Financement du FPSPP : le taux retenu est de 10 %
Par Béatrice Delamer - Le 16 septembre 2011.
Les partenaires sociaux ont convenu, lors de la réunion du Comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP) du 8 septembre, de fixer le taux de contribution des Opca et Opacif au financement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour 2012 à 10 %. Comme en 2011.
Une décision qu'ils ont prévu de communiquer à la ministre chargée de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle, Nadine Morano, après consultation du “hors champ" (branches de l'agriculture, de l'économie sociale et des professions libérales).
Alors que le gouvernement envisage de ponctionner 300 millions d'euros sur la trésorerie du Fonds (cf. L'Inffo n° 795, p. 2) - une trésorerie de 650 millions -, certaines organisations, comme la CFTC, avaient des velléités de fixer un taux plus bas. Toutes venues avec des scénarios différents, les organisations patronales et les syndicats de salariés sont néanmoins facilement parvenus à ce taux médian, identique à celui décidé pour 2011, à la quasi unanimité. À défaut d'adhérer, la CGPME et la CFTC ont pris acte de la décision.
CFTC : “Le taux de 10 % risque de rendre pérenne la ponction de l'État"
Jean-Pierre Therry, chef de file CFTC sur la formation professionnelle, n'avait pas le mandat pour fixer un taux de contribution des Opca et Opacif au financement du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) supérieur à 8 %. Il a “pris acte", comme la CGPME, du taux de 10 %.
“Cela vient amplifier la possibilité l'utilisation des fonds et il est à craindre que la situation devienne pérenne", estime-t-il. La position de la confédération consistait à conforter les Opca dans leur rôle : “Nous souhaitions qu'ils gardent la mainmise, le choix politique de former les salariés les moins qualifiés. Mais pas les demandeurs d'emploi : du fait de la ponction de l'État, nous nous éloignons des missions du FPSPP, en particulier envers les chômeurs." Il estime qu'à partir du moment où la ponction n'est pas considérée comme une taxe supplémentaire, il faut alors que les fonds de la formation aillent aux salariés. Compte tenu des positions de chacun sur le taux, il aurait pu rejoindre le Medef qui prônait un taux allant de 7 % à 9 %, mais pas jusqu'à 10 %.
La CGT estime que 12 % est un minimum pour engager des actions
“La satisfaction est relative : face à une insuffisance globale de financements, nous aurions préféré 13 %. 10 % est mieux que 5 %, mais reste insuffisant", a concédé Paul Desaigues, conseiller confédéral en charge de la formation.
Selon son raisonnement, sans la ponction de 300 millions faite par le gouvernement sur le fonds l'année dernière, le FPSPP aurait un déficit de couverture de ses engagements de 20 % par rapport à la collecte, ce qui était un scénario considéré comme acceptable par les partenaires sociaux. Toute ponction déséquilibre davantage le financement du fonds et elle devrait alors être prise en compte. “Les partenaires sociaux doivent discuter de l'annexe financière, tâche à laquelle ils vont travailler avec les informations dont ils disposent à ce jour, c'est-à-dire sans ponction. Si le gouvernement renouvelle le prélèvement, nous devrons nous revoir." Et d'insister : “Si le FPSPP n'était pas ponctionné, il serait dans un équilibre attestant d'un déficit de couverture raisonnable. Avec la ponction, il se trouvera certainement avec une trésorerie négative."
La CFDT satisfaite que les objectifs du fonds restent intacts
Anousheh Karvar, secrétaire nationale en charge de la formation à la CFDT, a fait part de sa satisfaction. “Comparé à l'année dernière, le tour de table était intéressant, car la plupart des organisations étaient venues avec l'intention de déterminer un taux élevé de contribution." Et les discussions ont tourné rapidement autour des 10 %.
“Ce qui est clair, c'est que les objectifs restent intacts et que rien ne peut être reproché à la gestion du Fonds. De plus, les appels à projets sont une innovation sociale", souligne-t-elle. Mais c'est la gestion pluriannuelle du FPSPP qui pose problème : “Elle se heurte à la gestion de l'État, qui reste annuelle, et ce, malgré la Lolf[ 1 ]Loi organique relative aux lois de finances. . Nous avons deux ans de trésorerie pour couvrir le déficit qui glisse d'année en année. Il existe un décalage entre l'engagement de dépense liée aux actions de formation et le décaissement."
Les partenaires sociaux ont décidé d'étudier les mesures qui permettraient de raccourcir le délai entre les engagements et les décaissements, et veulent aussi envisager des allègements de procédure pour les appels à projets.
CFE-CGC : “Les partenaires sociaux ont convergé sur un plan d'action qui a rassemblé"
François Hommeril, secrétaire national de la CFE-CGC en charge de la formation professionnelle, ne boude pas son enthousiasme : “Je suis content de cette réunion très positive. Elle donne un signe fort de la détermination des partenaires sociaux, qui ont pris une décision pratiquement unanime pour aller de l'avant."
