Décentralisation : ce que veulent les Régions
Alors que la mise en œuvre l'acte III de la décentralisation doit vraisemblablement être discutée lors de la conférence sociale des 9 et 10 juillet prochains, que l'ARF (Association des Régions de France) travaille en collaboration avec le gouvernement sur ce sujet, L'Inffo est allé interroger directement plusieurs Conseils régionaux pour comprendre leurs attentes. Sur certains points, un consensus doit encore être trouvé.
Par Aurélie Gerlach - Le 17 juin 2012.
Clarification des compétences de Pôle emploi, règlement de la question de l'Afpa et de son patrimoine, pilotage du service public de l'orientation par les Régions… Ces sujets font actuellement l'objet d'un travail étroit entre l'ARF et le gouvernement, dans le cadre de la préparation de l'acte III de la décentralisation, voulu par le président de la République. “Il sera probablement discuté lors de la conférence sociale. Une nouvelle loi devrait être votée ensuite, mais elle ne sera certainement pas opérationnelle avant 2013, car nous avons énormément de sujets à traiter", indique Jean-Paul Denanot, vice-président de l'ARF en charge de la formation professionnelle. Or, parmi les questions à trancher, toutes ne font pas l'unanimité dans les territoires, et doivent encore être discutées, dans le but de voir émerger des positions communes au sein de l'association.
La question de la compétence emploi
Premier problème à l'ordre du jour : jusqu'où décentraliser les compétences de l'État, et notamment celles liées à Pôle emploi ? “La Région doit récupérer la formation des demandeurs d'emploi, y compris celle assurée aujourd'hui par Pôle emploi", déclare Emmanuel Maurel, vice-président de la Région Île-de-France, en charge de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'emploi. “C'est une question clivante, parce que certaines Régions souhaiteraient avoir la main sur l'ensemble des missions exercées par le service public de l'emploi. Nous ne sommes pas sur cette ligne, d'autant qu'en Île-de-France, ce serait un champ bien trop conséquent à gérer."
Côté Pays de la Loire, Jean-Philippe Magnen, vice-président chargé de l'emploi et de la formation, ne dit pas autre chose : “Nous devons avoir la main sur le service public de la formation, une compétence pleine et entière. En ce qui concerne les politiques de l'emploi, une clarification du rôle de Pôle emploi est incontournable. La priorité du service public de l'emploi, aujourd'hui, c'est de cesser de faire appel à des opérateurs privés, et d'assurer correctement sa mission d'insertion dans l'emploi des chômeurs."
La question des budgets de la formation professionnelle est également au cœur de la problématique. Martine Calderoli-Lotz, vice-présidente du Conseil régional d'Alsace (non membre de l'ARF), présidente de sa commission formation professionnelle continue, insiste sur l'impératif de continuité dans les politiques d'insertion : “La Région devrait avoir des compétences sur tous les publics, que ce soit les jeunes, les handicapés ou les chômeurs, dans un souci de cohérence et afin d'éviter toute rupture dans la continuité des parcours. Nous devons avoir la main sur l'ensemble des budgets, ce qui nous permettrait de vérifier qu'il n'y a pas de doublons. Il n'est pas normal que l'illettrisme continue à dépendre de l'État, par exemple !"
Que faire de l'Afpa ?
Autre question à régler : le devenir de l'Afpa. L'ARF réclame une régionalisation de l'association, qui ferait alors partie du service public régional de la formation professionnelle. Cependant, “sur le sujet de l'Afpa, toutes les Régions ne sont pas d'accord", reconnaît Emmanuel Maurel : “Faut-il régionaliser l'association, ou non ? De mon côté, je considère que nous avons déjà beaucoup à faire avec les CFA (centres de formation d'apprentis) ou les lycées. En revanche, nous pouvons aider l'association par le biais de subventions. Nous ne voulons pas de renationalisation de l'Afpa. Il faut trouver le moyen de conforter l'association dans l'exercice de ses missions de base."
“Ce qui va dans le sens de l'histoire, c'est une gestion déconcentrée de l'Afpa, affirme de son côté Jean-Philippe Magnen. Nous sommes pour la récupération du patrimoine de l'Afpa, et pour l'entretien de celui-ci. À condition, bien sûr, qu'on nous en laisse les moyens. Il existe effectivement des divergences entre les Régions, notamment sur la dévolution ou non du patrimoine de l'association, mais également sur le cadre dans lequel nous devons travailler avec elle : faut-il lui attribuer des subventions ? Rester sur les marchés publics ? Fonctionner sur un système mixte ? Pour ma part, je suis favorable à un système de mandatement par l'octroi de droits spéciaux. La subvention, à elle seule, peut générer des inégalités !" Même tonalité du côté de l'Alsace : “Récupérer le patrimoine de l'Afpa ? Pourquoi pas, mais à condition que l'on nous donne les budgets correspondants…", affirme Martine Calderoli-Lotz.
Pour rappel, la controverse entre l'État et certaines Régions, qui souhaitent que le patrimoine de l'Afpa leur revienne, a été portée sur le terrain judiciaire. Une requête faite en ce sens par la Région Centre devant le Conseil d'État a récemment été rejetée.
Unanimes sur les services publics de l'orientation
Parmi les sujets qui font consensus, se trouve notamment celui de la mise en œuvre du SPO (service public de l'orientation). “Je veux que la Région soit pilote. Il est essentiel, cependant, que tous les partenaires aient voix au chapitre. En Alsace, nous menons un excellent travail avec l'État et les entreprises, notamment dans le cadre de notre GIP Univers métiers", se félicite Martine Calderoli-Lotz. “L'orientation est un enjeu énorme, confirme Jean-Philippe Magnen, nous voulons un pilotage clair des Régions dans ce domaine.
Le jeu d'acteur est très complexe, et nous ne pouvons nous contenter de plaquer des modèles qui ne correspondraient pas aux réalités régionales."
L'alternance et le FPSPP au cœur des débats
D'autres sujets doivent également être débattus, et notamment celui de l'alternance. “Nous revendiquons davantage de pouvoir et de compétences sur la gestion de la taxe d'apprentissage, déclare Emmanuel Maurel. Je pense qu'une réflexion doit être menée sur la péréquation. De notre côté, en Île-de-France, nous payons pour les CFA qui n'en reçoivent pas assez, et privilégions les niveaux V et IV."
“Aujourd'hui, en matière d'alternance, il faut viser à la fois le développement qualitatif et quantitatif, poursuit le vice-président d'Île-de-France. C'est ce que nous avions fait avec l'État au moment où nous avons négocié le Com (contrat d'objectifs et de moyens) apprentissage. Pour ce faire, des expérimentations sont à mener. Par exemple, créer des complémentarités entre l'enseignement professionnel et l'enseignement en alternance. Lorsque nous rencontrerons Michel Sapin, je compte bien insister particulièrement sur cet aspect ! Nous sommes parfois témoins de choses absurdes, comme, par exemple, des lycées professionnels et des CFA proches, qui préparent la même spécialité et qui ne mutualisent même pas leurs plateformes techniques."
Le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) et sa déclinaison en régions, souhaitée par l'ARF, s'invitera sans aucun doute dans le débat. “Il n'est pas normal, aujourd'hui, que les Régions ne soient pas associées au FPSPP", prévient Martine Calderoli-Lotz.