Gérard Cherpion, de l'officine pharmaceutique à l'office parlementaire
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 avril 2012.
Pharmacien de campagne, puis pharmacien en campagne, la carrière professionnelle de cet ancien assistant à la faculté de pharmacie de Nancy aura été entamée sous les auspices d'un double “retour à la terre". Double puisque Le retour à la terre fut justement le titre d'un ouvrage de Jules Méline, en 1905, ancien président du Conseil de la IIIe République dont la carrière de parlementaire débuta près d'un siècle plus tôt précisément dans la même circonscription, celle de Saint-Dié, dans les Vosges[ 1 ]Actuellement, Saint-Dié-des-Vosges..
Chacun son tropisme en ces années d'immédiat après-mai 68. Si, pour certains, ce sera le Larzac, lui fera le choix du ballon vosgien. “Ouvrir une officine de campagne, en 1972, représentait un véritable engagement", se souvient-il. Et si lui s'engage, l'industrie vosgienne, durant cette décennie 1970 aurait plutôt tendance à se dégager. Le textile, épine dorsale de l'économie de la vallée de Saint-Dié, se délite, et le département commence à flirter avec un taux de chômage à deux chiffres. En 1980, le futur parlementaire intègre la Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Dié, puis, quatre ans plus tard, le Conseil économique et social de Lorraine. “À l'époque, je m'occupais essentiellement de gestion", avoue-t-il. Mais cette gestion l'amène à se pencher sur le sujet des reconversions et il contribue à créer un CFA de plasturgie, à Sainte-Marguerite[ 2 ]Commune limitrophe de Saint-Dié., en collaboration avec l'UIMM, avant de s'investir, quelques années plus tard, dans la fondation de l'Institut de promotion de la montagne, à Gérardmer, un autre centre de formation d'apprentis, orienté, cette fois, vers l'industrie touristique et, notamment, les activités sportives liées au ski, à la randonnée ou au secourisme. “La création de ce CFA reposait sur une évidence : celle de promouvoir les métiers liés à la géographie du secteur."
Entrée en politique
À la fin des années 1980, la montagne n'est pas la seule à bouger, en pays vosgien. La politique municipale déodatienne[ 3 ]Déodatien(ne) : habitant(e) de Saint-Dié-des-Vosges., qui avait passé douze années sous le patronage du RPR Maurice Jeandon, est chamboulée par l'arrivée dans le jeu politique de Christian Pierret, énarque PS, issu de la mouvance de Jacques Delors puis proche de Laurent Fabius, qui emporte la mairie. Gueule de bois pour la droite locale qui voit la deuxième ville du département (après Épinal) lui échapper. C'est l'époque où Gérard Cherpion se lance en politique, en faisant son entrée au Conseil régional de Lorraine où il décroche la présidence de la commission de l'éducation et de la formation, puis la vice-présidence en charge de la formation professionnelle et de l'apprentissage lors d'une élection régionale de 1992 qui voit le RPR prendre le pas sur son “frère ennemi" de l'UDF, jusqu'alors en charge des affaires. Cependant, si la droite conserve l'hôtel de Région, à Saint-Dié “personne ne pensait que nous pouvions battre Christian Pierret", sourit Gérard Cherpion avec l'assurance de celui à qui l'histoire a donné raison. “Gérard Longuet m'a persuadé d'y aller… et je l'ai emporté. De 400 voix seulement, mais emporté tout de même !" Dès lors commence un chassé-croisé entre les deux hommes pour la maîtrise de la politique locale. Gagnant aux législatives de 1992, Gérard Cherpion doit s'incliner aux municipales de 1995, puis aux législatives de 1997, avant de regagner son siège en 2002 et de s'y confirmer en 2007. “Énarque, ancien membre du bureau exécutif du PS, proche de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius, Christian Pierret avait cru, en 1992, pouvoir manger tout cru le pharmacien de Fraize[ 4 ]Commune limitrophe de Saint-Dié.. Il avait mal jugé de l'importance que les déodatiens attachent à l'ancrage territorial", raconte un enseignant de Saint-Dié, qui fut pourtant l'un des soutiens du candidat socialiste à l'époque.
