Contrats de génération : des primes, ou des sanctions
Michel Sapin a transmis le 4 septembre aux partenaires sociaux le document d'orientation qui encadrera la négociation sur les contrats de génération. Il différencie les modalités selon la taille des entreprises, avec des dispositifs financiers et fiscaux destinés à encourager les PME à signer de tels contrats et des sanctions pour les grandes entreprises réticentes à négocier un accord d'entreprise.
Par David Garcia - Le 16 septembre 2012.
Avec les emplois d'avenir, le contrat de génération faisait partie des “mesures d'urgence pour l'emploi" inscrites au programme de François Hollande. En introduction de la conférence sociale des 9 et 10 juillet dernier, le chef de l'État avait d'ailleurs proposé aux partenaires sociaux de s'emparer de ce sujet “s'ils le souhaitaient". Et, justement, c'est de manière unanime qu'ils ont fait savoir qu'ils désiraient ouvrir une négociation nationale interprofessionnelle afin de discuter des modalités de ces contrats de génération. Aussi, le 4 septembre, Michel Sapin, ministre du Travail, transmettait-il aux partenaires sociaux un premier document d'orientation fixant le cadre dans lequel le gouvernement souhaite voir cette négociation s'inscrire, tout en fixant la fin de l'année comme date butoir pour le vote définitif d'une loi sur ce thème.
Dans les entreprises de 300 salariés et plus, c'est par la signature d'accords collectifs que les contrats de génération seraient déployés, alors que dans celles de taille inférieure, deux modalités sont envisagées : un accord collectif dans celles dotées de représentants du personnel et un contrat “individuel" conclu avec un jeune embauché en CDI et un salarié senior identifié.
Il s'agit d'accorder davantage de place aux jeunes pour anticiper le renouvellement des compétences, mais aussi de favoriser l'insertion en CDI, “directement ou à l'issue d'une formation en alternance", d'“accompagner l'intégration et la formation par le tutorat", et de prendre en compte les différentes dimensions de la transmission des compétences.
Le dispositif incitatif fiscal et financier en direction des entreprises a d'ores et déjà été décidé par le gouvernement et ne fera pas partie des négociations. Il s'articulera autour de deux axes : pour les entreprises de plus de 300 salariés, devant conclure un accord collectif “contrat de génération", est prévu un versement d'une partie des allègements généraux de cotisation (sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic), mais aussi une pénalité égale à 1 % de la masse salariale pour l'entreprise qui n'aurait pas conclu d'accord avant une date “qui pourrait être le 30 septembre 2013".
En revanche, pour les entreprises de moins de 300 collaborateurs, le gouvernement prévoit, outre des allègements similaires à leurs homologues de plus grande taille, de verser une aide forfaitaire de 2 000 euros pour chaque jeune de 16 à 25 ans embauché en CDI pour une durée de trois ans ainsi que pour chaque senior de 57 ans maintenu dans l'emploi. Michel Sapin estime à 500 000 le nombre de contrats qui pourraient voir le jour durant le quinquennat.
Benjamin d'Alguerre
Le contrat de génération “correspond à l'ambition que le Medef défend pour les jeunes et les seniors", juge l'organisation patronale. Qui souhaite que la négociation “permette de donner une véritable ambition au partenariat entre les générations". Le Medef se félicite de l'annonce des allègements de charges, mais regrette “le fait que le gouvernement s'attache, pour les grandes et moyennes entreprises, à mettre en place des sanctions injustifiées et contreproductives à la place d'un système incitatif efficace pour l'embauche".
La CGPME accueille favorablement ce dispositif. Elle pointe l'importance de prévoir, dans le dispositif, “la possibilité, dans les TPE, de conclure un contrat de génération en présence d'un chef d'entreprise senior et d'un jeune recruté dans une perspective de transmission des entreprises, notamment artisanales" et surtout, que le succès de ces mesures “dépendra avant tout de la visibilité du carnet de commandes des entreprises".
“Le document d'orientation envoyé aux partenaires sociaux répond aux observations formulées par l'UPA", commente Pierre Burban, secrétaire général de l'Union professionnelle artisanale. “Trois points sont à nos yeux satisfaisants : le dispositif est différent selon la taille des entreprises, le chef d'entreprise pourra lui-même y entrer et il concerne tous les jeunes, y compris ceux passés par l'apprentissage ou le contrat de professionnalisation." Concernant les incertitudes relatives au financement du dispositif, Pierre Burban estime que “cela démontre une nouvelle fois que la priorité est de s'attaquer au coût du travail".
