Économie sociale - “La trop forte mutualisation imposée par la loi nuit aux politiques de branches"
Par Aurélie Gerlach - Le 01 août 2012.
“L'administration a demandé à Uniformation de réfléchir à une structuration en branches de ses adhérents non signataires d'un accord de branche étendu. C'est un chantier qui ne sera pas évident à gérer. En effet, pour ce faire, il sera nécessaire d'identifier des champs qui ne se chevauchent pas avec d'autres, et ayant une taille suffisante pour ne pas favoriser l'accroissement du nombre de branches peu représentatives." C'est ce que déclarait Robert Baron, vice-président d'Uniformation, le 5 juillet dernier, à l'occasion de la présentation des chiffres de la collecte 2011 de l'Opca de l'économie sociale.
Au cours de cette rencontre, Jean-Pierre Faucheux, président (CFTC) et Thierry Dez, directeur général, sont revenus avec lui sur les différents chantiers en cours pour l'Opca et ses 21 branches, suite au rapprochement d'Uniformation avec Habitat formation, l'organisme collecteur des acteurs de la ville, et le Faf Sécurité sociale au 1er janvier 2012.
En effet, alors que le nouveau gouvernement se mettait en place et que les partenaires sociaux préparaient la conférence sociale des 9-10 juillet, les Opca se sont fait discrets. Et pour cause, depuis la finalisation des rapprochements, ils ont “du pain sur la planche". Entre convergence RH, dévolution de patrimoine, réorganisation de leur gouvernance pour englober leur nouveau périmètre, ou encore rationalisation de leur fonctionnement pour atteindre les objectifs fixés par leur Com (convention d'objectifs et de moyens) récemment signée avec l'administration, notamment en termes de frais de gestion.
Un recours en Conseil d'État dans la branche du sport
Ainsi, les représentants d'Uniformation sont notamment revenus sur le différend opposant les deux organisations patronales de la branche du sport au sujet de la désignation de leur Opca. Pour rappel, les organisations syndicales et le CNEA (Conseil national des employeurs associatifs, organisation patronale dans les domaines de l'animation, du sport et du tourisme social et familial) ont signé en juillet dernier un avenant à la convention collective nationale désignant Uniformation comme seul collecteur, alors que, jusqu'à présent, les entreprises avaient le choix de verser leur contribution à Agefos-PME ou Uniformation. En revanche, le Cosmos (Conseil social du mouvement sportif, employeurs du sport associatif, mais aussi professionnel) a fait savoir son désaccord quant au choix d'un Opca unique de branche.
“La DGT (Direction générale du Travail) a refusé d'étendre un accord signé par neuf partenaires sociaux sur dix en s'appuyant sur de vieilles jurisprudences… L'agrément d'Uniformation, dans la branche du sport, est désormais restreint au Cif", résume Robert Baron. “Le résultat, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus de politique de branche en matière de formation dans la branche du sport. Les structures sont gérées par l'interprofessionnel au titre des adhérents ne relevant pas de convention collectives", déplore-t-il.
Un recours en Conseil d'État a été déposé par les organisations syndicales de la branche : CFDT, CFTC, CGT, CFE-CGC, FO, l'Unsa, la Cnes (Confédération nationale des éducateurs sportifs, des salariés du sport et de l'animation) et la Fnass (Fédération nationale des syndicats de sportifs ). Les parties doivent, d'ici le 15 août, présenter leur mémoire au Conseil.
Les adhérents ne relevant pas d'une branche
“Durant le processus de réagrément, s'est posée la question des adhérents qui ne relèvent pas d'une branche. En effet, historiquement, notre Opca finance la formation de structures qui adhèrent sans être signataire d'une convention collective étendue." L'administration a demandé à Uniformation de réfléchir à une structuration en branches de ses adhérents. Un chantier qui ne sera pas évident à gérer, selon Robert Baron. “Pour ce faire, il sera nécessaire d'identifier des champs ne se chevauchent pas avec d'autres, et ayant une taille suffisante pour ne pas favoriser l'accroissement du nombre de branches peu représentatives."
