Le “manifeste" de l'Alliance villes emploi sur la réforme du service public de l'emploi
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 janvier 2012.
C'est lors des Journées nationales des Maisons de l'emploi et des Plie, organisées à Rennes les 8 et 9 décembre derniers, que l'Alliance villes emploi (AVE) a voté son manifeste “Les MDE et les Plie dans le cadre de la réforme du service public de l'emploi" pour défendre ces structures locales à l'occasion de l'élection présidentielle. Le débat est lancé.
“Les collectivités locales participent, de façon tout à fait volontariste, sans véritablement de compétences de droit, à l'éclosion de ce champ nouveau qu'est la politique territoriale pour l'emploi, depuis plus de vingt ans[ 1 ]Le premier Plie a été établi en 1990. Les Maisons de l'emploi ont été organisées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. ! Aussi souhaitons-nous que les outils et stratégies développés au sein des Maisons de l'emploi (MDE) et des Plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) soient définitivement stabilisés dans l'environnement national des politiques de l'emploi." Les 8 et 9 décembre, Gwenaëlle Hamon, vice-présidente de Rennes-Métropole et présidente de la Maison de l'emploi, de l'insertion et la formation de Rennes, était, en quelque sorte, l'hôte des Journées des MDE et des Plie organisées au cœur du pays breton.
Car, même en l'absence d'un cadre légal définissant exactement leur champ d'activité, ces organismes territoriaux ont su, depuis leur fondation, développer une expertise certaine en matière d'insertion dans l'emploi, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale (GPECT), d'information sur l'orientation et l'insertion ou de développement économique local. Autant de compétences dont l'État est amené à tenir compte, notamment en matière de financement des institutions de terrain. Le manifeste que l'Alliance villes emploi a voté à l'unanimité le 8 décembre “représente un acte politique fort", a souligné l'élue de Rennes-Métropole.
**Échelon local contre échelon national ?
“La crédibilité des Maisons de l'emploi s'est construite avec le temps, au fil des partenariats construits avec les chambres consulaires, les entreprises ou les partenaires sociaux", a rappelé Gwenaëlle Hamon. Las. Pour l'heure, MDE et Plie évoluent dans des strates administratives souvent trop lourdes à gérer, comme l'ont souligné plusieurs directeurs de Maisons de l'emploi au cours de la journée du 9 décembre. “Un mille-feuilles administratif", a résumé Patrick Bonnet, directeur du développement social et des solidarités chez GDF-Suez, mais aussi membre de la Fondation agir contre l'exclusion (Face).
“Nous ne cherchons pas à nous opposer au service public de l'emploi, a repris l'élue rennaise, les Maisons de l'emploi se considèrent comme des ensemblières territoriales dans un cadre général défini par l'État." L'articulation avec le réseau territorial de l'opérateur national Pôle emploi fait d'ailleurs partie des propositions que le manifeste soumet aux candidats à l'élection présidentielle.
“Il serait temps d'en finir avec la querelle entre Jacobins et Girondins", a souhaité Hervé Le Jeune, délégué général de l'Union des entreprises pour l'Ille-et-Vilaine, qui a insisté sur la différence existant entre temps entrepreneurial et temps politique, le second accumulant en général un certain retard sur le premier. “D'où l'importance de la réactivité de ces structures territoriales susceptibles de déterminer avec plusieurs années d'avance les besoins des bassins d'emploi locaux." Et de citer, à titre d'exemple, le site Sagem de Fougères, qui a totalement abandonné la production de téléphones mobiles pour lui substituer celle de matériel de haute technologie destiné à l'armée. “Malheureusement, a regretté le représentant des entrepreneurs du département, les organisations syndicales ne communiquent sur la GPEC qu'en la considérant comme le premier pas vers le licenciement de masse."
**“Syndicats de copropriétaires ?"
Un propos sur lequel a rebondi Anousheh Karvar, secrétaire confédérale en charge de la formation et de la GPEC au sein de la CFDT, qui a insisté sur la différence profonde entre GPEC territoriale (anticipation des mutations et besoins futurs sur un bassin d'emploi) et GPEC en entreprise (obligation légale en cas de plan social). Tout en indiquant que son organisation demeurait favorable à l'idée de pilotage des politiques de l'emploi par l'échelon local, la syndicaliste n'en a pas moins précisé qu'à ses yeux, “la multiplication des partenaires territoriaux peut faire ressembler un Plie à un syndicat de copropriétaires, au sein duquel toutes les contradictions peuvent exister".
Une situation qui voit souvent les partenaires sociaux “pris en otage entre les tirs croisés des politiques". Les politiques, justement, font l'unanimité dès lors qu'il s'agit de choisir un pilote dans l'avion. “Avec l'expérience acquise par les Maisons de l'emploi et les Plie, ces derniers disposent de toute légitimité pour mener les politiques territoriales en matière d'emploi", a assuré Gwenaëlle Hamon. “Toutefois, au sein de ces structures, le dernier mot doit revenir aux élus, qui tirent leur légitimité du suffrage universel." Une opinion très largement partagée lors de ces rencontres.
