L'Institut Montaigne propose d'“en finir avec les réformes inabouties" de la formation professionnelle
Un système français de formation professionnelle aux dispositifs “innombrables, inégalitaires et d'une efficacité quasi-nulle." Dans leur étude, Pierre Cahuc (1), Marc Ferracci (2) et André Zylberberg (3) annoncent “l'échec" de la réforme de la formation de 2009, et développent plusieurs pistes afin d'y remédier.
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 octobre 2011.
“L'accès de tout citoyen à la formation professionnelle est inscrit dans les textes fondateurs de la République. En France, la véritable naissance de la formation professionnelle moderne date de 1971.
Depuis lors, le système a accumulé d'innombrables dispositifs sans aucune évaluation de leur efficacité." Les termes employés par le trio de chercheurs, mandatés par l'Institut Montaigne (think tank d'inspiration libérale présidé par Claude Bébéar) peuvent paraître brutaux, mais à en croire leur copie, il y a péril en la demeure. “L'Institut Montaigne souhaite présenter sans tabou l'état actuel de la formation professionnelle en France", indiquent-ils.
“Une offre pléthorique et non contrôlée"
En 2008, les entreprises françaises ont déboursé 12,6 milliards d'euros au titre de la formation de leurs salariés et l'appareil de formation comptait 58 450 prestataires. Quelques 15 545 ayant pour principale activité l'enseignement et la formation. Tout cela pour “des résultats décevants" aux termes d'un “parcours du combattant" pour les salariés et demandeurs d'emploi disposant, en
outre, d'une information insuffisante sur
l'offre existante. “Une offre pléthorique et non contrôlée", dénoncent
les chercheurs, expliquant que “la formation professionnelle bé-néficie en priorité à un public déjà formé et ne touche pas les plus fragiles", conduisant indubitablement à “une impasse".
À cet effet, les chercheurs préconisent la fin du système de mutualisation (dit “former ou payer") et son remplacement par des subventions aux formations “incitant à se former en fonction d'objectifs sociaux clairement identifiés (seniors, jeunes, etc.)". Précisant que “les subventions diminuent le coût des formations et incitent les entreprises à former plus", Pierre Cahuc, Marc Ferracci et André Zylberberg suggèrent par ailleurs la création d'une cotisation sociale spécifiquement dédiée à la formation professionnelle, “se substituant à l'obligation légale", d'une valeur semblable à celle fixée par les textes réglementaires.
Vers la mort programmée des Opca ?
Une cotisation spécifique que les auteurs du rapport imaginent “collectable" par les services de l'Urssaf et susceptible de permettre le financement de “chèques formation" destinés aux demandeurs d'emploi au prorata de leurs besoins. Prenant la forme d'une subvention particulière, ces chèques se verraient accordés en fonction de l'éloignement de l'emploi et du besoin en accompagnement des demandeurs d'emploi. “Dans un tel système, l'obligation légale de dépenser n'aurait plus lieu d'être, ce qui pose la question des Opca, sinon de leur existence", déduisent les chercheurs, reconnaissant cependant que les organismes paritaires pourraient “conserver une place dans le paysage de la formation professionnelle".
Demeure, enfin, la question de l'évaluation et de la certification. “Pour s'assurer de la qualité des cotisations qu'ils subventionnent, les pouvoirs publics peuvent s'appuyer sur une certification des formations, délivrée par des agences publiques ou privées, qui accordent des labels aux formations". Des agences objectives, “totalement indépendantes des prestataires ou des financeurs des activités à qui elles accordent des labels", indiquent les chercheurs, inspirés par le modèle danois (4), suggérant que l'Afnor, au travers des normes qu'elle édite, pourrait être impliquée dans le processus.
Un rapport qui incite donc à repenser entièrement le système de formation “à la française". Du passé, faisons table rase ?
1. Piere Cahuc, Professeur à l'École polytechnique et chercheur au Crest (Centre de recherche en économie et statistiques).
2. Maître de conférences à l'Université Paris-Est Val-de-Marne.
3. Directeur de recherches au CNRS, Centre d'économie de La Sorbonne.
4. Dans lequel l'évaluation et la certification sont accordées par une agence dépendant du Parlement, et non du gouvernement.