Information, simplifications, adaptation... Xavier Bertrand interrogé sur l'apprentissage
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 mai 2011.
À l'occasion d'une visite d'un centre de formation, le ministre du Travail et de la Santé a fait l'éloge des développeurs de l'apprentissage, mobilisés par les Chambres de commerce et d'industrie. Il a aussi recueilli les témoignages et en quelque sorte les revendications des employeurs d'apprentis présents, à la veille du lancement d'une large campagne de communication sur cette thématique.
“Qu'avez-vous à m'apprendre sur l'apprentissage ?" Telle a été, en substance, la question par laquelle Xavier Bertrand, ministre du Travail, a entamé ses rencontres avec les acteurs de l'alternance lors de sa visite, le 28 avril à Versailles, dans les locaux de l'Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire (Isipca), une école fondée en 1970 par le parfumeur Jean-Jacques Guerlain.
Le ministre a d'abord promis aux apprentis de l'institut (qui forme en alternance sur des métiers de niveaux IV et V) un prochain alignement de leur statut sur celui des étudiants (leur ouvrant notamment l'accès aux restaurants universitaire), puis il a écouté les comptes-rendus des actions de terrain menés par les “développeurs de l'apprentissage" des Chambres de commerce et d'industrie (voir notre article).
“Nous avons besoin d'un document répertoriant toutes les aides à l'apprentissage afin que les chefs d'entreprise puissent le relayer auprès de leur expert-comptable", a plaidé l'une de ces “missi dominici" de l'apprentissage. Une autre a regretté le manque de coopération dès lors qu'il s'agissait d'informer les élèves de collège sur ce mode de formation. “Idéalement, les élèves devraient être sensibilisés à l'apprentissage dès la classe de cinquième, puisque c'est en grande partie en quatrième et troisième que l'orientation se joue. Mais beaucoup de chefs d'établissement nous voient comme des concurrents."
Autre sujet récurrent évoqué : les aides financières incitatives pour favoriser l'embauche d'apprentis. “Il faut faire comprendre aux entreprises que ces aides ont un but bien précis, a précisé Xavier Bertrand. Il ne s'agit pas de cadeaux aux entreprises, mais bien de compensations pour justifier le fait qu'un apprenti passe une partie de son temps à étudier dans son centre de formation", a-t-il insisté, avant de rappeler que la formation par l'apprentissage n'était pas teintée politiquement : “Sur ce sujet, à droite comme à gauche nous avons fait de beaux discours depuis vingt ans, mais lorsque nous comparons la situation française à celle de l'Allemagne, par exemple, nous n'avons pas à être fiers."
Du côté des chefs d'entreprise, dont une délégation était présente, les demandes étaient assez semblables. “Davantage de simplification des procédures", ont plaidé les dirigeants des six entreprises qui ont régulièrement recours à l'apprentissage. “Mon travail consiste à fabriquer et vendre des extincteurs, a expliqué l'une d'entre eux, pas à remplir des formulaires et des grilles de codes Rome pour embaucher un apprenti ou calculer sa grille de salaire. Les CCI ne pourraient-elles pas prendre en charge cette gestion administrative ?"
D'autres problèmes de terrain ont également été soulevés : “Dans mon entreprise, je suis parfois amené à travailler, avec mes équipes et mes apprentis, sur des chantiers extérieurs à l'Île-de-France, a plaidé le gérant d'une entreprise de plomberie, or, mes apprentis sont tenus de respecter la loi sur les 35 heures. Que dois-je faire un vendredi lorsque l'un d'entre eux, à 15 heures, a effectué son quota horaire hebdomadaire ? Dois-je mobiliser un véhicule pour le ramener à son domicile avant les autres pour ne pas être en infraction ?" Pour un autre dirigeant, la question ne se pose pas : “De mon côté, je les laisse faire des heures supplémentaires - rémunérées, bien entendu - même si je sais que ce n'est pas très légal...". Des problèmes somme toute extrêmement pratiques, auxquels le ministre a promis de s'atteler. “Notre pays aime beaucoup les complications" a-t-il conclu.
Toutefois, au-delà des cas particuliers, Xavier Bertrand a pointé du doigt le premier frein au développement de l'apprentissage : “Même si la situation évolue, l'apprentissage est encore vu comme une voie secondaire, pour ne pas dire une « voie de garage ». Il faut faire évoluer les mentalités." Annonçant le début d'une campagne de communication sur ce sujet dès le mois de mai, le ministre du Travail a, par ailleurs, rappelé qu'une loi allait prochainement, non seulement aligner le statut des apprentis sur celui des étudiants, mais aussi permettre à ceux-ci d'avoir deux employeurs afin de développer l'apprentissage dans les métiers saisonniers.
Par ailleurs, Xavier Bertrand a félicité les développeurs de l'apprentissage des CCI pour leur travail, soulignant que l'objectif des 15 000 apprentis supplémentaires et des 65 000 nouvelles entreprises contactées serait probablement dépassé à la rentrée 2011 afin de faire de l'apprentissage “non seulement une excellente voie, mais aussi une voie d'excellence".