Une politique territoriale “personnalisée"
“J'attends une politique territoriale personnalisée et adaptée aux besoins des publics et des entreprises", a indiqué Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur Modem et ancien président de la communauté urbaine d'Arras. “Chaque demandeur d'emploi, chaque dirigeant d'entreprise devrait être susceptible de se voir accueilli et écouté par des agents disposant d'une bonne connaissance des enjeux territoriaux présents et à venir." Ainsi, à Arras, c'est la Maison de l'emploi qui assure le recrutement des ouvriers en charge de percer le futur canal Seine-Nord.
Entre politiques “verticales" et gestions “horizontales"
Député PS d'Indre-et-Loire, Jean-Patrick Gille était venu, ce 9 décembre, s'enquérir des requêtes formulées dans le manifeste de l'Alliance villes emploi. “De telles demandes illustrent bien la montée en puissance des territoires dans les problématiques sociales", a-t-il déclaré. Ajoutant qu'il lui semblait naturel que les Régions soient chefs de file de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, puisqu'elles sont chargées de la gouvernance des politiques de formation, de développement économique et de gestion des CFA, “sans que cela remette en cause la compétence des Conseils généraux pour la gestion du revenu de solidarité active".
Attention, cependant. “Le danger vient de politiques verticales, décidées à Paris et appliquées en province, mais la confusion peut aussi naître de gestion trop horizontales dans lesquelles diverses institutions territoriales, de même compétence, se retrouveraient chargées de l'orientation, de la formation, de l'emploi, du développement économique ou de la validation", a averti le parlementaire, pour qui le concept de MDE ne se confond pas avec celui de structure. “Une Maison de l'emploi doit-elle être un lieu unique abritant tous les acteurs de l'insertion et de l'emploi sur un territoire ? Je ne le pense pas. Ce modèle n'est pas adaptable à tous les bassins économiques." À ses yeux, l'essentiel reste que MDE et Plie, sans nécessairement regrouper tous les décideurs locaux, puissent se voir dotés de compétences en matière de diagnostic des situations et des besoins, d'élaboration de stratégies ou d'ingénierie territoriale des politiques de l'emploi. Autre argument : la diversité des publics concernés. “Il me paraît peu logique de mêler seniors et jeunes au même guichet. Leurs parcours relèvent de logiques différentes."
Pour Jean-Patrick Gille, si l'État doit rester maître du service public de l'emploi et déterminer les grandes orientations nationales, il ne doit cependant pas hésiter à développer des partenariats renforcés avec les partenaires sociaux et l'échelon local.
“Étendre les compétences des MDE et des Plie"
Vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire, Jean-Philippe Magnen (Europe Écologie-Les Verts) avait répondu présent à l'invitation d'Alliance villes emploi, le 9 décembre. Il a assuré approuver la volonté des MDE et des Plie de se voir davantage impliquées dans la gestion du développement économique de leurs bassins d'emploi.
Pour lui, la gouvernance de telles politiques devrait s'appuyer sur le couple formé par la Région et l'intercommunalité locale, partenariat permettant aux collectivités d'identifier au mieux leurs besoins et d'y répondre efficacement. “Mais cette question ne devrait pas se limiter à l'emploi et à l'insertion", a précisé l'élu écologiste, pour qui les MDE devraient voir leurs compétences étendues “à l'accompagnement de la transition économique, au développement local et à la formation professionnelle".
“Redéployer les moyens, mais sous réserve d'évaluation des activités concrètes"
La gestion locale des politiques d'insertion et d'emploi, Pierre Méhaignerie y croit. Si son statut de parlementaire, d'élu municipal (de Vitré, en Ille-et-Vilaine) et d'ancien ministre a été rappelé lors de son intervention, c'est surtout en sa qualité de fondateur de la Maison de l'emploi de Vitré qu'il a affirmé être venu à la rencontre des représentants des MDE et des Plie. Et il est vrai qu'en tant que député, il s'est opposé au projet de réduire la dotation des Maisons de l'emploi de 30 millions d'euros.
Et d'expliquer : “Je demeure attaché à la gouvernance territoriale des politiques d'emploi, de formation professionnelle et d'insertion, mais je reste tout de même favorable à des mesures de simplification en la matière." Si la réunion au sein d'un même bâtiment de tous les acteurs de l'insertion et de l'emploi de la ville de Vitré dont il est maire reste, pour lui, source de fierté (ce dispositif unique aurait permis au Pôle emploi local de voir son nombre d'offres recensées augmenter de 60 %), Pierre Méhaignerie n'en a pas moins mis en garde contre le goût de tout complexifier. Invitant à la comparaison “avec l'efficacité des Jobcenters scandinaves".
Pour l'élu UMP, il appartient donc aux acteurs territoriaux de l'emploi et de l'insertion de prendre en charge ces dispositifs que sont la VAE, le versement du RSA et même la formation professionnelle, autant d'ambitions exigeant d'importants redéploiements de moyens vers les Maisons de l'emploi et les Plie, susceptibles d'être financées en partie par les Régions, l'État et le Fonds social européen (FSE). Un cadre d'action auquel pourrait également être associé l'Unedic, mais qui exigerait également une évaluation plus appuyée des activités concrètes des structures de l'insertion et de l'emploi.
Notes
1. | ↑ | Le premier Plie a été établi en 1990. Les Maisons de l'emploi ont été organisées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. |