Un plan de refondation pour élaborer le “troisième modèle" de l'Afpa
Pour sa première conférence de presse, Yves Barou, nouveau président de l'Afpa, s'est voulu sans détour : “Oui, l'ancienne direction a échoué et a fait sombrer le navire." Désormais, c'est à lui, en tant que nouveau capitaine, qu'il appartient de remettre l'Association pour la formation professionnelle des adultes à flots. Une mission qui passe par “un plan de refondation" destiné à élaborer “le troisième modèle de fonctionnement de l'Afpa" qu'il se fait fort de définir d'ici le 1er décembre 2012, secondé par un nouveau directeur général qui sera connu avant octobre prochain.
Par Knock Billy - Le 01 septembre 2012.
Un “troisième modèle" qui reste en grande partie à inventer afin de répondre aux enjeux des nouvelles mutations économiques et industrielles. “Jamais la France n'a connu de besoins en requalification aussi importants qu'aujourd'hui", a expliqué Yves Barou, le 13 juillet. Et s'il reste fidèle aux principes fondateurs de l'Afpa dans sa mission de formation des publics, tout au long de la vie, le nouveau président est conscient que les modèles sur lesquels son institution a pu fonctionner par le passé sont désormais obsolètes. “De 1945 à 2004 environ, l'Afpa a fonctionné selon un principe “protection-subvention" avant de laisser la place au tout concurrentiel", a-t-il résumé. Quant à la nouvelle voie que l'équipe de direction “intérimaire" de l'Afpa (selon les mots de son président) va emprunter, elle a été définie comme une “réaffirmation de la mission de service public de l'Association, tout en assurant la régulation de la commande publique afin que cette mission soit assurée". Une mission qui, pour l'équipe dirigeante, n'aura rien d'incompatible avec l'amélioration de la compétitivité économique de l'Afpa à moyen et long termes, notamment en termes de réponse aux appels d'offres. L'Association n'a d'ailleurs pas à rougir en termes de compétitivité, puisqu'en 2011, face au marché privé, elle a réussi à “gagner" 146 000 places de formation. Son souci, en revanche, a été de ne pouvoir les remplir puisque seules 87 000 ont été occupées.
Mobiliser les débiteurs et le secteur bancaire
Demeure la problématique immédiate du court terme, pour laquelle Yves Barou propose de “re-stabiliser" le système. En premier lieu, en redressant les comptes, via la demande aux débiteurs de l'Afpa (notamment les Conseils régionaux) de régler leurs factures en suspend. Une demande d'ailleurs portée par Thierry Repentin, en marge de la conférence sociale, lors de la réunion informelle sur l'avenir immédiat de l'Afpa qui s'était tenue au palais d'Iéna le 10 juillet dernier (L'Inffo n° 816, p. 3).
Les Régions, mauvaises payeuses ? Pas vraiment, à en croire Pierre Lepetit, en charge du redressement financier de l'Association : “Les Régions avaient l'habitude de fonctionner en termes de subventions pour l'Afpa et non de factures à régler à échéances fixées, a-t-il expliqué, l'ancienne direction avait signé des contrats avec plusieurs Conseils régionaux qui ne stipulaient aucunement le versement de quelque acompte que ce soit. Il n'y a donc pas de mauvais payeurs, juste de mauvais contrats." Une situation aggravée par le fait que, durant l'exercice 2011, l'Afpa avait négligé… d'envoyer ses factures à ses clients, ce qui stupéfie Yves Barou : “Moi qui vient du privé, je n'arrive pas à concevoir qu'une entreprise puisse fonctionner sur ce modèle !" Reste qu'aujourd'hui, en mobilisant ses débiteurs, l'Afpa escompte réussir à faire rentrer “plusieurs millions d'euros" dans ses caisses. Un challenge non négligeable puisque, de par son statut associatif, l'Afpa ne peut ni terminer une année comptable en excédent de trésorerie, ni faire appel aux banques. Encore qu'en la matière, l'Afpa pourrait très bientôt se retrouver retirée de la liste des organismes divers d'administration centrale (Odac), ce qui lui permettrait d'emprunter auprès du secteur bancaire au-delà d'une durée d'un an, comme c'est actuellement le cas. “Le directeur de l'Insee nous a d'ores et déjà écrit pour nous annoncer qu'il nous retirait de la liste. Nous attendons pour l'instant le décret de confirmation", a annoncé Dominique Schwach, chargé du pilotage opérationnel de l'Afpa.
Un futur directeur général issu du secteur privé ?
En son temps, le train de vie de l'ancienne direction générale, mais surtout sa propension à faire appel à des cabinets d'audit et de consultants extérieurs (pour un total de 19 millions d'euros) avait été fortement critiquée au sein de l'Afpa, notamment par la CGT. Mais au-delà du symbole, c'est l'augmentation générale des frais de fonctionnement hors masse salariale (comprenant les frais générés par les deux-cent dix sites de l'Afpa sur tout le territoire qui, outre les cours proprement dit, offrent l'hébergement et la restauration aux stagiaires) qui avait grevé les budgets. “En 2011, ces frais représentaient 247 millions d'euros, soit une augmentation de presque 30 % en trois ans, pour un chiffre d'affaires de 865 millions. Cette dérive était anormale et nous envisageons de les réduire à un total de 220 millions pour l'exercice 2013", estime Pierre Lepetit.
“Tenir le front du court terme pour bâtir l'avenir", annonce Yves Barou.