Benjamin d'Alguerre, David Garcia, Sandrine Guédon
Réagissant à l'annonce de l'ouverture de la négociation nationale interprofessionnelle sur les contrats de génération, la CGT estime que ces contrats – comme les emplois d'avenir, d'ailleurs – “ne constituent pas une réponse suffisamment ambitieuse pour améliorer d'une façon significative la situation de l'emploi". Pour la centrale de Montreuil, la relance d'une politique industrielle, ainsi que le déploiement “d'une véritable politique du service public" représente un préalable indispensable à une réelle amélioration. De même, la Confédération avoue “regretter" que la création d'aides aux entreprises soit envisagée “alors que l'évaluation contradictoire des aides à l'entreprise promise lors de la conférence sociale n'est toujours pas commencée". Pour la CGT, “le cadre fixé n'est pas assez contraignant pour les entreprises, notamment vis à vis des accords de branches et d'entreprises et qu'il subsiste trop de risques d'effets d'aubaine".
Globalement satisfaite du cadrage défini par le document d'orientation, la CFDT, se réjouit de disposer de “marges de discussion sur l'essentiel", à savoir, le “qualitatif". Laurent Berger, secrétaire général adjoint, énumère : “Qu'est-ce que l'entrée positive d'un jeune, comment faire en sorte qu'un jeune qui rentre aujourd'hui dans l'entreprise par des CDD rentre par un contrat plus stable, comment accompagne-t-on cette entrée dans l'emploi, que veut dire le maintien dans l'emploi des seniors, etc. ?" Et de prévenir : “L'enjeu, pour nous, sera de fixer des cadres et des évaluations." Sur la question des financements, la CFDT ne se montre pas hostile à ce que “les fonds de la formation professionnelle puissent servir à l'intégration des jeunes dans l'entreprise, à leur formation ou à la valorisation du tutorat", sous réserve que cela se fasse “dans le cadre d'une discussion, et non pas par une ponction".
Le projet “intègre nos suggestions", observe Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale CFE-CGC en charge de l'emploi. “L'avantage du cadrage léger est qu'il va permettre aux partenaires sociaux de concevoir un plan d'accompagnement et de formation et de le négocier. En outre, il faut trouver un équilibre concernant la transférabilité des compétences, en évitant de proposer un tutorat au rabais." Le tandem jeune-tuteur “sous-entend un accompagnement professionnel organisé, validé, évalué". Marie-Françoise Leflon ajoute : “Tous les acteurs sociaux sont désormais responsables de ce pari sur la jeunesse et sur la rencontre entre les générations, gage d'un retour à l'optimisme économique et social."
“Nous considérons que le contrat de génération est un dispositif intéressant, car il permettra de donner du travail à certains jeunes", indique Stéphane Lardy, secrétaire confédéral en charge de l'emploi et de la formation professionnelle chez FO. Il rejoint d'ailleurs un dispositif proposé en 2009 par l'organisation syndicale : l'“allocation de solidarité intergénérationnelle", “couplage entre l'embauche d'un jeune et le maintien dans l'emploi d'un senior avec une transmission du savoir par le biais du tutorat". La distinction entre les petites entreprises et les grandes “est une excellente décision". Et d'approuver “cette politique de la carotte et du bâton". Cependant, FO attend la loi de finances pour en savoir plus sur le financement du dispositif. Stéphane Lardy s'interroge aussi sur la suite, “une fois les aides terminées". Il ajoute : “Nous sommes opposés à ce que ces emplois s'appliquent aux enseignants, car ils ne répondront pas aux besoins de l'Éducation nationale."
Benjamin d'Alguerre, Knock Billy, Nicolas Deguerry, Philippe grandin.
"Épée de Damoclès nécessaire"
“Que ces contrats tiennent compte des difficultés des jeunes pour rentrer dans l'emploi et permettent aux seniors de conserver le leur est une bonne chose. Encore faut-il qu'elle soit réalisable." Jean-Marie Truffat, secrétaire national de l'Unsa en charge de la formation professionnelle, insiste sur la nécessité de t ciblages très précis au sein des entreprises, faute de quoi décrochages ou ruptures de contrats pourraient constituer la fin du parcours pour les jeunes. Quant aux sanctions financières, elles constituent, pour Jean-Marie Truffat, “une épée de Damoclès nécessaire, logique" à partir du moment où l'État accorde des aides. “D'éventuelles sanctions financières ne porteront pas à conséquences dès lors que les partenaires sociaux auront réussi à trouver, au préalable, des accords correspondant aux besoins des entreprises, petites ou grandes, et à en assurer le suivi."