Joël Ruiz, un expert à la tête d'Agefos-PME

Par - Le 16 septembre 2012.

“Avec lui, l'humain prend toujours le pas."

Dans son bureau éclairé comme à ciel ouvert, il vous accueille chaleureusement. Mais Joël Ruiz n'est pas du genre à parler de lui-même. En tant que directeur général d'Agefos-PME, ses actions et ses interventions dans les colloques et autres manifestations parlent déjà de lui. Selon son confrère Yves Hinnekint, le directeur général d'Opcalia, Joël Ruiz “fait partie des experts de la formation professionnelle. Il est très investi et il connaît très bien les dispositifs techniques et politiques". Il fait d'ailleurs partie des “anciens du monde de la formation professionnelle".

Aujourd'hui, il gère le plus imposant des collecteurs interprofessionnel : 300 collaborateurs et 50 branches professionnelles et un volume de collecte qui pourrait finir par tutoyer le milliard d'euros ! Joël Ruiz avoue avoir été marqué par les deux réformes des Opca. “Celle de 2004, plutôt axée sur le système de la formation, avec un élargissement considérable des dispositifs à financer, a été très importante pour moi, pour installer une dynamique de croissance d'Agefos". Quant à celle de 2009, orientée sur la gouvernance, elle a été porteuse de “tensions entre les Opca, et avec l'État". Une réforme “fatigante et éprouvante", aussi bien pour le DG que pour son équipe.

Interroger ses partenaires professionnels revient à entendre un univoque flot d'éloges. Ainsi Michèle Duval, secrétaire générale du Conseil national des entreprises de coiffure (Cnec) : “C'est un directeur d'Opca qui fait preuve d'un très grand professionnalisme, doté d'une grande capacité d'écoute et qui a toujours le souci de trouver le consensus entre les différents partenaires." Pour Jean-Philippe Cépède, directeur juridique-observatoire (DJO) à Centre Inffo, dont il a été collègue pendant plusieurs années, Joël Ruiz “a très vite montré sa capacité à gérer une vingtaine de dossiers à la fois. Une telle maîtrise organisationnelle n'est pas une qualité courante". Michèle Boumendil, directrice du cabinet Boumendil & Consultants, y ajoute “la perspicacité". Joël Ruiz “ne s'intéresse pas seulement à la technicité des dossiers. Dans sa réflexion, interviennent différents strates : il réfléchit toujours à la fois en termes politiques, philosophiques, historiques. Avec lui, l'humain prend toujours le pas". Elle le connaît depuis bientôt trente ans, pour avoir été sa directrice de mémoire en DEA de droit et relations sociales à la Sorbonne. Et quand on insiste, Joël Ruiz ajoute : “Ma fonction de DG dans une structure à trois têtes (président, vice-président et DG), m'a appris la discrétion, à savoir garder ma place."

Un sens de la discrétion qui serait liée “à l'histoire difficile" de sa famille, qui a connu la Guerre d'Espagne (de juillet 1936 à avril 1939), son père ayant combattu aux côtés des Républicains. “Jusqu'au milieu des années 1960, il était interdit à mes parents de retourner dans leur pays." Et de l'exil de ses parents, ce natif de Lyon retient que “les épreuves, dès lors qu'elles ne vous tuent pas, vous renforcent" et que “la République, au sens de la liberté de conscience et de la justice, est une chose inestimable".

Marqué par cette transmission de valeurs, étudiant en DEA, Joël Ruiz choisit, à 22 ans, d'accompagner des jeunes en difficulté “qui avaient trois ou quatre ans de plus que moi" dans des stages de qualification en entreprises, dans le cadre de l'ordonnance du 26 mars 1982 sur les mesures destinées à assurer aux jeunes une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale. Il poursuit cette mission à Centre Inffo, où il est embauché en juin 1984, “au moment de la première réforme globale du système de formation mettant en place le premier contrat en alternance". Rejoignant une équipe de spécialistes en droit social, avec notamment Jean-Marie Luttringer, Jean-François Nallet, Michèle Boumendil, Olivier Jacquet et Jean-Philippe Cépède. Livrant des informations juridiques (dans Les Fiches pratiques de la formation continue) ou des analyses expertes (dans Actualité de la formation permanente) et animant des formations à l'attention des professionnels (lors de Journées techniques), l'équipe “démontrait déjà à cette époque que Centre Inffo pouvait être dans la polyvalence".

Ses compétences juridiques et rédactionnelles lui permettent d'intégrer, dans le cadre de son service militaire, le ministère de la Défense, pour “aider à comprendre les trajectoires professionnels des jeunes appelés. J'avais été retenu parce que, grâce à Centre Inffo, j'étais le seul à avoir publié des articles", s'amuse-t-il. Après son retour à Centre Inffo, Joël Ruiz est recruté par Agefos-PME en qualité d'expert, et prend notamment en charge l'organisation du 20e anniversaire de l'Opca, qu'il quitte dix ans après. Pour, à la suite d'un out-placement, rejoindre une mutuelle de santé, au poste de directeur du développement. “Je voulais prendre un peu de distance avec ce que je faisais", soutient-il. Mais, l'“évasion" ne durera que trois ans. Le président d'alors, François Roux, le rappelle, en 2003, pour diriger Agefos-PME. Hyperactif, Joël Ruiz est par ailleurs, simultanément, président de la commission normalisation de l'Afnor (qualité de la formation professionnelle) et professeur en master GRH à l'École normale supérieure de Cachan, et il participe en 2006, avec Philippe Dole (Igas) et Patricia Bouyaguet (Afpa) au chantier sur les transitions professionnelles. Un parcours récompensé par la Légion d'honneur en 2010. Et qui donne au DG d'Agefos-PME, dont “100 % des ressources proviennent des entreprises, alors que le tiers est consacré à la réinsertion des demandeurs d'emploi", la légitimité de se demander, face à la situation actuelle de l'emploi, “comment conserver encore de la ressource pour soutenir la formation des salariés tout en renforçant les actions pour la reconversion des chômeurs".