Une “conférence de méthode" pour préparer la “conférence sociale pour l'emploi et la croissance"
La “conférence de méthode", convoquée le 5 juin par Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, a permis aux partenaires sociaux (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO, CGPME, Medef et UPA)
de s'accorder sur l'ordre du jour, les sujets et les participants à la “conférence sociale pour l'emploi et la croissance" qui les réunira
les 9 et 10 juillet prochains.
Par Béatrice Delamer - Le 17 juin 2012.
Jean-Marc Ayrault était entouré, outre de Michel Sapin, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, d'Arnaud Montebourg (Redressement productif), de Marylise Lebranchu (Réforme de l'État, Décentralisation et Fonction publique) et de Marisol Touraine (Affaires sociales et Santé). Si les organisations non représentatives (Unsa, FSU et Solidaires) ont été auditionnées dans le cadre des bilatérales (L'Inffo n° 813, pp. 2-5), elles ne l'ont pas été le 5 juin. Elles ne devraient rejoindre les partenaires sociaux et d'autres organisations (y compris les associations) que pour le grand rendez-vous présidé par François Hollande, selon les sujets abordés. Régions et collectivités locales feront également partie des participants.
Une table ronde formation
C'est au Palais d'Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese), que se tiendra la conférence sociale. La manifestation sera structurée autour de sept grandes tables rondes. L'absence de secrétaires nationaux en charge de la formation professionnelle dans les délégations syndicales ayant participé aux bilatérales, puis à la conférence de méthode, laissait prévoir que ce sujet aurait du mal à se faire une place. Mais l'une des tables rondes sera bien consacrée à la formation professionnelle.
Les thèmes retenus seront l'emploi (contrats d'avenir, de génération, droit du licenciement, emploi des jeunes, etc.), la formation tout au long de la vie, les rémunérations et le pouvoir d'achat (cas des bas salaires, heures supplémentaires, etc.), le redressement de l'appareil productif français, l'égalité hommes-femmes, le financement des retraites et la fonction publique. Chacune des tables rondes sera présidée par un ministre (Michel Sapin se chargeant de celle consacrée à l'emploi). À l'heure actuelle, six ministres ont d'ores et déjà et été choisis, ne manque que celui qui aura la responsabilité de la formation professionnelle. François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, s'est félicité “que trois de ces tables rondes soient consacrées aux questions de l'emploi".
Béatrice Delamer et Benjamin d'Alguerre
Les partenaires sociaux “formation" veulent se faire entendre
Le Comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP) réuni le 5 juin a décidé d'écrire au ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. “Nous voulons le rencontrer pour lui exposer les priorités et les objectifs de la formation professionnelle, ce que nous n'avons jamais pu faire avec le précédent gouvernement", a expliqué Olivier Gourlé, vice-président (CFTC) du CPNFP, à l'issue de la réunion.
“L'objectif est de lui présenter nos travaux, notre place dans le domaine de l'emploi et de la formation et de défendre nos bilans. Pour qui fait l'état des lieux de ce que nous avons négocié, par exemple l'Ani jeunes, ou encore l'expérimentation du contrat de sécurisation des parcours (CSP), il apparaît que la formation a servi de levier pour l'emploi. Et nous n'avons pas attendu d'être sollicités par le gouvernement pour nous saisir de ces sujets." Des dispositifs comme le Dif, le contrat de professionnalisation ou la préparation opérationnelle à l'emploi sont à mettre au crédit des partenaires sociaux. “Le gouvernement n'a pas « fait » la POE, elle est issue de nos négociations !", insiste-t-il.
Olivier Gourlé estime que la formation va rapidement s'imposer : “Lorsqu'il est question de la crise, qu'il faut développer le CSP ou réactiver le chômage partiel, alors la formation, ses prescripteurs et ses financeurs, interviennent." Résumant : “La formation a un rôle à jouer dans le dialogue social. Et je veux montrer la plus-value qu'il y a à travailler avec nous, car nous sommes sur le
terrain, sans être dans l'opposition."