Aux affaires sociales
Mais retour en 1992 : le nouveau parlementaire fait son entrée sous les ors de l'Assemblée et rejoint la commission des affaires sociales. “Une commission au cœur de la société, qui débat aussi bien des questions d'emploi que de protection sociale ou de santé", explique Gérard Cherpion. Une commission “où les idées de progression sociale sont dans toutes les têtes, indépendamment des partis, même si les désaccords existent en termes d'axes ou de tendances politiques". L'implication du député vosgien dans les questions de formation professionnelle et de promotion sociale l'amène à travailler de concert avec un autre élu, tourangeau et socialiste celui-là, Jean-Patrick Gille, futur co-rapporteur de la loi du 24 novembre 2009. “Nous avons tous les deux des caractères sympathiques et conciliants, nous nous entendons très bien !", assure le parlementaire d'Indre-et-Loire. “Bien entendu, nous savons sur quoi nous ne sommes pas d'accord et travaillons donc en toute sincérité avec un profond respect l'un pour l'autre. Nous avons des désaccords, mais nous ne passons pas notre temps à les évoquer… Nous n'avons pas besoin de nous parler beaucoup pour nous comprendre, car nous avons la même volonté de faire avancer les choses." Une sympathie non feinte qui n'empêche cependant pas les désaccords entre les deux élus, notamment sur les questions de formation des emplois saisonniers ou intérimaires. “Il y a une authenticité chez lui" reconnaît pour sa part François Hommeril, en charge des questions de formation à la CFE-CGC, “Gérard Cherpion ne fait clairement pas partie de ces députés qui s'emparent d'un sujet juste pour le plaisir de pouvoir ensuite l'inscrire sur leur CV. Son travail de rapporteur sur la loi Wauquiez n'avait rien de bidon: j'estime qu'il fait partie de ces rares parlementaires qui a à cœur de transformer une vision en projet politique". Mais comme qui trop embrasse mal étreint, le représentant du syndicat des cadres n'en avoue pas moins sa "déception" quant à l'attitude de l'élu vosgien à l'occasion des ponctions étatiques sur le FPSPP. "Je l'ai trouvé décevant et peu combattif à cette occasion. Alors que les partenaires sociaux attendaient un discours clair de sa part, il a tergiversé et tourné autour du pot... Peut-être ce pessimisme trouvait-il sa source dans son impuissance face à cette décision de l'État?"
Alors, trop courtois pour hausser la voix, monsieur Cherpion? "C'est effectivement un homme d'une extrême courtoisie, ouvert au dialogue et qui sait écouter avant de décider, ce qui est rare en politique où la tendance est plutôt à l'inverse" explique le sénateur UMP Jean-Claude Carle qui lui aussi participé aux négociations de la loi de 2009. "Gérard dispose d'une vision transversale, à la fois politique et technique sur le sujet qu'il a pris en main." Raison de plus pour certains partenaires sociaux de l'attendre au tournant: "En matière de formation professionnelle, les principaux candidats à la présidentielle racontent beaucoup de conneries" juge sévèrement François Hommeril, "alors une fois que le brouhaha politique se sera tu, et quelque soit le résultat des urnes, sa parole sera très écoutée. Autant dire que vu son autorité en la matière, nous y serons particulièrement attentifs !"
La perspective d'affronter le très people Jack Lang aux législatives de 2012 risque-t-elle de faire perdre sa courtoisie à l'affable pharmacien? Ce dernier jure que non: "Je continuerai d'agir à ma manière et les électeurs trancheront. Une chose est sûre: je ne me laisserai pas entraîner dans son cirque médiatique."
Notes
1. | ↑ | Actuellement, Saint-Dié-des-Vosges. |
2, 4. | ↑ | Commune limitrophe de Saint-Dié. |
3. | ↑ | Déodatien(ne) : habitant(e) de Saint-Dié-des-Vosges. |