Entre Dif et gestion des compétences : tango argentin et mariage à la “GREC"
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 avril 2012.
“Les compétences de demain peuvent-elles être anticipées ?" C'est à l'occasion des 6es Trophées du Dif que le consultant et juriste Jean-Pierre Willems a posé la question de l'articulation entre droit individuel à la formation et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. “Le Dif et la GPEC peuvent former un couple harmonieux, voire s'essayer à un tango argentin", écrira-t-il le lendemain sur son blog.
Demeure, cependant, la question de la planification des emplois et des compétences nécessaires dans l'avenir. “Puis-je former aujourd'hui pour répondre à des besoins qui ne s'exprimeront que des années plus tard ?", s'est demandé le consultant. Et à cette question, la réponse est “non". Alors ? “La meilleure adaptation demeure celle du « juste à temps », sans quoi le bénéfice de la formation risque d'être perdu et les compteurs remis à zéro", a-t-il expliqué. Dans cette situation, le Dif peut constituer une réponse aux besoins prévisionnels des talents de demain.
Contextualiser les compétences
Se pose, alors, pour l'entreprise, le problème du capital humain et, pour le salarié, celui de la valorisation de la formation suivie. Dans leur rapport d'octobre 2011, rédigé pour l'Institut Montaigne (voir L'Inffo n° 798), Marc Ferracci, Pierre Cahuc et André Zylberberg avaient noté que la formation avait peu d'influence sur d'éventuelles augmentations de salaires. “Le capital humain ne se retrouve pas dans les comptes des entreprises. Le travail est avant tout valorisé par le salarié lui-même", a estimé pour sa part Jean-Pierre Willems, estimant même que la notion de capital (ou de stock) de compétences “relevait, dans le meilleur des cas de l'oxymore et n'avait pas beaucoup de sens". D'où l'importance, à ses yeux, d'une contextualisation des compétences, celles-ci pouvant augmenter ou se déprécier au cours des années. “À en croire le modèle de Princeton, 10 % des compétences sont directement issues de la formation formelle, 20 % de l'expérience acquise par le biais de ses collègues et les 70 % restants proviennent de l'activité du salarié." Et d'ajouter : “La formation n'est jamais qu'une promesse de compétence. La compétence réelle ne se développe que sur le lieu de travail."
“GREC" : gestion réactive
Les compétences appartiennent-elles à l'entreprise ou au salarié ? Jean-Pierre Willems est catégorique : “Un contrat de travail correspond à une location de service, pas à l'achat d'une personne… la différence entre l'esclavage et le salariat, c'est la possibilité de démissionner !" De fait, si les compétences acquises par un salarié sont susceptibles de quitter l'entreprise en même temps que lui, les managers pourraient-ils être tentés de refuser les demandes de formation au titre du Dif dans le cadre d'une GPEC ? “Le Dif peut être provisionné parce que son utilisation est soumise à accord entre l'entreprise et son collaborateur, a indiqué le juriste, encore faut-il avoir la volonté de manager par la négociation la professionnalisation des salariés. Mais si tel est le cas, les conditions de l'efficacité de la formation n'en seront que mieux remplies." Alors, dans l'acronyme GPEC, c'est finalement le “P" de “prévisionnelle" qui pose problème. Jean-Pierre Willems suggère d'y substituer le “R" de “réactive" et transformer la GPEC en “GREC" afin de prendre en compte l'aspect d'anticipation que recouvre cette notion. “Dans toute l'Europe, on parle de sécurisation des parcours… sauf en Lettonie où l'on préfère évoquer « l'optimisation des opportunités ». De tous les pays de l'Union, c'est le seul qui emploie un terme positif pour désigner la gestion des emplois et des compétences à venir !"