Durant les négociations, nous avons été pressés par les pouvoirs publics, nous avons dû réunir précipitamment le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), monter très rapidement un fonds de sécurisation des parcours professionnels et là, nous apprenons que le projet est repoussé, alors que nous aurions aimé aller plus loin sur différents sujets." Cet avis est aussi celui d'Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT : “Nous avons dû mener la négociation sous la pression, et avons respecté ces contraintes. La crise devrait pourtant nous pousser à privilégier ce texte qui apporte des solutions à la situation actuelle. Nous gardons de tout cela un vif sentiment d'incompréhension au regard des enjeux, et une certaine amertume."
Sur les raisons du report, Olivier Gourlé, secrétaire confédéral CFTC, déplore un agenda parlementaire trop chargé, en particulier avec l'examen du texte sur le travail dominical. Une opinion partagée également par Alain Lecanu et Annie Thomas. Celle-ci considère que “c'est un très mauvais message que l'on envoie aux salariés".
Pour certains syndicats, le report peut, au contraire, fournir le temps de réflexion nécessaire à un projet élaboré avec trop de précipitation. Paul Desaigues, représentant la CGT, juge en effet – en son nom propre – que cela permettra de “prendre le temps de maturer le cadre législatif, de croiser les points de vue, et pas uniquement entre l'État et les Régions". Même opinion de Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO qui considère que cela sera l'occasion de reprendre plus sereinement le débat. Olivier Gourlé déclare, quant à lui, que ce report est “une sage décision de la part du législateur". Ajoutant : “Je préfère que l'on s'accorde du temps pour échanger sur les points positifs du projet, comme sur les points négatifs. Les conséquences de cette loi seront immenses et le projet a été conçu dans la précipitation. Or, ce sont les salariés qui sont en première ligne !"
Le travail des commissions
Chaque commission a procédé à des auditions. “Nous avons entendu tout le monde lors des auditions, a insisté Gérard Cherpion. Je n'ai reçu aucune pression, et de toute façon, je suis assez peu sensible aux pressions. Notre rôle est d'entendre tout le monde, et ensuite nous ferons un rapport. Ce rapport sera celui du rapporteur, et non d'un tel ou d'un tel." Jean-Paul Anciaux indique quant à lui s'être saisi, avec son collègue Claude Goasguen, “très en amont", du dossier et avoir procédé à une vingtaine d'auditions “complémentaires de celles de Gérard Cherpion et qui ont très largement enrichi la réflexion collective". Elles ont concerné tout particulièrement l'orientation (Centre Inffo, Onisep, CIDJ, Missions locales, CIO, Cité des métiers, etc.) : “J'essaie d'aller beaucoup plus loin que le projet de loi, explique-t-il. Il faut un système beaucoup plus lisible, avec un portail commun qui serait facile d'accès, ainsi qu'un numéro d'appel comme le 18 des pompiers, pour prendre un exemple parlant. Il faut trouver des passerelles entre le monde scolaire et celui des salariés."
Le député de Saône-et-Loire distingue certains points forts du projet de loi, dont les parlementaires doivent, selon lui, se saisir. “Il y a trois choses nouvelles dans le texte, explique-t-il : l'acceptation par les partenaires sociaux qu'une partie de la collecte soit destinée aux demandeurs d'emploi ; l'exigence d'une plus grande lisibilité et transparence des Opca ; et l'évaluation des organismes de formation." Sur le prélèvement de 13 % de la collecte des contributions des entreprises à la formation pour alimenter le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), Jean-Paul Anciaux souhaiterait une répartition équitable : “Je voudrais que l'on en prélève 50 % sur le 0,9 % du plan de formation et 50 % sur le 0,15 % consacré à la professionnalisation, pour maintenir l'équilibre qui existe", a-t-il déclaré. Concernant les Opca, il estime qu'il ne faut pas se focaliser sur le seul seuil de collecte à 100 millions d'euros : “Nous pouvons y adjoindre d'autres paramètres, comme la territorialité et la palette de services qu'ils proposent."
Sauf changement d'ordre du jour, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale examinera le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie les 23 et 24 juin. Les débats se poursuivront en séance publique dans le cadre d'une session extraordinaire, les 15 et 16 juillet, puis à partir du 20 jusqu'au 24 juillet. Mais pas au-delà, en raison des travaux de la verrière de l'Assemblée nationale. Dans cette configuration, le projet de loi serait soumis aux sénateurs en septembre. Sauf s'il est finalement reporté à la rentrée parlementaire, en raison notamment du texte sur le travail du dimanche, à l'examen du 6 au 10 juillet.)] [(COMMENTAIRE
GÉRARD CHERPION : “Je souhaite que le projet de loi puisse passer avant la fin de la session ordinaire voire extraordinaire, d'ici juillet, de manière à ce que le texte puisse entrer en application en 2010", a-t-il précisé. D'autant que “le président de la République a souhaité et voulu cette réforme, et que le gouvernement a mis la pression sur les partenaires sociaux". Le député a assuré “qu'il est encore possible que le texte soit débattu vers la mi-juillet, ou au plus tard en septembre, au tout début de la nouvelle session parlementaire".)]