Formation professionnelle dans l'animation : le temps et les moyens manquent aux entreprises
Les 3 et 4 décembre dernier se sont tenues les rencontres “Animation Formation" à Angoulême. Organisées conjointement par l'Afdas, la CPNEF-AV, l'Observatoire des métiers et des qualifications de l'audiovisuel, entre autres. Un événement né de l'étude prospective menée par le journaliste René Broca, qui a mis l'accent sur la “dictature de l'immédiat" pour expliquer les difficultés des entreprises à s'approprier les formations.
Par Sandrine Guédon - Le 16 janvier 2010.
Les conclusions de l'étude prospective réalisée par René Broca sont sans équivoque. Il parle d'un “marché myope et anarchique, sans vision stratégique", d'une lourdeur du système de formation “pénalisante et contreproductive". Il fustige surtout la “dictature de l'immédiat" qui conduit les entreprises à n'avoir aucune vision prospective en terme de formation continue : les réponses des entreprises sont “ponctuelles et empiriques", les pratiques sont “individuelles, sans vue d'ensemble ni anticipation, sans stratégie ni GPEC". Jugement sans appel ?
Les acteurs de la formation de la branche animation se sont réunis sur ce thème à Angoulême. Selon Béatrice de Fornoux, déléguée régionale Sud-Ouest de l'Afdas (Opca et Opacif des secteurs de la culture, de la communication et es loisirs), “ces rencontres ont eu pour ambition de jeter les premières bases d'une réflexion sur la formation et de faire réagir sur les conclusions de l'étude de René Broca. Professionnels, écoles, organismes de formation et institutionnels étaient ainsi présents pour débattre de l'avenir de la formation continue". “Ces deux jours ont été très productifs, ils ont permis de partager les expériences des professionnels, précise Magali Rofidal, responsable d'Imaginove compétences, pôle de compétitivité basé en Rhône-Alpes (voir entretien ci-contre). Les discussions ont porté sur l'anticipation, la manière d'avoir des entreprises innovantes, d'entretenir les talents."
“La formation est un risque"
L'étude souligne “qu'une entreprise d'animation ne peut pas prendre le risque d'engager une action de formation continue avant que le montage financier d'une production ne soit achevé ; et lorsqu'il est achevé, elle n'en a plus le temps de former". Béatrice de Fornoux le reconnaît : “Bien souvent, en effet, les entreprises attendent d'avoir des commandes pour embaucher, former, sans anticipation."
René Broca va plus loin et parle de “qualité incertaine". En interrogeant les entreprises, il s'est rendu compte “qu'il n'est pas exceptionnel que des formations soient jugées insatisfaisantes et incompétents les organismes qui les dispensent". Et de constater l'absence de procédures d'évaluation effectives et reconnues. “L'étude pointe également une pratique que nous avons déjà dénoncé et contre laquelle nous nous battons, rebondit Béatrice Fornoux, les organismes de formation détournent en effet les dispositifs pour obtenir des budgets de l'Afdas. Autrement dit, les entreprises qui doivent former trente personnes sur un projet qui doit commencer dans les six mois ne veulent pas entendre que les financements sont différents selon les statuts des personnes embauchées : intermittents, permanents ou demandeurs d'emploi." En effet, pour un même secteur, coexiste une mosaïque d'institutions, ce qui conduit au cloisonnement. Lorsqu'une entreprise a identifié un besoin, elle engage une action qui peut concerner trois publics distincts, bénéficiant de conditions différentes de financement, d'organismes différents, de durées de stage différentes. Un véritable casse-tête pour les entreprises qui aboutirait parfois au “maquillage" de dossiers.
Créer un lien fort avec les entreprises
“Il doit y avoir un lien plus fort avec les entreprises qui doivent travailler avec nous en amont sur la construction de parcours de formation, affirme Béatrice de Fornoux. Nous devons faire en sorte de partager, de travailler en partenariat. Les rencontres d'Angoulême ont permis de nous mettre d'accord sur le principe et nous avons décidé d'une première réunion avec les acteurs début 2010. Elle devra permettre d'imaginer, de définir les solutions pour répondre au mieux des besoins des entreprises, de construire des parcours expérimentaux" (voir encadré).
Les acteurs de la branche ont donc beaucoup à faire pour résoudre ce problème, d'autant que la concurrence de pays comme la Chine ou l'Inde pèse lourd - sur ce marché aussi. “Un travail nécessaire si la France veut garder son statut de producteur d'images de grande qualité sur le marché international", souligne Magali Rofidal.
“La formation et l'emploi dans le secteur de l'animation", René Broca, 2009, Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de l'audiovisuel. 149 pages. www.magelis.org