Les préconisations du rapport Marx pour fluidifier l'accès des demandeurs d'emploi à la formation
“La formation professionnelle des demandeurs d'emploi." Tel est le titre du rapport issu d'un groupe de travail présidé par Jean-Marie Marx, directeur général d'Agefaforia (l'Opca des industries agroalimentaires), présenté devant le Fonds d'investissement social le 5 février. Il émet 18 préconisations pour faciliter l'accès des demandeurs d'emploi à la formation, notamment une meilleure adéquation entre les formations et les besoins des entreprises, et un “accès fluidifié" à la formation.
Par David Garcia - Le 16 février 2010.
Le rapport tente de répondre aux questions suivantes, posées en préambule : “Former à quoi ? Comment ? Avec qui ?" Réponses : pour satisfaire les besoins de compétences, il faut sécuriser les parcours de formation, assurer la transparence du marché de la formation et fluidifier l'accès à la formation, et, pour cela, instaurer un système de confiance entre acteurs.
Près des trois quarts (72,7 %) des demandeurs d'emploi retrouvent un emploi différent de celui occupé précédemment en termes de métier et de qualification. “Parmi ceux-ci, 35,7 % retrouvent un emploi dans un métier proche de celui de l'emploi précédent, et 37 % un emploi dans un métier nécessitant un changement de qualification, donc une formation professionnelle. Le passage par une période de chômage est donc l'occasion d'un « brassage » en termes de qualifications professionnelles", pointe le rapport.
Les chômeurs souffrent d'un moindre accès à la formation par rapport aux salariés. Selon une étude Insee-Dares-Céreq, fondée sur l'enquête “Formation continue" menée en 2006, 32 % des chômeurs adultes ont eu accès à la formation professionnelle, contre 44 % des salariés sur une période d'un an. “Cette différence est liée à la définition des formations (40 heures au minimum pour les formations enregistrées par Pôle emploi, avec un changement de statut, quelques heures de formation dans les déclarations des demandeurs d'emploi dans le cadre de l'enquête)", observe Jean-Marie Marx, qui fut directeur général adjoint de l'ANPE.
Et ce, même si “les formations dont bénéficient les demandeurs d'emploi sont plus longues (104 heures en moyenne, contre 56 heures pour les salariés) et conduisent plus souvent à un diplôme, une certification ou une qualification que celles suivies par les salariés (37 %, contre 16 %)", comme le souligne le rapport.
Les spécificités de l'accès à la formation en ce qui concerne les demandeurs d'emploi sont liées à l'inexistence pour eux d'un “plan de formation", ainsi qu'une difficulté plus grande à concrétiser des actions dont le besoin est par ailleurs reconnu (multiples étapes impliquant différents interlocuteurs). “Cet effet peut se mesurer en termes de « déperdition » de formation : selon la Dares, qui se fonde sur des données de 2002 à 2004, la formation est évoquée dans 44 % des entretiens, prescrite pour 16 % des demandeurs d'emploi mais on ne compte que 7 % des demandeurs d'entrées effectives six mois après", déplore Jean-Marie Marx.
Dans le même ordre d'idée, la possibilité pour le demandeur d'emploi d'entrer en formation se heurte dans la pratique à des délais importants : dans 43 % des cas, le délai séparant la prescription de la formation par le service public de l'emploi de l'entrée effective du demandeur d'emploi en formation est supérieur à six mois. Le délai moyen est estimé à 129 jours (près de quatre mois et demi).
Par ailleurs, les demandes de formation de la part du demandeur d'emploi et de la part du conseiller du service public de l'emploi n'aboutissent pas toujours à l'entrée effective dans une session de formation : le taux de succès est évalué à seulement 26 % pour une demande émanant du demandeur d'emploi et à 48 % dans le cas d'une proposition par le conseiller.
Préconisations
Au chapitre des préconisations, Jean-Marie Marx suggère de développer les formations en alternance sous contrat de travail. Et “parmi les moyens de développement des contrats de professionnalisation, il conviendrait de faciliter leur conclusion en-dehors des périodes de rentrée scolaire notamment en facilitant l'accès à des certifications de type CQP, encore insuffisamment développées dans ce cadre", précise le rapport.
