Hommage à Pierre Caspar, par Philippe Carré

Par - Le 25 novembre 2020.

Ma première rencontre avec Pierre date de 1987, quand j'étais consultant à Interface et sur le point de contribuer à une recherche sur les investissements immatériels que Pierre dirigeait pour le Ministère de la recherche et de l'industrie. Nos chemins se sont ensuite croisés, à l'occasion du Contrat d'études prospectives des métiers de la formation, toujours dans le cadre du groupe Interface. J'ai été frappé dès ces premiers contacts par sa bienveillance et son empathie, même et surtout envers les plus novices de ses collaborateurs. Nous nous sommes encore rapprochés quand, devenu professeur, j'ai pris, à la suite de Jacky Beillerot, la codirection du DESS Développement des compétences et interventions dans les organisations, formation alors placée sous le double sceau du Cnam et de l'université de Nanterre. A la même époque, nous avons lancé ensemble la compilation du Traité des sciences et des techniques de la formation (dont la 4ème édition a été publiée en 2017). Depuis lors, à mesure de nos compagnonnages successifs, mon admiration pour les qualités humaines et l'élégance intellectuelle de ce collègue et ami d'exception n'a fait que croître. Ma première impression n'aura jamais été démentie.

Pierre Caspar, avant tout, c'est un style. C'est la finesse de ses analyses par-delà les effets de mode et les allant-de-soi ; son ouverture d'esprit loin des débats de chapelle et des préjugés qui inhibent souvent le dialogue ; son souci de l'autre dans les rapports humains ; la pertinence de ses synthèses et son exceptionnel talent d'orateur… Pour les plus jeunes, difficile de le rencontrer sans l'admirer : il a été un modèle d'action et de culture scientifique. Je n'ai pas échappé à la règle, même si la barre est restée haute.

Pierre Caspar, c'est enfin un visionnaire qui a rythmé plus de quarante années de développement de la formation des adultes grâce à ses livres qui ont été autant d'inspirations majeures pour les débats du lendemain. Pour exemple, les années 70 ont été marquées par Pratique de la formation des adultes (1975) qui posait les fondements de l'ingénierie de formation. La décennie suivante, il publiait L'investissement intellectuel. Essai sur l'économie de l'immatériel (1988, avec Christine Afriat), ouvrage annonciateur des sociétés du savoir. Les années 1990 ont été ponctuées par Le savoir à portée de la main (1991), puis Nouvelles technologies éducatives et réseaux de formation (1999) : il était ici un précurseur du raz-de-marée numérique du XXIème siècle. Enfin, La formation des adultes, hier, aujourd'hui, demain (2011), son dernier ouvrage, est un bilan à portée prospective, devenu un texte de référence. Il a toujours su imaginer le futur tout en ancrant ses convictions à la fois humanistes et pragmatiques dans une solide connaissance historique et culturelle de notre milieu. Il en restera un Grand Témoin essentiel. Puissent ses derniers conseils servir de guides aux nouvelles générations d'étudiants et de professionnels de l'ingénierie de formation, eux et elles qu'il appelle à « … garder un équilibre entre des valeurs et des pratiques humanistes et la volonté de rationaliser les démarches pour progresser en rigueur et efficience » (Caspar, 2011).