“Insuffisances, méconnaissances et approximations" : la réponse de Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems à l'Institut Montaigne

Par - Le 16 octobre 2011.

Deux experts de la formation professionnelle, Jean-Marie Luttringer [président de la société JLM Consultants[/footnote] et [Jean-Pierre Willems [ 1 ]Consultant, Jean-Pierre Willems anime par ailleurs l'Espace responsable formation sur le site de Demos. , ont durement critiqué l'étude de l'Institut Montaigne sur les réformes inabouties de la formation. Aux yeux des deux juristes, les quatre propositions (fin du système de mutualisation, création d'une cotisation sociale spécifique, collecte par l'Urssaf et développement de nouvelles grilles de certification et d'évaluation pour les organismes de formation) ne sont “ni articulées ni coordonnées" et “souffrent d'insuffisances, de méconnaissances et d'approximations".

Pourquoi ? Pour les auteurs de l'étude, la formation professionnelle tout au long de la vie n'aurait que l'objectif purement comptable de compléter ou corriger la formation initiale. “Est passé sous silence le fait que la formation continue a pris sa part dans la modernisation de l'économie, dans les avancées de la recherche, dans l'innovation technologique, dans l'adaptation de l'emploi, dans les trajectoires professionnelles, etc." Et Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems de prendre comme exemple le million de salariés ayant bénéficié d'un Cif au cours des vingt-cinq dernières années.

Quant à l'abandon du système de “former ou payer", préconisé par l'étude, “il n'a aucune réalité" pour les deux juristes, qui rappellent que “les entreprises dépensent en formation largement plus que leurs obligations, plus que ce qu'elles déclarent au fisc, et surtout, utilisent d'autres voies de développement des compétences que la formation stricto sensu, dont les auteurs de l'étude font peu de cas".

En ce qui concerne le prélèvement d'un fonds spécifique à la formation, les deux juristes rétorquent “que les organismes de Sécurité sociale ou assimilés collectent déjà une large part des fonds". Quant aux comparaisons établies avec les situations rencontrées aux États-Unis ou en Allemagne, elles sont écartées d'un revers de main par Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems : “Si les entreprises forment sans obligation légale en Allemagne, cela tient à la structuration de la formation initiale, aux modes de régulation du marché du travail, à la cogestion et aux relations professionnelles, et ne relève pas d'une seule technique d'organisation du système de formation : lorsque la promotion interne sera en France ce qu'elle est en Allemagne, il sera possible de comparer la place jouée par les systèmes de formation continue."

Les autres propositions ne trouvent pas davantage grâce à leurs yeux. Le chèque formation préconisé par l'étude traduit, selon le duo d'experts, “la méconnaissance des auteurs pour le système de formation". D'une part, parce que de tels chèques existent déjà et sont utilisés dans de nombreuses régions ; d'autre part, parce que l'individu n'est pas autoprescripteur de sa formation. “Imagine-t-on un chèque médicaments dont chacun disposerait ?", ironisent Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems.

Et concernant la certification et l'évaluation finale, que Pierre Cahuc, Marc Ferracci et André Zylberberg souhaiteraient voir étatisés, ils ne constitueraient pas “l'alpha et l'oméga du marché" aux dires des deux juristes, qui voient derrière les arguments du rapport Montaigne une accusation de corporatisme adressée au monde de la formation professionnelle. “Que des pratiques de labellisation soient bienvenues sur le marché de la formation, c'est l'évidence. Qu'elles constituent l'arme fatale pour permettre l'orientation, c'est beaucoup plus discutable", estiment-ils.

Notes   [ + ]

1. Consultant, Jean-Pierre Willems anime par ailleurs l'Espace responsable formation sur le site de Demos.