Ce dernier considère par ailleurs que la réponse aux besoins de recrutements futurs pourrait faire l'objet de programmes nationaux ciblés et contractualisés avec les Régions dans le cadre des futurs contrats de plan régionaux de développement de la formation (CPRDF). “Les formations liées aux services aux personnes et aux emplois potentiels liés à la croissance verte pourraient rentrer dans ce cadre", complète-t-il. Il reviendrait alors aux partenaires sociaux de s'associer à ces priorités dans le cadre des efforts de structuration de ces activités, y compris de reconnaissance des qualifications des salariés en place.
Autre proposition : favoriser les démarches de VAE. “Le profil des chômeurs qui s'inscrivent à Pôle emploi en cette période de crise est en partie différent de celui rencontré au cours des années précédentes. Beaucoup d'entre eux disposent d'une expérience professionnelle et de droits à l'indemnisation liés à une période d'activité conséquente", argumente le rapport. Une des premières démarches pourrait donc “consister à les informer de la démarche de VAE, de leurs droits, et des possibilités de se voir reconnaître une qualification partiellement ou en totalité", analyse Jean-Marie Marx.
Lequel pointe le déficit d'orientation dont pâtissent les chômeurs. Dans cette optique, le rapport propose de désigner le conseiller personnel dès les premiers mois de chômage pour les demandeurs d'emploi ayant un projet de formation. “Le conseiller personnel doit être responsable de tout le parcours du demandeur d'emploi jusqu'à son retour effectif à l'emploi : il a un rôle de garant et assure la « maîtrise d'ouvrage » du parcours", complète le rapport.
Dans le même esprit, Jean-Marie Marx met en relief la difficulté d'accès à l'information sur les formations. Or, “l'accès à des informations fiables et mises à jour est nécessaire pour professionnaliser les conseillers facilitera leur travail d'intermédiation et de prescription de formation", selon le document. À cet égard, Jean-Marie Marx recommande la création d'un extranet accessible aux professionnels sur les formations disponibles. À plus long terme, il souhaiterait “faire évoluer cet extranet vers une centrale de réservation de formations et l'articuler avec les autres sources d'information concernant le demandeur d'emploi à assurer un suivi de parcours".
Enfin, le rapport Marx plaide pour une coopération renforcée entre Pôle emploi et les Opca. Laquelle “doit s'inscrire dans un cadre national, qui devra être décliné territorialement". Et de proposer de regrouper l'ensemble des actions de coopération dans un cadre unique “et, si possible, d'harmoniser les procédures".
[(L'accès à l'information, clé de voûte d'un système de formation des chômeurs efficace
Interrogé par L'Inffo en marge de la 11e Université d'hiver de la formation professionnelle, le 29 janvier, Jean-Marie Marx a résumé de façon imagée le déficit d'information sur la formation dont pâtissent les chômeurs : “C'est comme si vous aviez besoin de prendre un train pour Marseille au départ de Paris et que l'on vous expliquait qu'il y a bien une ligne pour Marseille, sans être capable de vous dire à quelle heure et combien ça coûte."
Sans intranet ni extranet, les conseillers Pôle emploi et les chômeurs avancent dans le brouillard. “Il convient de mettre en œuvre des formations opérationnelles au service des conseillers, en s'appuyant sur le portail Orientation & Formation. Il faut que le référent ait l'information à sa disposition. Si l'information sur une formation n'est pas fiable, le demandeur d'emploi risque de perdre du temps. Il faut que le chômeur puisse disposer d'un certain nombre d'outils", a souligné Jean-Marie Marx.
Parallèlement, l'ancien directeur général adjoint de l'ANPE plaide pour que les organismes de formation mettent leurs offres à disposition des conseillers. Jean-Marie Marx propose aussi la mise en place d'un portail spécifique - détaillant les actions de formation - relié à une centrale de réservation. Le tout destiné aux prescripteurs de formation à l'attention des chômeurs. “Cela fluidifierait l'ensemble car personne n'est capable de dire aujourd'hui combien il existe de places de formation vacantes dans une région", a fait valoir le directeur général d'Agefaforia.
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