Vers une “mobilité professionnelle individuelle sécurisée" ?

Par - Le 01 janvier 2010.

Une réunion s'est tenue au Medef le 14 décembre, dans le cadre des négociations entamées le 2 octobre sur “la gestion sociale des conséquences de la crise sur l'emploi". Au programme, une proposition visant à permettre au salarié de quitter son employeur d'un “commun accord", avec la possibilité de revenir si l'essai n'est pas concluant. Mais “sans garantie", critiquent les syndicats.

Les employeurs ont communiqué aux syndicats un document préparatoire. Dominique Castéra, la chef de file de la partie patronale (DRH du groupe Safran), précise que cette proposition institue un “droit conventionnel prenant la forme d'un accord de mobilité professionnelle individuelle sécurisée" dans des entreprises dont la taille est laissée à l'appréciation des négociateurs. Elle est faite “à titre expérimental, pour les salariés ayant au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise".

Selon le document, la mobilité serait destinée à favoriser l'évolution de carrière pour réaliser un projet professionnel finalisé et donnerait lieu à une rupture “spécifique à ce dispositif" : ce ne serait ni une démission ni un licenciement pour motif économique ou pour motif personnel, ni une rupture conventionnelle. Seul un vice du consentement pourrait la remettre en cause. Le “droit de retour" serait précisé en cas d'échec de la mobilité. Il s'exercerait dans les six mois suivant la rupture du contrat, durée portée “à la durée maximale de la période d'essai renouvellement compris, lorsque celle-ci excède six mois".

Si le retour s'avérait impossible, cela devrait être notifié au salarié, par écrit, dans le mois de sa demande de retrouver son ancien emploi ou un emploi équivalent dans son entreprise de départ. Quatre raisons pourraient être invoquées : l'embauche ultérieure destinée à compenser le départ du salarié ; le poste supprimé avec ou sans réorganisation destinée compenser le départ du salarié ; la réduction des effectifs de l'entreprise en cours au moment de la demande de retour ou programmée, ou l'absence d'emploi équivalent disponible.

Il serait alors prévu que soit versée au salarié une “indemnité spécifique de même nature juridique que l'indemnité de licenciement et égale à la moitié de l'indemnité qui lui aurait été due au moment de son départ de l'entreprise". Le texte prévoit aussi le cas où le salarié ne pourrait bénéficier de l'assurance chômage à l'issue de sa période de mobilité. Il serait pris en charge par ce régime “sur la base des droits acquis à la date de la rupture du contrat de travail chez l'ancien employeur, cette rupture étant assimilée à une démission légitime".
Ce droit à la mobilité professionnelle individuelle sécurisée, mis en place à titre expérimental, “cessera de plein droit de produire ses effets deux ans après l'entrée en vigueur des dispositions légales nécessaires à sa mise en œuvre". Il appartiendra aux partenaires sociaux d'envisager les suites à lui donner “au vu du bilan qui en sera dressé".

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RÉACTIONS SYNDICALES

Les syndicats de salariés ont réagi plutôt négativement à la proposition du patronat sur la mobilité. Laurence Laigo, secrétaire nationale de la CFDT, a noté que, si les employeurs avaient été réceptifs à certaines propositions de la centrale cédétiste, comme l'importance d'un projet professionnel ou la création d'un droit individuel, “le cadre global est défensif et n'est pas positif, que ce soit pour le salarié ou pour l'entreprise". Elle a demandé que la rupture ne soit pas mise en avant, à la place du projet. “Dans une mobilité sécurisée, il n'y a pas rupture du contrat de travail, mais suspension, comme dans le congé maternité. Ces modalités proposées ne nous conviennent pas", a déclaré Gabrielle Simon, pour la CFTC. “Il y a un problème de fond, a renchéri Maurad Rabhi, pour la CGT Nous avions exigé, pour que ce soit une négociation, que le salarié puisse suspendre son contrat plutôt que de le rompre. Or, la partie patronale veut juste cadrer la sortie du salarié." Voyant aussi une situation de blocage en ce qui concerne le retour dans l'entreprise de départ, en cas d'échec de la mobilité. “Pour que la mobilité soit choisie et sécurisée, il faut qu'on garantisse le retour au salarié, et là, le patronat ne veut pas céder."
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LE CONGÉ DE MOBILITÉ

Le congé de mobilité est prévu dans la loi de 2006, à l'initiative de l'employeur et obligatoirement prévu dans un accord GPEC. Estimant que “très peu d'accords ont intégré un volet sur le congé mobilité", le patronat pense “assouplir un peu ce dispositif" et souhaite qu'il puisse être négocié par accord d'entreprise, indépendamment de la GPEC et qu'il puisse l'être dans les entreprises de plus de 250 salariés (et non juste les plus de 1 000 comme actuellement).
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[(MÉTHODE DE TRAVAIL

La méthode de travail des négociations sur “la gestion sociale des conséquences de la crise sur l'emploi" est fondée sur des plénières et des groupes de travail sur différents thèmes : chômeurs en fin de droit, logement, groupements d'employeurs, revitalisation des bassins d'emploi et clauses spécifiques des contrats de travail. Si certains groupes ont déjà commencé à travailler d'autres entament leurs travaux en janvier. Considérant que ce qui reste à négocier ne relève pas des mesures d'urgence, mais plus du structurel, Dominique Castéra espère la conclusion des négociations au premier trimestre 2010.
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