Béatrice Delamer
Renégocier les Com et les Opca ?
La formation n'est pas le sujet central des premières rencontres sociales du nouveau gouvernement, a reconnu Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO en charge de l'emploi et de la formation professionnelle, à l'issue du CPNFP du 5 juin, avant de se rendre à la conférence de méthode à Matignon. “Parmi les sujets qu'il faut aborder avec Michel Sapin, figure l'acte III de la décentralisation au regard de la formation professionnelle." Stéphane Lardy estime qu'un bilan de la réforme de 2009 doit être réalisé avec le ministre. “Nous souhaitons revenir sur les conventions d'objectifs et de moyens (Com) des Opca, conclues entre les partenaires sociaux et l'État", a-t-il rappelé. FO s'était opposée à l'utilisation des Com qu'il jugeait imposées aux Opca et Fongecif “comme un unique outil de contrôle financier".
La formation, “sujet réservé" aux organisations siégeant au sein d'instances paritaires telles que le FPSPP
“L'emploi et la sécurisation des parcours professionnels, le dialogue social en entreprise et la qualité de vie au travail sont les trois sujets majeurs que la CFDT souhaitait voir à l'ordre du jour", indique à L'Inffo Laurent Berger, secrétaire national en charge de l'emploi et de l'organisation.
Dans un ensemble de propositions présenté en mai au gouvernement, la confédération avait notamment insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des “kits de formation" à destination des salariés en situation de chômage partiel, de déployer un plan national d'urgence de formation des demandeurs d'emploi, de dispositifs particuliers de formation à destination des jeunes et des seniors, de déconcentrer les services de Pôle emploi pour les rapprocher des Régions, ou encore de créer les conditions d'un “droit individuel à la formation tout au long de la vie".
Autant de sujets qui devraient faire l'objet de concertations, qu'elles soient strictement limitées aux organisations jugées représentatives (à l'image de l'assurance-chômage), ou étendues à d'autres acteurs tels que les syndicats non représentatifs, mais aussi la mutualité ou le monde associatif. “Lorsque les organisations représentatives engagent leur responsabilité, comme c'est le cas, par exemple, des négociations concernant la gestion de l'Unedic, il me paraît normal que les organisations syndicales qui n'ont qu'une voix consultative ne viennent pas donner des leçons, sans que cela n'entraîne de conséquences pour elles", souligne-t-il, se déclarant cependant ouvert à la participation du plus grand nombre d'intervenants dans les domaines transversaux.
La formation professionnelle, justement, fait partie des sujets que Laurent Berger estime réservés aux organisations siégeant au sein d'instances paritaires, parmi lesquelles le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. “Un sujet qui, je l'espère, sera placé à l'ordre du jour de la conférence sociale", a-t-il précisé. Car si, pour la CFDT, le FPSPP demeure “un outil essentiel pour impulser des politiques de formation innovantes", il n'en reste pas moins un outil “perfectible". Pas question, cependant, de vouloir entamer une réforme radicale du Fonds, comme l'a indiqué la confédération : “Avant de procéder à toute nouvelle réforme, il sera nécessaire de réaliser une évaluation qualitative de son organisation et de ses dispositifs à partir d'un diagnostic objectif et partagé."
Benjamin d'Alguerre
Si l'Unsa n'a pas participé à la conférence de méthode du 5 juin, elle n'en a pas moins été reçue, la veille, par le Premier ministre, en vue d'exposer ses suggestions en matière d'emploi, de dialogue social, mais aussi de formation professionnelle. Et pour les syndicats autonomes, la notion de sécurisation des parcours professionnels s'inscrit précisément au cœur de tout dispositif efficace en la matière.