Aujourd'hui, selon le président de l'Afpa, la trésorerie lui permet d'assurer les échéances jusqu'au moins en octobre. Une situation qui n'était pas évidente au mois de juin, puisqu'une fois les frais réglés, le solde en caisse était quasi nul. “La structure de l'Afpa ne nous permet pas de recapitaliser selon les modèles traditionnels des entreprises", a-t-il ajouté, précisant que la recherche de fonds propres constituera l'une des priorités de l'équipe dirigeante qui se mettra en place en octobre, date à laquelle les grandes orientations de l'Association seront annoncées.
Et si l'identité du futur directeur général n'est pas encore connue, la “chasse aux têtes" bat son plein. Un nouveau directeur général qui, selon Yves Barou, “sera associé dès octobre à la refondation de l'Afpa". Un intéressé qui, vraisemblablement, sera issu du secteur privé.
Benjamin d'Alguerre
2011, une année de rupture pour l'Afpa, dont le chiffre d'affaires chute de 75 millions d'euros
Dans son rapport annuel 2011, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes souligne que 2011 a été pour elle une “année de rupture", avec un chiffre d'affaires de 865 millions d'euros, en chute de 75 millions d'euros par rapport à 2010 (940,8 millions d'euros) et de 135 millions d'euros par rapport au milliard de 2008. Cela tient principalement au changement des pratiques d'achat des Conseils régionaux qui sont les principaux acheteurs de formation qualifiante pour les demandeurs d'emploi. “En 2008, précise l'Association, 5 % du chiffre d'affaires que nous réalisions avec eux étaient sous appels d'offres. En 2011, nous sommes passés à 60 %."
Côté chiffres, l'année 2011 fait état de 159 809 stagiaires, dont 92 267 demandeurs d'emploi (58 %), de 64,3 millions d'heures de formation, de 131 831 prestations de suivi d'accompagnement, de bilan et d'évaluation, de 4 000 candidats accompagnés à la validation des acquis de l'expérience (VAE) et de l'instruction de près de 6 600 dossiers de demande de VAE. Le “Top 5" des titres les plus demandés en VAE sont : assistant(e) de vie aux familles, agent de fabrication industrielle, secrétaire assistant, formateur professionnel d'adultes, et conseiller en insertion professionnelle. Le nombre de candidats à la VAE a augmenté de 3,9 %.
En 2011, 40 080 jeunes sont entrés à l'Afpa, principalement pour apprendre un métier grâce aux formations diplômantes. Plus de sept sur dix étaient des hommes. Parmi eux, 14 % étaient au chômage depuis plus d'un an, 17 % étaient formés dans le cadre du plan de formation, 17 % de niveau inférieur ou égal à la classe de troisième, et 9 % de niveau supérieur au bac. “7,3 % de jeunes ont choisi la voie de l'alternance pour des métiers offrant de nombreux débouchés : maçon, téléconseiller, assistant de vie aux familles." Ce sont les jeunes qui accèdent le mieux à l'emploi : 71 % d'entre eux ont trouvé un emploi dans les six mois suivant leur formation, soit quatre points de plus que l'ensemble des stagiaires.
Plus de 80 % des anciens stagiaires déclarent utiliser de manière effective les connaissances acquises à l'Afpa. À noter que “la moitié des demandeurs d'emploi choisit une formation du secteur tertiaire, et deux sur trois suivent une formation de niveau V (69 %)." Les salariés des entreprises étaient, l'année dernière, 67 542 (42 %) à suivre une formation à l'Afpa, mais avec un volume d'heures en baisse (soit 10,2 millions d'heures). “Cette diminution du nombre d'heures, indique le rapport, traduit le raccourcissement de certains parcours de formation pour répondre à la demande des clients et prescripteurs d'adapter et d'individualiser davantage les réponses formatives." Le taux de réussite au titre professionnel des salariés est supérieur à celui des demandeurs d'emploi (86,5 % suite à une formation, et 82,7 % dans le cadre de la VAE).
Le rapport note une diminution du nombre d'entrées en formation des personnes handicapées (8 611 soit moins 13,4 % par rapport à 2010), suite “à la baisse des financements de l'Agefiph". À ce titre, l'Afpa “maintient en 2012 des objectifs volontaristes et diversifie la recherche de financeurs : Agefiph, Conseil régional, Opca, Missions handicap des entreprises, Pôle emploi et peut être le Fonds social européen (FSE)".
Concernant les formations en alternance, le contrat de professionnalisation reste un axe fort pour l'Afpa. “Nous avons enregistré 4 706 entrées en contrat de professionnalisation cette année." Tous organismes confondus en France métropolitaine, ce dispositif enregistre une hausse de 17 % en un an. “Cette forte hausse tient au secteur tertiaire et à l'industrie qui concentrent respectivement 79 % et 14 % des nouveaux contrats. Elle s'accompagne d'un nouveau raccourcissement de la durée moyenne des contrats et d'une progression des formations débouchant sur une qualification reconnue par les branches professionnelles." Par ailleurs, les formations relevant du plan de formation des entreprises ont attiré plus de 53 000 stagiaires. La formation continue représente 8 % du chiffre d'affaires 2011 de l'Afpa (elle représentait 25 % en 2010). Les ventes enregistrées par l'Association concernent des formations du bâtiment avec 10 250 inscriptions, de l'industrie avec 2 825 inscriptions réparties en majorité sur les formations liées à la réparation automobile, et du secteur du commerce et de l'hôtellerie-restauration (4 % des ventes).
Philippe Grandin