L'enseignement professionnel, “concurrent" de l'Éducation nationale ?
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 juin 2012.
Une formation des adultes devant se dissocier du cadre de la formation initiale, des Régions qui “ne doivent pas craindre le challenge" avec l'État en matière d'alternance… Si son nom n'a pas été expressément cité ce 22 mai, lors de la matinée-débats du Cnam et d'Éducation permanente “L'alternance, au-delà du discours", la récente nomination de Michel Sapin au portefeuille du Travail, mais aussi de la Formation professionnelle, a été l'occasion d'échanges sur le présent et l'avenir de la formation des adultes.
Couper le cordon entre formation des adultes et Éducation nationale ? Jean-Pierre Boisivon, ancien directeur de l'Essec et président du comité d'évaluation du “programme des investissements d'avenir" pour la modernisation des formations en alternance, s'y est montré particulièrement favorable, appelant à “une nouvelle transition" entre ces deux secteurs de la formation, “afin que les filières professionnelles et d'apprentissage cessent d'être des voies de relégation pour ceux qui les empruntent". Depuis près de cinquante ans, le schéma dominant demeure celui de l'Éducation nationale, qui “fonctionne en boucle sur lui-même, à l'avantage des enfants d'enseignants qui, aujourd'hui, composent près d'un tiers de l'effectif des grandes écoles". Jean-Pierre Boisivon a plaidé pour le développement d'une forme d'enseignement professionnel et d'alternance qui puisse constituer une... alternative à ce système. “Une alternative qui ne doit pas craindre de se poser en concurrent du système de l'Éducation nationale !"
Les Conseils régionaux comme “régulateurs"
Demeure la question du financement de ladite alternative. Aux yeux de l'ancien directeur de l'Essec, la réponse pourrait venir des Régions, lesquelles disposent des compétences étendues en la matière. “Grâce aux pilotages régionaux des CFA et lycées professionnels, nous commençons à disposer à la fois d'une vision stratégique, mais aussi d'une péréquation financière susceptible de faire émerger des projets", a-t-il expliqué.
Une perspective cependant tempérée par Michel Théry, chef du département formation et certification au sein du Céreq, puisqu'en dépit du caractère “indispensable" du rôle des Régions en matière de formation et d'apprentissage, ces dernières restent “des voitures-balai par rapport aux missions qui leur sont confiées". Par exemple suite au hiatus existant entre le financement des contrats d'alternance que proposent les Chambres d'artisanat par rapport à leurs “cousines" mieux loties que sont les CCI. “Il peut exister des rapports allant de un à dix entre les financements dont peuvent bénéficier certains contrats d'alternance par rapport à d'autres, en fonction des structures. Il appartient aux Conseils régionaux de servir de régulateurs."
Pour Vincent Merle, professeur titulaire de la chaire travail, emploi et acquisitions professionnelles au Cnam (et président d'Aquitaine Cap métiers), les Régions “ne doivent pas avoir peur de s'emparer du sujet de la revalorisation de la formation professionnelle et de l'apprentissage". Aujourd'hui, il existe des disparités au plan local, certaines Régions allant dans le sens d'une régionalisation accrue de la formation, là d'autres se montrent plus réservées. Une situation que Vincent Merle explique par le poids d'un corps enseignant “parfois hostile à l'ouverture à l'alternance des lycées professionnels".