Il lui apparaît que, quels que soient les efforts, il restera toujours de nombreux adhérents qui ne seront pas signataires d'une convention collective, et la question de leur situation devra se poser. “Ce que nous souhaitons, c'est que lorsque cela est identifiable, une entreprise ait la capacité de cotiser à l'Opca qu'elle juge pertinent, qui lui apparaît comme étant celui de son rattachement. Depuis 1994, la question n'avait plus été soulevée. C'est la remise à plat de tous les agréments qui a remis en avant la problématique", souligne Robert Baron.
La question de la mutualisation
Par ailleurs, Robert Baron estime aujourd'hui nécessaire une discussion sur les politiques de branche. “Dans notre secteur, il y a souvent une volonté de forte mutualisation au sein des branches et certaines cotisent bien au-delà du légal. Les Missions locales, par exemple, sont à 2,35 % de la masse salariale sur le plan de formation des structures de moins de 10 salariés. Or, aujourd'hui, la loi demande une mutualisation au premier euro entre tous les adhérents d'un même Opca, faisant fi des efforts plus ou moins importants consentis, et décourageant les politiques de branche. C'est un vrai débat que nous voulons avoir avec les ministres concernés. Parfois, une trop forte mutualisation est contre-productive", estime le vice-président d'Uniformation.
La présence de l'Opca en régions
Aujourd'hui, Uniformation couvre l'ensemble territoire métropolitain, et a la volonté d'ouvrir, cet automne, une structure couvrant les régions Guadeloupe et Guyane, et une autre pour La Réunion et Mayotte. “Nous sommes déjà présents en Martinique, grâce à un accord que nous avons avec Opcalia", précise Thierry Dez.
Côté gouvernance de l'Opca, les représentants d'Uniformation expliquent que le nombre d'administrateurs (24) n'a pas été modifié depuis le rapprochement avec Habitat formation et le Faf Sécurité sociale. “Ce qui change, par exemple, c'est qu'avant, l'Usgeres avait le monopole de la représentativité patronale alors que, maintenant, nous partageons. Et c'est la même chose côté salarié", indique Robert Baron.
Enfin, pour ce qui est du personnel d'Uniformation, qui depuis les rapprochement, représente environ 310 personnes, le directeur de l'Opca confirme la signature en juillet de deux accords de transition permettant aux ex-salariés d'Habitat formation et du Faf Sécurité sociale de rejoindre les statuts d'Uniformation. “La dévolution des biens est faite depuis le 7 juin 2012, Nous n'avons pas pris de retard à la fois, que ce soit sur les aspects RH, comptables, ou encore sur la migration informatique."
Frais de gestion
À l'occasion de la rencontre, Jean-Pierre Faucheux, Robert Baron et Thierry Dez sont revenus sur la récente signature de leur Com (convention d'objectifs et de moyens) en début d'année 2012. Le niveau des frais de gestion accordés à l'Opca dans le cadre de cette convention, est, selon le président d'Uniformation, source de difficultés : “La loi exige une présence accrue auprès des salariés en région et pourtant, les frais de gestion sont diminués."
Selon Thierry Dez, le directeur général d'Uniformation, restent des éléments sur lesquels la discussion avec l'administration doit progresser. “Un sujet est déjà réglé pour une partie : celui des frais de gestion assis sur les cofinancements. L'administration a accepté que des frais de gestion soient assis sur les financements apportés par FPSPP. Reste la question des cofinancements que nous recevons de la part des Régions, du FSE (Fonds social européen), de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) : cela représente entre 20 et 25 millions de versements sur lesquels nous n'avons droit à aucun frais de gestion. C'est donc une gestion que nous effectuons à titre gratuit aujourd'hui !, explique-t-il. Ce que nous souhaiterions, c'est la mise en place d'un pourcentage spécifique pour ces fonds, et nous accepterions, bien-entendu, de déduire les frais d'ingénierie apportés par le cofinanceur…"
38,9 MILLIONS D'EUROS DE COFINANCEMENTS
Uniformation a fourni des éléments relatifs à sa politique de cofinancement. Ainsi, en 2011, plus de 100 projets ont été menés. L'Opca met ainsi en avant un apport de 15 millions d'euros de subventions de la part du CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'économie), qui a permis le cofinancement d'environ un million d'heures de formation dans le secteur de l'aide à domicile, au bénéfice de 45 000 stagiaires. Les fonds complémentaires représentent en 2011 plus de 36 % de la collecte plan des structures de ce secteur.
