Une QPC sur le contrôle des organismes de formation

Par - Le 01 août 2012.

Le Conseil d'État a renvoyé au Conseil constitutionnel, le 2 juillet 2012, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à statuer sur la conformité des articles L. 6362-5, L. 6362-7 et L. 6362-10 du Code du travail au regard des “droits et libertés garantis par la Constitution", dans une affaire concernant l'organisme de formation Egilia.

Suite à un contrôle des services de contrôle de la formation professionnelle continue, Egilia avait vu plusieurs de ses dépenses au titre de son activité d'organisme de formation rejetées et devait, en conséquence, verser au Trésor public près de 176 650 euros, correspondant à l'ensemble de ces dépenses. Il avait demandé l'annulation de cette décision en saisissant le tribunal administratif de Paris. Considérant que les articles du Code du travail ayant permis cette sanction administrative portent atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, Egilia a demandé au Tribunal administratif que soit transmis au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité afin que le Conseil constitutionnel se prononce sur la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 6362-5, L. 6362-7 et L. 6362-10 du Code du travail.

Selon ces articles, les organismes de formation sont soumis à un contrôle administratif et financier de l'État. Ils doivent présenter aux agents de contrôle “la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue" et “justifier le rattachement et le bien fondé de ces dépenses à leurs activités". Pour ce faire ils doivent “présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus". À défaut, les organismes font l'objet de la décision de rejet pour les dépenses en question et doivent donc verser au Trésor public “une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet de la décision de rejet".

Dans sa décision n° 358262 du 2 juillet 2012, le Conseil d'État considère que les trois conditions pour que le Conseil constitutionnel soit saisi sont remplies. Les articles L. 6362-5, L. 6362-7 et L. 6362-10 du Code du travail concernent bien la procédure de contrôle en cause. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Et que le moyen tiré de ce qu'elles “portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de légalité des délits garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux". Le Conseil constitutionnel dispose de trois mois pour se prononcer.
Pour la première fois, se pose la question de la constitutionnalité de dispositions de la formation professionnelle continue. Si le Conseil constitutionnel déclarait ces articles du Code du travail anticonstitutionnels, ils deviendraient bien sûr inapplicables. L'administration du contrôle ne pourrait plus utiliser cette sanction administrative et les affaires en cours seraient suspendues, comme cela fut le cas récemment avec la non constitutionnalité de la loi sur le harcèlement sexuel. Cela dit, cette QPC rejoint le flot de nombreuses dispositions légales et notamment pénales, soumises au Conseil constitutionnel et pour la plupart déclarées conformes à la Constitution. Résultat à la rentrée.

Depuis le 1er mars 2010, toute personne engagée dans une instance judiciaire peut soulever une QPC sur une disposition législative ou tout texte voté par le Parlement. Auparavant, seuls le président de la République, le Premier ministre, les présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat, ou un groupe de soixante députés ou sénateurs, pouvaient saisir les “sages". Il faut remplir trois conditions : la disposition législative mise en cause doit être applicable au litige en question et doit porter atteinte aux droits fondamentaux du justiciable ; la conformité à la Constitution de la disposition législative n'a pas encore été décidée par le Conseil constitutionnel et la QPC posée est jugée “nouvelle et sérieuse".