Les “emplois d'avenir" à l'Assemblée le 24 septembre

Ils constituaient l'une des promesses du candidat Hollande lors de la campagne : les emplois d'avenir − contrats à destination des jeunes de 16 à 25 ans, sans qualification, issus de quartiers défavorisés ou de zones rurales enclavées, subventionnés à 75 % par l'État − ont été présentés en conseil des ministres le 29 août. Le projet de loi sera examiné par l'Assemblée nationale à partir du 24 septembre.

Par - Le 16 septembre 2012.

Ces emplois seront majoritairement proposés dans le secteur public, mais aussi au sein des milieux associatifs ou mutualistes, même si le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait un temps déclaré que des expérimentations “à la marge" dans le secteur privé (et plus particulièrement dans le domaine des services à la personne) seraient mises en place. À rapprocher également des “emplois francs" sur lesquels s'est engagé le ministre délégué à la Ville, François Lamy, lors de son déplacement à Amiens (L'Inffo n° 817, p. 4), qui pourraient rentrer dans ce cadre. Mais c'est par décret que les secteurs d'activités réellement concernés par ces emplois d'avenir (ainsi que le taux de subvention aux entreprises) seront déterminés. Une autre expérimentation pourrait également porter sur des postes d'enseignants qui se verraient proposés à des étudiants boursiers se destinant à l'enseignement.
Selon la volonté du gouvernement, 100 000 de ces emplois pourraient être déployés dès 2013, sur un total de 250 000. Le coût de ce déploiement pour l'année à venir a été estimé à 500 millions d'euros par le ministre du Travail, Michel Sapin. Distincts des emplois aidés “classiques" (d'une durée moyenne de huit mois), ces contrats sont prévus pour s'étendre sur trois ans et comprennent “une forte incitation à la conclusion de CDI", indique-t-on à Bercy.
À l'issue du conseil des ministres, Michel Sapin a présenté à la presse le projet de loi tel qu'il sera soumis aux parlementaires, en compagnie des ministres et ministres délégués les plus concernés par ces dispositifs : Valérie Fourneyron (Sports, Jeunesse, Éducation populaire et Vie associative), Thierry Repentin (Formation professionnelle et Apprentissage), Victorin Lurel (Outre-mer), Benoît Hamon (Économie sociale et solidaire) et François Lamy (Ville).
Première organisation syndicale à réagir à cette annonce, la CGT a “exigé" que ces emplois soient bâtis autour de “trois conditions indispensables : l'accès à une formation qualifiante, un accompagnement et un suivi par le service public de l'emploi et la mise en place de tutorat sur le lieu de travail". Aux yeux de la Confédération, “il est hors de question d'entraîner les jeunes dans un parcours qui les laisserait trois ans après sans débouchés", et, justement, “sans avenir".

Benjamin d'Alguerre

Vers un "droit opposable à la qualification"

Pour Thierry Repentin “les emplois d'avenir constituent l'occasion d'offrir aux jeunes un parcours progressif vers la qualification. Cette dernière est aujourd'hui une condition indispensable à une vie professionnelle et personnelle réussie". Mais le ministre a été plus loin : la mission de son ministère, dans les années à venir, sera la création d'un droit opposable à la qualification.
À cet égard, le cas du compte individuel de formation fut l'un des thèmes récurrents des propositions de campagne de plusieurs candidats (voir L'Inffo n° 809). Pour le PS, il s'agissait alors de mettre sur pied un “droit à la qualification pour tous". Si l'appellation – non validée – de “droit individuel à la formation" est parfois utilisée depuis l'élection de François Hollande, il apparaît que ce dispositif pourrait constituer “une carte vitale du droit à la formation, attaché à un individu, tout au long de sa vie", selon les mots du ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle, lors de l'Université des CCI.

Plusieurs amendements renforcent la dimension “formation" des emplois d'avenir

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale qui examinait (préalablement au débat parlementaire), le 4 septembre, le projet de loi, a adopté 36 amendements parmi ceux qui lui ont été présentés.

Nombre d'entre eux visent à mettre l'accent sur la dimension “formation" du dispositif. C'est le cas notamment de l'amendement n° 74, déposé par le rapporteur Jean-Marc Germain (PS), qui souhaite préciser que ces emplois d'avenir ont pour objet de faciliter “l'accès à la qualification" des jeunes, en plus de leur insertion professionnelle.
Dans le même ordre d'idée, un autre amendement du rapporteur (n° 86) prévoit de faire apparaître l'obligation pour l'employeur d'accompagner le jeune bénéficiaire dans un parcours d'accès progressif à la qualification. Un troisième amendement de Jean-Marc Germain (n° 87) stipule que la demande d'aide formulée par un employeur au titre d'un emploi d'avenir devrait indiquer “obligatoirement" quelles actions de formation sont prévues pour assurer la qualification du bénéficiaire. Le rapporteur et des députés SRC et PS (amendement n° 54) souhaitent que cette demande d'aide décrive également “les conditions d'encadrement et le cas échéant, de tutorat".
Marie-George Buffet et Jacqueline Fraysse (du groupe “Gauche démocrate et républicaine", constitué de députés communistes et écologistes) vont plus loin. Dans un amendement (n° 5), elles insèrent une sanction pour les employeurs qui ne rempliraient pas leurs engagements en matière de formation. Ceux-ci seraient alors contraints au remboursement de la totalité des aides publiques perçues.