“Nous avons signifié au Premier ministre la volonté de l'Unsa d'inscrire cette sécurisation des parcours dans les thèmes qui devront être abordés en juillet. Nous imaginons difficilement qu'une politique de dialogue social rénové puisse en faire l'économie", a annoncé Jean-Marie Truffat, secrétaire national aux questions de formation professionnelle, qui faisait partie de la délégation reçue à Matignon.
Une politique d'autant plus cohérente qu'elle concerne les jeunes. “L'idée d'intégrer un jeune dans une entreprise en conservant un senior qui lui serve de tuteur est positive, mais ce genre d'initiative nécessite des contenus de formation bien définis, afin de permettre à ce jeune de développer ses compétences et de s'insérer dans l'activité de l'entreprise. Sinon, il s'agit d'une activité occupationnelle et peu pérenne." Principalement visés, les contrats de génération et les contrats d'avenir prévus par le nouveau gouvernement. “Il n'est pas question de revenir aux emplois jeunes tels qu'ils ont pu exister par le passé", prévient le secrétaire national.
Pour insérer les jeunes dans la vie active, le précédent gouvernement avait beaucoup misé sur l'alternance, qu'elle s'effectue sous contrat de travail ou sous statut scolaire. Et du côté de l'Unsa, on espère que la nouvelle donne ne remettra pas en question cette voie de formation et d'intégration dans l'entreprise.
À cet égard, Jean-Marie Truffat considère qu'après les législatives, “la création d'un secrétariat d'État, voire d'un ministère délégué à la Formation professionnelle, constituerait un signal fort si le gouvernement souhaite inscrire ce sujet dans un projet global et cohérent".
Le Medef réclame un dialogue social “complet"
Se félicitant à l'issue de la conférence de méthode d'“une ambiance tout à fait constructive", Laurence Parisot, présidente du Medef, a toutefois voulu rappeler que dialogue social rimait avec “concertation. Autrement dit, de l'échange d'informations, la confrontation des informations, pour avoir un diagnostic et pour évaluer la préparation de décisions ou l'élaboration de compromis". Elle a indiqué que
les trésoreries des entreprises étaient “de plus en plus tendues" et qu'elles entraient “dans une zone qui par certains aspects ressemble à ce que nous avons connu à la fin de l'année 2008". Ajoutant : “Nous ne pourrons pas raisonner sur tous les thèmes qui seront abordés, que nous partageons comme choix de thèmes, sans avoir un bon cadrage de la situation économique."
Elle a également demandé que “chaque sujet soit examiné sous un angle à la fois national et européen. Pas question de raisonner aujourd'hui purement local ou purement national".
Le déficit du FPSPP pourrait être réglé par un collectif budgétaire
La situation financière du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels était de nouveau à l'ordre du jour du CPNFP le 5 juin. Une situation suffisamment inquiétante pour que les partenaires sociaux aient alerté la DGEFP − lors de la dernière réunion du 13 janvier − sur le fait qu'il pouvait théoriquement présenter un déficit de 160 millions d'euros fin 2012.
Le FPSPP, qui a subi la “ponction" de 300 millions d'euros (le cadencement des versements a été fixé par le décret n° 2012-303 du 5 mars, L'Inffo n° 808, p. 4), craint de payer des agios. “Une simulation de trésorerie montre que nous serons à découvert à partir du mois de décembre et ce, pendant sept mois, jusqu'à la collecte suivante", indique Paul Desaigues, conseiller confédéral en charge de la formation professionnelle à la CGT. Selon le plan prévisionnel présenté aux partenaires sociaux, ce découvert serait de 28,5 millions fin décembre, et atteindrait 110 millions à terme, “si, bien entendu, l'État n'opère pas un autre prélèvement". Le conseiller CGT revendique donc une garantie de l'État.
La question pourrait être traitée dans un collectif budgétaire ou loi de finances rectificative, puis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Sur cette question tout particulièrement, la vigilance promet d'être totale.
Béatrice Delamer