D'autre part, environ 26 millions d'euros ont été obtenus par Uniformation auprès du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) dans le cadre de huit appels à projets. Parmi eux, le projet “Socle de compétences", pour lequel Uniformation a obtenu la plus forte enveloppe, soit 19,6 millions d'euros. Sur l'année 2011, 21 114 stagiaires pour 19 796 initialement prévus ont bénéficié des actions de formation baptisées “Les essentiels" (savoirs de base en situation professionnelle, initiation informatique bureautique, langues appliquées au contexte professionnel, travail en équipe). Le montant total des demandes a dépassé les ressources accordées par le FPSPP, pour atteindre 24 millions d'euros. Uniformation, pour poursuivre son engagement dans la lutte contre illettrisme, s'est engagé à financer les projets au-delà des moyens accordés par le FPSPP.
Au total ce sont 38,9 millions d'euros de cofinancements qui ont été engagés en 2011, pour les années 2011, 2012 et 2013. Sur ces cofinancements, 25,8 millions ont été réalisés au titre de 2011.
Une collecte de 309 millions d'euros pour 2011
Uniformation a collecté, au titre de 2011, près de 309 millions d'euros auprès de ses adhérents, soit une augmentation de 0,8 % par rapport à l'année 2010. Tels sont les résultats du nouveau champ de l'Opca de l'économie sociale, élargi a 21 branches professionnelles.
Relative stabilité de la collecte, donc, à l'exception de celle du Cif, qui progresse de 8,3 %, passant de 48,6 à 52,5 millions d'euros (une hausse due en partie à l'arrivée de Pôle emploi) et d'une baisse de 11 % des contributions collectées auprès des entreprises de moins de 10 salariés (qui passe de 28,3 millions d'euros à 25,1 millions d'euros, notamment à cause du départ du de la branche du sport). La professionnalisation, elle, reste stable, à 89,3 millions d'euros en 2011. “Nous constate des évolutions dans certains secteurs, indique le directeur général, Thierry Dez. Les Missions locales, l'animation, l'aide a domicile ou la mutualité sont en progression." Malgré cette collecte encourageante, il fait part de quelques inquiétudes : “Nous commençons à être confrontés à une situation inhabituelle : nos secteurs commencent à se fragiliser au même titre que les secteurs industriels et commerciaux, et nos adhérents font de plus en plus face à des liquidations judiciaires."
Des dépenses de formation en hausse
Les dépenses de formation en 2011, quant à elles, progressent de 1,88 % en passant de 266,9 à 271,9 millions d'euros. Uniformation insiste notamment sur l'attention qu'il porte aux entreprises de moins de 10 salaries : sur le périmètre historique d'Uniformation, + 19 % de stagiaires sont partis en formation (27 079 personnes pour une durée moyenne de 46 heures de formation). L'offre de formation “Clé en main" d'Uniformation semble particulièrement bien accueillie par cette population, puisque 60 % des entreprises ayant eu recours à cette offre sont des structures de moins de 10 salariés et 20 % d'entre-elles n'avaient pas envoyé des salariés en formation depuis trois ans. Les plus demandées, dans ce cadre, sont : gestion des petites associations, formation à l'informatique avec les PCIE (passeport de compétences informatiques européen) et droit du travail.
Autre sujet mis en avant : la plate-forme d'accompagnement des salariés, baptisée “Infoparcours", étendue à toutes les régions depuis mai, et dont le développement doit être poursuivi. “Nous recevons environ 50 appels par jour, précise Thierry Dez. Le point positif, c'est que 40 % des appels concernent de nouveaux projets !"