Il se félicite de la teneur de la réflexion, commune sur deux points : “La nécessité d'être dans l'effort et de donner des moyens au FPSPP pour qu'il puisse respecter sa mission de former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi. Mais aussi de lutter contre l'attitude du gouvernement. Soit nous renonçons à 300 millions d'euros de collecte chaque année, cela devient une taxe, et le gouvernement en fait ce qu'il veut. Soit nous agissons."
Il estime que le taux à 10 % renforce la marge de manœuvre au FPSPP, et que le gouvernement ne pourra inscrire une nouvelle ponction de 300 millions dans la loi de finances car “cela reviendrait à inscrire la mise en cessation de paiement du FPSPP !".
[(“METTRE À MAL" LE PARITARISME ?Lors de la conférence de rentrée de la CFE-CGC, le 8 septembre, son président Bernard Van Craeynest a exprimé la crainte de voir l'État mettre à mal la notion même de paritarisme. “Le gouvernement peut difficilement vouloir développer les actions en matière de formation professionnelle et, dans le même temps, diminuer les moyens alloués à ceux qui sont en charge de les effectuer. Il s'agit d'une façon détournée, pour l'État, d'accroître son influence dans la gouvernance du FPSPP en négligeant le rôle des partenaires sociaux", a-t-il déclaré. )]
CGPME : “Un taux identique à celui de l'année dernière n'est pas raisonnable"
Jean-Michel Pottier, président de la commission formation de la CGPME, livre cette analyse : “À partir du moment où l'État aura ponctionné en quelques années un milliard d'euros sur ce fonds, alors que sa fonction première était de former les demandeurs d'emploi et les personnes les moins qualifiées, il apparaîtra difficile d'atteindre cet objectif. La responsabilité qui en découle nous échappe totalement. Il ne faudra pas nous faire un énième rapport à charge contre la formation professionnelle. Cela ne sera pas recevable !"
Dans cette optique, il ne semblait pas raisonnable à la CGPME de persévérer sur le même taux de contribution. “C'est le taux de mutualisation nationale que se donnent les partenaires sociaux qui permet d'assurer la formation des plus démunis et la péréquation. À partir du moment où l'État a entrepris de l'utiliser, nous pensons que ce taux ne pouvait être identique à celui de l'année dernière."
[(L'USGERES APPROUVE LE TAUX ET FUSTIGE LA PONCTIONL'Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale (Usgeres) a indiqué qu'il approuvait le taux de 10 % de contribution reversé par des Opca et Opacif au FPSPP. Jugeant que cette proposition “équilibrée" est à même de permettre la poursuite “des actions ambitieuses pour la formation professionnelle des salariés et des demandeurs d'emploi" en préservant la pérennité du Fonds.
Elle indique qu'elle se joint à la “délibération formelle" qui doit être adressée par les partenaires sociaux à Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé, et Nadine Morano, ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle, pour refuser un nouveau prélèvement probable de 300 millions d'euros.
L'Usgeres rappelle en outre qu'elle poursuit sa concertation avec les organisations représentatives d'employeurs et de salariés au niveau national et interprofessionnel et les organisations d'employeurs du “hors champ" pour que les ressources du Fonds “soient fléchées vers des secteurs porteurs en termes d'emploi, comme la santé, le sanitaire et social ou les services aux personnes". Enfin, elle redemande que les organisations d'employeurs du hors champ soient intégrées dans les trois commissions constitutives du FPSPP : Cif, professionnalisation et sécurisation des parcours professionnels. )] [(UNSA : “L'OBLIGATION LÉGALE N'EST PAS UNE SIMPLE TAXE"
Pour Jean-Marie Truffat, reçu par le ministre du Travail Xavier le 8 septembre, “les 300 millions ponctionnés cette année encore par l'État sur le FPSPP contribuent à ridiculiser les partenaires sociaux et à les transformer en vassaux !" Il ajoute : “Ce prélèvement induit des conséquences sur des projets dont les budgets étaient d'ores et déjà bouclés. Avec ces 300 millions en moins dans les caisses, des formations jusqu'alors prévues ne pourront tout simplement pas être menées."
Si l'inquiétude concernant ces 300 millions ponctionnés sur un budget total d'1,2 milliard d'euros subsiste et provoque l'indignation des partenaires sociaux, c'est avant tout du fait des publics visés. “Que l'État assume ses décisions, recommande Jean-Marie Truffat. Si l'obligation légale de formation doit faire l'objet d'un impôt, alors que l'État en assure la gestion. Mais les entreprises, elles, ne s'y retrouveront d'autant pas qu'elles sont déjà nombreuses à percevoir cette obligation légale comme une taxe indue." )]
Notes
1. | ↑ | Loi organique relative aux lois de finances. |