Aménager les emplois d'avenir pour se former

Jean-Marc Germain (amendement n° 101) prévoit par ailleurs plusieurs cas de figure dans lesquels un temps partiel pourrait être accordé dans le cadre d'un emploi d'avenir, et notamment si ce temps partiel “a pour objectif de faciliter le suivi d'une action de formation, afin de consolider [les] compétences professionnelles". Et de préciser qu'à l'issue d'un emploi d'avenir, un processus de reconnaissance des compétences acquises serait organisé. Celui-ci pouvant revêtir plusieurs modalités : attestation de formation, attestation d'expérience professionnelle, ou, si le salarié remplit les conditions, une VAE. Enfin, Jean-Marc Germain (n° 84) demande la possibilité de prolonger, par dérogation et avec l'accord des autorités compétentes, l'aide accordée si le jeune est engagé dans un processus de formation dont le terme excède la durée maximale de trente-six mois de l'emploi d'avenir, sans dépasser toutefois le terme de la formation suivie.

Aurélie Gerlach

Thierry Repentin : “Aucun emploi d'avenir ne sera validé s'il ne comporte de volet formation"

L'accompagnement et la formation seront des éléments-clés de la mise en œuvre des futurs emplois d'avenir. C'est ce qu'a affirmé Thierry Repentin, ministre délégué à l'Apprentissage et à la Formation professionnelle, lors de la conférence de presse dédiée à la présentation du dispositif, le 29 août dernier.

Ces emplois concerneront les jeunes sans diplôme de 16 à 25 ans, qui en seront les premiers bénéficiaires, en particulier dans les zones urbaines ou rurales les plus marquées par le chômage. D'autres jeunes en difficulté d'insertion, ayant poursuivi leurs études jusqu'à un premier niveau de qualification (CAP-BEP) ou jusqu'au baccalauréat dans certaines zones difficiles, pourront également accéder à ces emplois. “Nous visons particulièrement les jeunes qui rencontrent une très grande difficulté d'accès à l'emploi, ceux qui sont peu ou pas qualifiés : le cœur de la désespérance du chômage des jeunes", a déclaré Michel Sapin, ministre du Travail. Les emplois d'avenirs seront principalement créés par des employeurs du secteur non marchand dans des activités ayant une “utilité sociale avérée" et susceptibles d'offrir des “perspectives de recrutement durables" (filières vertes et numériques, secteurs social et médico-social, aide à la personne, animation et loisirs, tourisme, etc.). En outre, certains emplois d'avenir (“emplois d'avenir professeur") auront pour vocation d'accompagner des étudiants boursiers qui souhaitent poursuivre leurs études et se destiner aux métiers de l'enseignement.

Pas de contrat sans volet formation

Rattachés aux textes réglementaires relatifs aux contrats uniques d'insertion (CUI, créés en 2008 et déployés en 2010), ces nouveaux emplois ont, jusqu'à présent, été parfois comparés aux “emplois jeunes" de 1997. Mais si certaines similitudes existent (contrats créés très majoritairement dans le secteur non-marchand, associatif, public ou d'utilité sociale et ne concernant que les publics âgés de 16 à 25 ans), Thierry Repentin a insisté, à l'occasion de l'Université des CCI, tenue les 30 et 31 août (voir dans ce numéro p. 11), sur le fait que ces emplois d'avenir concerneraient exclusivement les jeunes sans qualification et éloignés de tout dispositif de formation. En effet, il apparaît que près de 20 % des emplois jeunes déployés entre 1999 et 2005, ont été occupés, en réalité, par des titulaires de niveau bac + 2, voire davantage. Par ailleurs, le ministre a ajouté “qu'aucun de ces contrats ne sera validé s'il ne comporte de volet formation". Lequel ne pourra être mis en œuvre “qu'avec le concours des partenaires sociaux collecteurs des fonds de la formation professionnelle, mais aussi avec le concours d'institutions telles que les Chambres de commerce et d'industrie".

“Un formidable levier"

“Les emplois d'avenir sont un formidable levier, de par le ciblage des bénéficiaires, mais également de par les exigences que le gouvernement aura vis à vis des employeurs. Ceux qui souhaitent embaucher un jeune via le dispositif devront fournir un dossier dans lequel ils devront expliquer de quelle manière ils comptent accompagner le jeune." Enfin, les emplois d'avenir permettront aux bénéficiaires de “profiter du système de formation de droit commun, et donc de dispositifs tels que le Dif, le Cif ou encore du plan de formation", a précisé Thierry Repentin. Affirmant ainsi que son ministère allait mettre en place une stratégie pour le développement de la formation dans ce cadre, en concertation avec les partenaires sociaux, “afin que les branches priorisent l'accompagnement des jeunes, et ce notamment par l'action des Opca", mais également avec les régions, “pour que celles-ci offrent une véritable stratégie de qualification".

“Nous allons notamment chercher des moyens dans les Opca, et plus précisément dans les Opca de l'économie sociale et solidaire, Unifaf et Uniformation. Une rencontre est d'ores et déjà prévue avec eux. D'autre part, un agrément sera signé avec les Missions locales", a ajouté le ministre. Pôle emploi devrait également être mis à contribution.

Aurélie Gerlach et Benjamin d'Alguerre

100 000 emplois d'avenir doivent être crées en 2013, chiffre porté à 150 000 en 2014. Selon Michel Sapin, l'État s'engagera à hauteur de 2,3 milliards d'euros pour financer ces emplois. 75 % du montant brut de la rémunération du jeune seront pris en charge pendant une durée de trois ans. L'emploi d'avenir sera pour l'essentiel à temps plein, en CDI ou en CDD de trois ans (ou un an renouvelable jusqu'à trois ans).