Élection présidentielle : scénarios à l'aune du deuxième tour

Dans six jours, l'élection sera jouée, mais la partie ne sera cependant pas terminée, car c'est des élections législatives – qui se dérouleront les 10 et 17 juin – que dépendra le choix du gouvernement et de la politique conduite durant les cinq ans à venir.

Pour les principales forces en présence, celles du deuxième tour de l'élection présidentielle, quelles seraient les premières mesures en matière de formation ?

Pierre Ferracci, président du groupe Alpha, ancien président du groupe multipartite préparatoire à l'Ani de janvier 2009, a bien voulu se prêter à l'exercice prospectif.

Par - Le 01 mai 2012.

Pierre Ferracci en est persuadé, la première réforme souhaitée par une majorité UMP − telle que dirigée par Nicolas Sarkozy − serait la mise en œuvre de sa “réflexion radicale" : l'obligation faite aux demandeurs d'emploi, après quelques mois d'indemnisation, de suivre une formation qualifiante, et, à l'issue de celle-ci, d'accepter la première offre d'emploi correspondant au métier pour lequel ils auraient été formés. Mais à ses yeux c'est “une fausse piste. Certains demandeurs d'emploi ont besoin d'une formation, d'autres doivent être accompagnés". Ce serait donc, pense-t-il, “un gaspillage de ressources que de mettre tout le monde en formation, avec de mauvaises formations qui ne seraient pas ciblées".

Deuxième piste : “Recentrer sur Pôle emploi la formation des demandeurs d'emploi et marginaliser les Régions. Alors qu'il faut au contraire renforcer et clarifier leurs prérogatives envers ce public et déconcentrer davantage Pôle emploi", plaide Pierre Ferracci, ajoutant que le rapport Larcher tend à aller dans ce sens, en donnant davantage d'autonomie à des fonds régionaux, “de façon prudente". Une tâche qui ne sera pas aisée, car “Pôle emploi a du mal à se déconcentrer. Pourtant, c'est une bonne idée."

“La troisième réforme envisagée est la suppression du 0,9 %", la contribution légale des entreprises au financement de la formation. “Et sur ce sujet, je suis plus nuancé que tout le monde. Je ne suis pas partisan d'une suppression totale, mais pour une obligation ciblée. On doit obliger les entreprises à former les salariés les plus fragiles pour mettre à jour leurs compétences, dans la logique de ce qui a prévalu à la création du FPSPP : former 500 000 salariés peu qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi de plus." Pierre Ferracci estime que cela devrait être couplé avec la négociation du plan de formation au sein de l'entreprise, une autre proposition du rapport Larcher. “Plutôt maintenir l'obligation légale, mais en la ciblant sur les moins formés et l'accompagner d'une négociation du plan de formation dans les entreprises de plus de 250 salariés. Cela ferait du bien aux partenaires sociaux de se pencher sur ces questions-là", estime-t-il.

Ruptures, ou partenariats ?

Parallèlement, Pierre Ferracci observe que François Hollande a très tôt donné des gages à la décentralisation, prévoyant de mettre en œuvre rapidement cette politique. Une majorité PS irait “jusqu'au bout de cette logique de décentralisation", mais ne pense pas que le candidat a prévu “d'aller jusqu'à confier la politique de l'emploi aux Régions". Préférant “donner davantage de moyens à Pôle emploi",
accompagnés d'une clarification des compétences respectives.

Autres acteurs à “respecter", les partenaires sociaux. “Je conseillerais de garder le FPSPP national et de le compléter avec des fonds régionaux, abondés par l'État, les Régions et les partenaires sociaux, avec une dominante ou deux sur le fonds, l'État et les partenaires sociaux. Cela n'empêcherait pas les Régions d'être présentes dans la réflexion, mais il faut un pilote." Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, car “nous voyons bien que le FPSPP n'est pas paritaire, sinon l'État ne se permettrait pas de le ponctionner", commente Pierre Ferracci.
En tout état de cause, il ne croit pas en la volonté de François Hollande de se lancer dans une réforme profonde de la formation professionnelle, alors que la plupart des acteurs demandent de laisser à l'Ani de 2009 le temps de se mettre en place et qu'un bilan en soit tiré. Si cette réforme a lieu, elle se fera en amont. “Voyez la composition de son équipe de campagne : il a rattaché la formation professionnelle à l'éducation, et non à l'emploi. Il est toujours question des 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme, on leur prescrit de la formation professionnelle, alors que le problème se situe à l'école primaire. En cela, il faut copier les pays nordiques", conseille Pierre Ferracci. Ce qui ne veut pas dire que “la formation professionnelle sera la rustine de l'Éducation nationale ! Éducation, formation, l'un ne va pas sans l'autre. Il faut cesser de tout découper en tranches. Une réforme passe par beaucoup de préparation, un dialogue d'une autre nature. La vraie réforme radicale, elle passe par là !"